Discours d’Agnès Buzyn, 25ème anniversaire du Centre Hépato - Biliaire de l’hôpital Paul - Brousse à l’occasion de la journée du don d’organes, Vendredi 22 juin 2018

Seul le prononcé fait foi

Madame la directrice du groupe hospitalier, chère Elsa Genestier,

Monsieur le Président de la Commission médicale d’établissement, cher Professeur Jacques Duranteau,

Monsieur le directeur d’établissement, cher Erik Domain,

Monsieur le chef de service, cher Professeur René Adam,

Mesdames, Messieurs les professionnels de santé, chers collègues,

Aujourd’hui est un jour important, à deux titres, puisque :

  nous fêtons les 25 ans du Centre Hépato-Biliaire de votre hôpital ;

  et nous célébrons la journée du don d’organes.

La qualité de votre groupe hospitalier, pour un bassin de vie de 1,5 million d’habitants, n’est, aujourd’hui, plus à démontrer.

Vos trois hôpitaux, Antoine-Béclère dans les Hauts-de-Seine, Bicêtre et Paul-Brousse dans le Val-de-Marne, proposent une offre de soins complète, avec de fortes complémentarités en termes de prise en charge enfants/adultes, permettant ainsi un meilleur suivi.

Votre offre de soins se structure autour de neuf pôles hospitalo-universitaires proposant des activités de proximité, de recours et d’expertise.
1. Le Centre hépato-biliaire a été pour beaucoup, dans ce succès.

Ce centre a permis d’augmenter, de façon considérable, l’attractivité et l’activité du Département.

Le service de chirurgie a évolué progressivement vers un vrai département médico-chirurgical, le premier de France, intégrant une équipe de chirurgiens, de médecins hépatologues et de réanimateurs spécialisés sur les maladies du foie.

Rappelons que le Centre hépato-billaire a été créé par cette personne, ou plus ce personnage, à la fois éminemment respecté et haut en couleurs, le Professeur Henri Bismuth.

Il défendait un concept de centre intégré, regroupant dans des locaux modernes et fonctionnels – et ils le sont encore très largement aujourd’hui, une équipe médico-chirurgicale et scientifique pouvant :

  assurer une prise en charge globale des pathologies hépatiques et biliaires,

  développer l’enseignement de cette spécialité,

  et mener des recherches cliniques et expérimentales sur les maladies du foie.

2. Mais ce n’est pas seulement la ministre, pas seulement le médecin, qui est impressionnée par vos succès. C’est aussi la scientifique.

Car vous n’avez eu de cesse d’insister sur la mise en relation, constante, des soins, de la recherche et l’enseignement, principe fondamental des centres hospitaliers universitaires.

Les chercheurs, vous le savez, conçoivent des modèles dont ils choisissent les propriétés, et ce pour répondre à une question scientifique précise.
Mais les bons chercheurs, eux, savent que les médecins, au contraire, sont face à un patient dont les paramètres sont incontrôlables.

Votre centre universitaire, rattaché à Paris-11, doit justement nous apprendre sans cesse à redevenir un étudiant, qui ne connaît rien au sujet, et qui doit, pour progresser, travailler avec les autres.

3. Aujourd’hui, comme je le disais, c’est la journée mondiale du don d’organe.

A cet égard, le regroupement de la transplantation hépatique de l’hôpital Mondor sur l’hôpital Paul Brousse doit constituer un nouveau centre d’envergure européenne,

  offrant au patient une prise en charge d’excellence,

  et développant une recherche et un enseignement du plus haut niveau.

4. Je profite de cette belle journée pour insister sur un point, sur un paradoxe important : le foie est un organe essentiel, et pourtant il est encore méconnu du grand public.

Depuis une vingtaine d’années, nous, spécialistes, nous le savons notre foie paye le prix d’une vie sédentaire, marquée par une alimentation désastreuse : il devient gras.

Ce mal à un nom, la stéato-hépatite non alcoolique, la NASH, aux conséquences très lourdes.

Or, vous serez d’accord avec moi, vous tous, au quotidien, avec vos patients, vous voyez un décalage entre la prise de conscience et la pandémie de cette maladie.

C’est qu’il y a, pour le grand public, un mystère autour du foie :
  c’est l’illustre inconnu, blotti en haut à droite dans l’abdomen, sous le diaphragme, et caché par les côtes,

  alors même que c’est l’organe le plus volumineux de notre organisme.

Preuve de sa complexité :

  le cœur artificiel existe, le rein artificiel existe, l’intelligence artificielle, mais le foie artificiel reste aux abonnés absents.

C’est que le foie est plein d’enzymes, producteur de nombreuses synthèses chimiques –pas moins de 300 molécules fabriquées, indispensables à la vie –, centre de traitement du sang :

  bref, le foie est le chef d’orchestre pour tout l’organisme.

Il reste d’une complexité absolue, avec ses 90 milliards de cellules :

  on comprend dès lors pourquoi il est si difficile de le répliquer artificiellement, et pourquoi, encore aujourd’hui, votre art de la greffe est si précieux.

Car la greffe n’est pas seulement un art difficile, c’est aussi une expérience difficile, éprouvante pour le patient.

Les mots du philosophe Jean-Luc Nancy, à propos de sa greffe du cœur, sont éloquents, je le cite :

« Je le sens bien, c’est beaucoup plus fort qu’une sensation : jamais l’étrangeté de ma propre identité, qui me fut pourtant toujours si vive, ne m’a touché avec cette acuité. (…) Entre moi et moi, (…) à présent il y a l’ouverture d’une incision, et l’irréconciliable d’une immunité contrariée. »
C’est là qu’intervient votre capacité à écouter, à comprendre, à échanger, à avoir de l’empathie pour l’autre, à prendre soin du patient.

Chaque jour, dans nos vies quotidiennes, votre humanité dans ces épreuves, dans ces greffes, est une ressource essentielle pour notre pays.

Mesdames, Messieurs,

Certes, les Français connaissent mal le foie, et ils ont parfois du mal à le situer.

C’est comme en politique : certains situent le foie à gauche, ou à droite, ou au centre, et d’autres changent d’avis en cours de route.

Mais le plus important n’est peut-être pas de savoir où le foie se trouve mais plutôt de connaître son importance pour notre organisme.

De la même façon, le service public, la santé publique, les solidarités, sont au-delà des contingences politiques.

Vous, chers collègues, vous assurez cette continuité de l’Etat :

  vous représentez l’avenir de notre système de santé,

  vous incarnez les valeurs du soin,

  et, sondage après sondage, vous figurez parmi les professions préférées des Français.

Vous êtes le premier relais de notre système de soins : vous êtes ces hommes et ces femmes à qui, tout un chacun, peut confier ses peurs, voire sa vie.

Vous êtes, permettez-moi cette comparaison audacieuse, le foie de notre organisme, de notre système de santé :
  bien qu’à l’état normal, nous ne sentions pas notre foie, il travaille jour et nuit, et participe au silence des organes.

« La santé, c’est la vie dans le silence des organes », disait le chirurgien René Leriche.

En ce sens, je peux dire que vous incarnez à merveille la santé de notre pays.

Je vous remercie.

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