Discours d’Agnès Buzyn, Assises nationales de la protection de l’enfance, Vendredi 29 juin 2018

Seul le prononcé fait foi

Madame la Ministre,

Mesdames, Messieurs les élus,

Mesdames, Messieurs les directeurs de services départementaux,

Mesdames, Messieurs les présidents et directeurs d’associations et de fédérations,

Mesdames et Messieurs, les acteurs de la protection de l’enfance,

C’est également un grand honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui pour clore ces 11èmes assises de la protection de l’enfance avec la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet.
Notre présence témoigne bien sûr de notre travail en commun et de notre volonté d’avancer au service des enfants.
Il s’agit d’un temps fort pour réfléchir collectivement et mesurer ce qu’il reste à accomplir.

Je souhaite avant toute chose saluer le travail mené par les professionnels de terrain ainsi que par l’ensemble des acteurs impliqués au quotidien et à tous les niveaux dans la mise en œuvre de la protection de l’enfance.

Vous le savez, la protection de l’enfance, ce sont près de 321 000 enfants et jeunes de moins de 21 ans. Ce sont aussi des milliers de familles à accompagner et à soutenir.
Au-delà de ces chiffres, les réalités sont diverses et chaque situation unique. Des vies singulières, porteuses de sens sont chaque fois en jeu.

Comme l’a indiqué Nicole Belloubet, notre action dans le domaine de la protection de l’enfance s’inscrit pleinement dans la poursuite de la dynamique de la loi du 14 mars 2016 réformant la protection de l’enfant.

Les lois de 2007 et de 2016 ont abouti à un équilibre qu’il faut consolider et à des avancées qui doivent à présent trouver leur pleine application. Les lois ne sont rien si elles ne permettent pas d’ancrer dans nos vies des droits réels et des changements.

La satisfaction des besoins de l’enfant est au cœur de la réforme de 2016 qui se concrétise petit à petit. Les progrès sont réels et déjà tangibles.

Le Conseil national de la protection de l’enfance est désormais une instance reconnue, fédératrice des acteurs de la protection de l’enfance. L’observatoire national de la protection de l’enfance et les observatoires départementaux montent en charge progressivement permettant d’améliorer la connaissance des publics accompagnés, leurs besoins, leur parcours, même si c’est encore très imparfait et parfois lacunaire.

Des outils d’harmonisation des pratiques ont été diffusés :
  le cadre de référence de l’évaluation pluridisciplinaire de l’information préoccupante dans le contexte de situation de violence faite aux enfants ;

  le référentiel du projet pour l’enfant qui permet de prendre en compte tous les aspects de la vie de l’enfant, sa santé, sa scolarité, sa vie sociale, ses relations avec son entourage et de répondre ainsi à ses besoins.

Toutes ces réformes s’inscrivent dans un contexte budgétaire contraint et nécessitent d’établir clairement des priorités politiques : l’intérêt supérieur de l’enfant le commande et la convention internationale des droits de l’enfant nous engage tous ; il s’agit de veiller à l’effectivité des droits de tous les enfants, notamment des plus vulnérables.

C’est pourquoi je souhaite que l’effort engagé pour la mise en œuvre de la réforme de 2016 soit poursuivi.

L’Etat prend sa place aux côtés des départements de deux manières :

  en diffusant des outils d’accompagnement à destination des professionnels et des associations ;

  en mettant en œuvre les politiques publiques de son ressort : justice, logement, emploi, santé.

La Garde des Sceaux a cité le rôle des juges dans la protection des enfants. Il est bien sûr essentiel.

Je ne méconnais pas les difficultés professionnelles que vous rencontrez au quotidien et la complexité de votre mission.

Je suis frappée :

 par les difficultés multiples que peuvent connaître certains enfants, leur parcours chaotique, et leur scolarité émaillée de ruptures ;

 par la difficulté de décloisonner les approches, entre le social et le médicosocial pour les enfants porteurs de handicaps qui sont nombreux à être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ; ce sont des situations très difficiles ;

 par les écueils qu’ils rencontrent à l’âge adulte comme le soulignent les différents rapports, notamment, celui tout récent du Conseil économique, social et environnemental.

De même, les difficultés du métier d’assistant familial dont j’ai connaissance me confirment qu’il est nécessaire de mener une réflexion nationale sur la réalité de ce métier.

Le gouvernement s’engagera pour la protection de l’enfance en respectant le rôle et les attributions de chacun.

Plusieurs priorités seront défendues.

 la lutte contre toutes les violences faites aux enfants et un meilleur repérage de ces violences

En effet malgré les progrès accomplis avec la mise en place des cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes, trop d’enfants sont encore victimes de maltraitance aux conséquences dramatiques.
En 2016, 67 enfants sont décédés du fait de violences intrafamiliales, et ces chiffres ne révèlent qu’une partie du phénomène. A chaque fois, ces tragédies nous laissent sans voix et nous bouleversent.

Le rapport des inspections générales de la Justice, de l’éducation nationale et des affaires sociales confirme le lien très fort entre la violence conjugale et les violences commises sur les enfants.

Les troubles psychiatriques, les addictions et la monoparentalité sont présents dans une part importante des dossiers étudiés. Il y a là une faillite grave de notre système.

Les auteurs du rapport préconisent une meilleure organisation dans tous les secteurs de la protection de l’enfance et à tous les niveaux ainsi que la mise en place ou le renforcement de processus partenariaux connus de tous.

Enfin, la formation et la sensibilisation des personnels concourant à la protection de l’enfance restent un levier important pour favoriser une culture commune, identifier les signaux faibles de maltraitance et traiter les situations à risque.

Les conséquences de ce rapport seront rapidement tirées et je peux vous annoncer que la campagne nationale d’information sur les violences aura lieu à l’automne prochain comme je m’y étais engagée.

 L’autre priorité concerne l’amélioration de la prévention qui doit permettre d’éviter une aggravation des difficultés familiales et éducatives pouvant mettre en danger l’enfant.

Je sais qu’il existe sur les territoires de nombreuses actions de prévention qui ont toutes leur place dans le dispositif de protection de l’enfance. Ces actions doivent être valorisées. De ce point de vue, la stratégie protection de l’enfance sera articulée avec la stratégie de soutien à la parentalité.

 3ème priorité, qui rejoint la stratégie nationale de santé : l’accès aux soins des enfants pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance est un facteur essentiel du bien-être des enfants protégés.

Ces enfants présentent des difficultés multiples ; ils ont pu connaître des traumatismes aux conséquences importantes sur leur santé et leur avenir et peuvent avoir un besoin de soin tout à fait spécifique.

Il nous faut améliorer l’accès aux soins psychologiques, voire psychiatriques, faire en sorte que des parcours de soins cohérents et continus soient mis en place.

 Enfin l’accompagnement des jeunes adultes à la sortie des dispositifs de protection. La Garde des Sceaux et moi attachons ensemble une attention toute particulière au devenir des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

Je souhaite que soit proposé un panel d’outils aux professionnels qui accompagnent ces jeunes afin de leur permettre d’élaborer un projet d’accès à l’autonomie le plus adapté possible à la situation du jeune et à ses souhaits.

Les jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l’enfance ne doivent plus jamais être laissés à l’abandon par manque de moyens ou d’anticipation.

Ils présentent une vulnérabilité spécifique qui exige une préparation suffisamment précoce et continue. A défaut, ils risquent de rester durablement hors des parcours d’insertion classiques, d’être marginalisés et confrontés à la précarité. Après leur sortie des dispositifs de protection, ils doivent continuer à recevoir un soutien suffisant.

Je veux vous assurer que je serai, enfin, particulièrement attentive à la nécessaire complémentarité de la stratégie protection de l’enfance avec la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes que je porte également.

Il s’agit d’assurer la cohérence des parcours des jeunes sortants des dispositifs de protection et de favoriser leur accès aux politiques d’insertion sociale et professionnelle, en lien avec Muriel Pénicaud.

En matière de protection de l’enfance, il ne s’agit pas de faire un document stratégique de plus, il s’agit réellement de pouvoir porter conjointement des priorités partagées pour changer l’avenir des enfants dont nous sommes responsables.

C’est pour cela que, je vais dès le mois de juillet recevoir différents acteurs de la protection de l’enfance pour échanger sur les priorités et les actions à mener.

Je formule le souhait que nous puissions porter avec vous cette ambition de tout mettre en œuvre pour le bien-être des enfants et des jeunes majeurs que vous accompagnez.
Merci de votre attention.

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