Discours d’Agnès Buzyn, Comité Stratégique Santé Mentale, Jeudi 28 juin 2018

Seul le prononcé fait foi

Madame la Ministre, chère Sophie ;

Mesdames et Messieurs les représentants des personnes malades, handicapées psychiques ;

Mesdames et Messieurs les représentants des professions sanitaires, sociales et médico-sociales ;

Mesdames et Messieurs les représentants des associations, institutions, collectivités et administrations publiques,

Merci d’avoir rejoint ce Comité Stratégique de la Santé Mentale et de la Psychiatrie.

Merci au groupe SOS Solidarité, gestionnaire du foyer de vie Camille Claudel qui nous fait l’amitié de nous accueillir.

Merci à Madame Bergeon, sa directrice, à son équipe et à ses résidents qui nous ont guidés avec enthousiasme à la découverte de leur cadre de vie.

Je remercie aussi les représentants de l’hôpital Saint Maurice, dont la présence témoigne d’une coopération exemplaire entre le sanitaire et le médico-social.

Merci enfin aux autorités de la Ville de Paris, tutelle du foyer de vie Camille Claudel, de nous y avoir accompagnés.

1. Le choix de ce lieu pour notre première réunion n’est pas neutre.

Ce foyer qui accueille pour leur réinsertion sociale 29 adultes, en sortie d’hospitalisation de Maison Blanche, est un symbole :

  par la dé stigmatisation de ses résidents, très implantés dans la vie associative locale ;

  par les actions menées pour la prévention des addictions, la réhabilitation psycho-sociale, l’accès aux soins somatiques et la pair-aidance ;

  enfin par le décloisonnement des champs sanitaire, médico-social et social, et par celui de leurs acteurs, professionnels et autorités publiques.

Il illustre l’ambition que je souhaite insuffler à la politique de santé mentale et à la psychiatrie trop souvent considérées comme les parents pauvres de notre politique de santé.

J’ai déjà tracé les premiers contours de cette ambition à l’occasion du congrès de l’Encéphale, le 28 janvier dernier.

  J’y ai annoncé douze mesures d’urgence.

  Mais j’ai indiqué qu’il nous fallait aller plus loin, inscrire ces mesures dans un plan d’ensemble, de long terme, partagé, dans le cadre d’une gouvernance rénovée.

C’est ce que je vous propose de faire, dans le cadre de ce comité.

La feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie que je vais vous présenter et dont le détail figure dans le document qui vous a été remis, répond à cette ambition et à cette exigence.

Elle résulte de nombreux constats et contributions, formulés par une grande diversité d’acteurs. Elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

Elle vise un objectif majeur : changer le regard sur la santé mentale, la maladie mentale, les troubles psychiques et les personnes concernées par des problématiques de santé mentale.

La santé mentale, est un état de bien-être dans lequel chacun de nous peut se réaliser, surmonter les événements de la vie ordinaire, accomplir un travail fructueux et contribuer à la vie de sa communauté.

Elle est le socle du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une société. il n’y a pas de santé sans santé mentale.

2. Nous devons donc mener une politique qui englobe la promotion du bien-être, la prévention et la détection précoce des troubles psychiques, la prise en charge thérapeutique et l’accompagnement social et médico-social des personnes présentant des troubles.

Avec le plan national de santé publique, j’ai porté des premières mesures.

Le premier axe de la feuille de route les complète et les décline.

En priorité, je souhaite agir en faveur des jeunes afin, de leur donner des outils pour préserver leur santé mentale, et pour augmenter les chances de rétablissement de ceux touchés par un trouble psychique.

80% des troubles se déclarent en effet entre 15 et 20 ans.

Trois points forts guident mon action en ce domaine.

2.2. D’abord, je veux promouvoir le bien-être mental en travaillant sur le développement des compétences psychosociales.

Des actions de sensibilisation aux interventions validées seront engagées en direction du grand public et des professionnels.

Parallèlement, et à partir des pratiques probantes repérées, nous concevrons une stratégie de déploiement de ces interventions, avec des référentiels et guides de formation pour les acteurs de l’éducation, de la santé, de la justice et du travail.

2.3. En second lieu, il nous faut lutter contre la stigmatisation dès le plus jeune âge.

Pour que très tôt, et tout au long de notre vie, nous soyons tous informés sur cette réalité, pour ne plus en avoir peur et mieux l’accepter lorsque nous sommes concernés, de près ou de loin, des campagnes de sensibilisation du grand public seront engagées.

2.4. Le repérage précoce des troubles psychiques constitue le troisième point fort de mon action pour vers les jeunes.

L’expérimentation "Ecout’Emoi" lancée dans 3 régions dans le cadre du Plan Bien-être santé des jeunes, répond à cet enjeu.

Le programme de premiers secours en santé mentale sera lancé quant à lui pour la première fois en France.

Déjà mise en œuvre dans plus de vingt pays, cette formation favorisera également un recours plus précoce à la prise en charge des troubles psychiques, et évitera chronicisation.

Un ensemble de cinq actions identifiées pour leur efficacité, car basées sur des preuves, et pour leur synergie sera déployé sur tout le territoire sous le pilotage des ARS.

Le dispositif « VigilanS », de recontact des personnes ayant fait une tentative de suicide sera étendu à toutes les régions, sur deux ans, à compter de cette année. Il sera évalué à terme par l’ANSP.

Par ailleurs :

 un numéro national de recours est à l’étude.

 la prévention de la contagion suicidaire sera poursuivie, en se basant notamment sur la formation croisée entre les étudiants en journalisme et les internes en psychiatrie.

 un groupe de travail national, est chargé pour sa part, d’élaborer et de décliner une stratégie de formation renforcée des professionnels de premiers recours et de tout professionnel au contact des personnes à risque suicidaire pour mieux les repérer et gérer les crises.

Mais lorsque la maladie ou les troubles psychiques sont avérés, il faut garantir aux personnes qui en sont affectées, des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité.

3. C’est le deuxième axe de ma feuille de route.

Atteindre cet objectif commande d’appréhender la personne dans toutes ses dimensions et d’agir sur cinq séries de leviers.

  D’abord renforcer les coopérations entre les acteurs sanitaires, sociaux et médico sociaux et développer l’offre de soins en ville.

  Par ailleurs, nous encouragerons les prises en charge ambulatoires, y compris intensives, et les interventions au domicile du patient et au sein des établissements médico-sociaux.

Les trois autres leviers, au service du parcours de soins consistent à :

(i) tout d’abord, développer une offre de soins en psychiatrie et santé mentale diversifiée et de qualité.

(ii) Ensuite, je veux accroître le nombre de professionnels formés et favoriser l’évolution des professions sanitaires, pour une meilleure complémentarité des interventions.

(iii) Enfin, pour adapter les ressources et faire évoluer le modèle de financement de la psychiatrie, la réflexion a été engagée en début 2018 avec les ARS pour des critères de modulation inter régionale.

  Elle a déjà conduit à un renforcement de la dotation de trois régions historiquement sous dotées.

  Parallèlement des travaux sont menés, sur la réforme des modes de financement.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur l’ensemble de ces objectifs lors du congrès de l’Encéphale précité. Je ne les développe pas davantage.

Ils traduisent l’ambition que je porte pour la psychiatrie, pour reconnaître et rendre effective la juste place que mérite cette discipline au sein de notre système de santé.

Je laisserai Sophie CLUZEL s’exprimer dans quelques instants sur le troisième axe de la feuille de route : celui de l’inclusion sociale des personnes handicapées psychiques.

Voilà, Mesdames et Messieurs, brossée à grands traits, la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie que je vous propose de déployer ensemble.
Cette feuille de route n’est pas figée.

Elle fixe un horizon, trace un chemin qu’il nous faut emprunter sans plus attendre. Régulièrement évaluée, elle pourra être adaptée si le besoin s’en fait sentir.

Je connais votre engagement au service de nos concitoyens touchés la maladie mentale et la souffrance psychique.

Je sais qu’en croisant nos points de vue, en unissant nos efforts, nous parviendrons à ce changement de regard que j’appelle de mes vœux.

J’ai entendu les interrogations et questionnements qui avaient ponctués ma première intervention lors du congrès de l’Encéphale ; je confirme que :

  C’est dans l’ensemble de la vie sociale que l’on trouve les ressources pour se soigner,

  Le comité stratégique que je préside doit être un espace de débat, de construction avec les acteurs directement concernés.

Je vous remercie pour votre attention, je suis particulièrement heureuse de partager ce moment avec Sophie Cluzel et de lui céder la parole.

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