Discours d’Olivier Véran : Bien vieillir à domicile et en établissement

Discours d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, prononcé le 8 mars 2022. Seul le prononcé fait foi.

Madame la ministre, Chère Brigitte,
Madame la préfète,
Monsieur le député, (Guillaume Gouffier-Cha),
Monsieur le Président du Conseil départemental du Val-de-Marne, (Christian Favier),
Monsieur le Maire de Fontenay-sous-Bois, (Jean-Philippe Gautrais)
Monsieur le Directeur, (Emmanuel Sys),
Mesdames, messieurs,

Ne tournons pas autour du pot : la parution du livre de Victor Castanet, dont le travail mérite d’être salué, a suscité une émotion très vive, que je partage pleinement et parler d’« émotion » est un peu faible pour qualifier ce que Brigitte Bourguignon et moi avons ressenti en le lisant ; vous pouvez y ajouter les mots colère et indignation.

Face à des pratiques contraires à nos principes, contraires à l’idée que nous nous faisons du soin, de l’accompagnement, contraires à ce qu’une société doit à ses aînés, nous devons agir avec détermination et fermeté.

Je veux d’abord dire à celles et ceux qui travaillent en établissements et à domicile, auprès des personnes âgées, que l’ancien aide-soignant en Ehpad que je suis connaît leur professionnalisme et la force de leur engagement.

Je veux vous dire le rôle essentiel que vous jouez chaque jour, dans tous nos territoires, au service des plus âgés et des plus fragiles.

La période que nous traversons, où la société s’interroge sur son avenir et donc sur elle-même, cette période montre que l’attention portée à l’autre n’est pas une valeur abstraite, mais une exigence constante.

Le grand âge n’a pas été le grand absent de ce quinquennat et, malgré les nombreuses tempêtes, des actes fondateurs ont été posés et des engagements sans précédent ont été pris.

Etait-ce nécessaire ? Oui, si l’on regarde le défi démographique immense qui est déjà là, sous nos yeux, et la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie n’était ni un effet d’annonce, ni un effet de manche, c’est aujourd’hui une réalité.

Etait-ce suffisant ? Non, et si nous pouvons nous féliciter du chemin parcouru, nous devons aussi regarder avec humilité la tâche qui est devant nous.

L’humilité, c’est d’abord écouter et entendre ce que nous disent les Français qui envisagent leur propre vieillissement et qui demandent presqu’invariablement de pouvoir rester chez eux, le plus longtemps possible.

Vieillir chez soi n’est pas une demande extravagante, ça n’est pas un caprice, c’est le souhait toujours légitime formulé par un proche confronté, à plus ou moins long terme, à la perte d’autonomie.

Ce genre d’inquiétude est aujourd’hui une étape inévitable dans la vie de toutes les familles et c’est un vrai enjeu de société.

Nos concitoyens se montrent aussi très sensibles à la dégradation des conditions de travail des professionnels du grand âge, qui limite l’attractivité de filières qui sont, pour des raisons évidentes, des filières d’avenir.

Nos concitoyens nous disent également qu’ils sont confrontés à des difficultés d’accès à l’information sur les droits et les offres de prise en charge, pour les personnes âgées et leurs proches aidants.

Je veux que nous puissions répondre très concrètement à ces questions, parce que répondre à ces questions, que nous nous sommes tous posées, c’est commencer à répondre à l’angoisse et nous ne faisons pas autre chose.

La montée en charge du « virage domiciliaire », dont parlera la ministre déléguée à l’autonomie, n’est pas anodine : c’est un changement de culture, un changement de braquet et un changement de modèle que nous engageons.

Si l’offre à domicile doit se développer et permettre à chacun de rester chez soi le plus longtemps possible, il y a des situations dans lesquelles la perte d’autonomie est trop importante et nécessite un accueil en établissement ; des situations, aussi, dans lesquelles les personnes sentent et savent qu’elles seront mieux accompagnées en établissement qu’en restant chez elle, parfois isolées.

Le meilleur moyen d’« apaiser » ce passage en établissement, qui n’est jamais simple, c’est de moderniser les Ehpad, d’en faire des lieux dans lesquels nous savons qu’un proche sera bien accompagné, qu’il sera bien soigné et qu’il pourra, parce que c’est important aussi, y trouver sa part de bonheur. Vivre, en somme, se divertir, rire, recevoir ses proches, s’épanouir dans des activités, pour faire du grand âge une étape de la vie « comme les autres ».

L’Ehpad a ses spécificités, mais il doit être un lieu de vie, à taille humaine et je suis très attaché à ce que l’on relève ce double défi de la médicalisation et de l’humanisation, parce que les besoins importants liés à la dépendance ne s’opposent pas, et c’est heureux, à la qualité de vie.

Là encore, des engagements sans précédent ont été pris, notamment dans le cadre du Ségur de la santé, pour revaloriser les carrières, et je n’ai jamais eu aucun mal à parler de la case en bas à droite de la fiche de paie, et les accords du Ségur ont permis des augmentations sans précédent, d’au minimum 183 euros, pour celles et ceux qui soignent et accompagnent.

De la même manière, pour permettre aux établissements de se moderniser, et je pense par exemple au développement du numérique, si précieux pour rester en contact avec les proches pendant les confinements successifs, nous n’avons pas lésiné sur les moyens :
 

  • 600 millions d’euros sont mobilisés pour accompagner l’acculturation de l’ensemble des ESMS aux usages du numérique.
  • Et ils permettront également de généraliser l’utilisation du dossier usager informatisé entre tous les acteurs qui accompagnent la personne âgée : l’hôpital, le médecin traitant, l’EHPAD, les services, … partagent des informations essentielles en temps utile.
  • Nous avons aussi souhaité être le plus concrets possible, avec le financement d’équipements du quotidien dans les EHPAD. 4 000 projets sont attendus partout en France pour améliorer la qualité de vie des résidents au quotidien, mais aussi celle des professionnels. Très concrètement, par exemple, pour aménager un jardin thérapeutique, équiper les chambres de rails de transfert ou encore climatiser des espaces.
  • Au titre du plan d’aide à l’investissement pour l’année 2021, ce sont d’ores et déjà 268 investissements qui ont été retenus, soit 20 413 places à rénover, à transformer, y compris dans leur architecture, pour qu’ils soient par exemple plus ouverts sur l’extérieur et j’ai ici en tête un Ehpad en Seine-Maritime, à Montville, qui accueillera dans ses murs de nouveaux services : une résidence inclusive composée de 30 logements, trois grands appartements pour accueillir trois familles d’accueil, un lieu d’accueil de la petite enfance et une maison médicale pouvant accueillir huit professionnels médicaux et paramédicaux avec la télémédecine au coeur du dispositif. Voilà le type de transformation qui s’engage grâce au Ségur et qui dessine, je crois, une vision d’avenir pour le grand âge dans notre pays.

Je l’ai dit, nous avons créé une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à l’autonomie, au mois d’août 2020 et cette nouvelle branche n’a rien de symbolique : elle permet d’intégrer le risque de perte d’autonomie dans la solidarité nationale et elle finance, par la solidarité nationale, une partie importante des dépenses liées à la perte d’autonomie. Et les montants déployés n’ont eux non plus rien de symbolique puisque ce sont 2.4Md€ à échéance 2024, pour une montée en charge progressive qui atteindra 3Md€ en 2030.

Mesdames, messieurs,

Je ne peux terminer cette intervention sans vous dire qu’à chaque instant, depuis un peu plus de deux ans, j’ai eu le souci de protéger nos aînés, qu’ils soient à domicile ou en établissements.

Combien de fois n’ai-je pas dû lutter contre le discours simpliste et odieux m’invitant à ne confiner que les personnes âgées, comme si nos aînés ne partageaient pas notre communauté de destin ?

Combien de fois n’ai-je pas répété qu’une société capable de traiter différemment ses anciens n’était pas une société dans laquelle je voudrais faire grandir mes enfants ? Aujourd’hui, dans la continuité de nombreux engagements pris au cours de ce quinquennat, nous renforçons notre action au service de celles et ceux qui nous ont précédés, qui ont pris soin de nous et dont, à notre tour, nous devons prendre soin.

C’est l’ordre des choses et rien ne doit le perturber : ni les économies de bout de chandelles, ni les calculs mesquins, ni la cupidité, ni l’indifférence.

J’ai donc souhaité que nous allions plus loin dans les ambitions que nous portons pour le grand âge et l’autonomie dans notre pays, et Brigitte Bourguignon va vous détailler les mesures que nous avons construites, non pas sous le coup de l’émotion, mais qui étaient pour certaines déjà présentes et engagées par la LFSS pour 2022, et que nous avons décidé de renforcer, notamment en matière de contrôle et d’évaluation.

Face à des situations qui sont souvent difficiles, aucune place ne doit être laissée à l’opacité, et on ne peut accepter d’exposer tout un secteur au doute des Français, surtout lorsque les structures reçoivent de l’argent public. Cette transparence est la condition d’une confiance qui se gagne et qui, comme chacun sait, « n’exclut pas le contrôle ».

Pour recréer la confiance, nous voulons une transparence totale sur les services rendus, sur les tarifs, sur le budget quotidien alloué aux repas et sur toute une série d’indicateurs qui devront être mis à la disposition des résidents et des familles. Nous attendons, et nous exigeons, que la qualité devienne le maître mot.

Un référentiel national d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux sera publié en mars 2022, à l’issue de concertations approfondies menées par la Haute autorité de santé, avec l’ensemble des acteurs du secteur. Ce référentiel national, commun à tous les EHPAD, quel que soit leur statut, servira de base d’évaluation pour les organismes évaluateurs externes, à partir de septembre 2022, le temps pour le secteur de se l’approprier.

Les établissements seront par ailleurs incités à se faire évaluer dès cette année. Cette accréditation deviendra ensuite une obligation prévue par la loi dans le cadre de la prochaine législature.

Les contrôles seront quant à eux renforcés et un vaste plan de contrôle des Ehpad sera déployé à partir d’aujourd’hui, pour que chacun des 7 500 Ehpad que compte notre pays soit inspecté d’ici deux ans.

Pour renforcer les Agences régionales de santé dans cet exercice de contrôle de grande ampleur, nous recrutons des personnels supplémentaires et ce sont 150 équivalents temps plein supplémentaires qui seront affectés à ces missions.

Voilà les ambitions que nous portons à court terme pour regagner une confiance qui s’est érodée.

Les événements récents, au-delà de l’indignation, nous rappellent que le défi du grand âge est aussi le défi culturel d’une société dont le visage change, d’une société qui fait face à un « grand vieillissement », ce qui peut et doit être regardé avec sérénité, si l’on sait s’y préparer.
Et là encore, nous ne faisons pas autre chose.

Je vous remercie.

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