Discours d’Agnès Buzyn : conférence de presse "Journée mondiale sans tabac du 31 mai"

Seul le prononcé fait foi

Lundi 28 mai 2018

Monsieur le directeur général de la santé,
Monsieur le directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie,
Monsieur le directeur général de l’Agence nationale de santé publique,
Mesdames et messieurs,

Si je devais saluer tous les directeurs d’administration et d’agences, les présidents d’associations, des ordres professionnels, académies ou sociétés savantes,

 il y aurait peu de temps pour ensuite répondre à vos questions.

Je me permettrai donc de vous saluer tous et de vous remercier pour votre présence à mes côtés,

 à quelques jours de la journée mondiale sans tabac,

 pour ce point d’étape qui est aussi celui de tous les acteurs de la lutte contre le tabac.

Comme vous le savez, la lutte contre le tabac est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, et je vous remercie sincèrement pour votre présence.

1. La lutte contre le tabac est l’affaire de tous, car ses conséquences touchent tout le monde.

Je rappelle qu’en France le tabac :
 tue chaque jour 200 personnes et plus de 73 000 chaque année.
Il est la 1ère cause de décès que nous pourrions éviter,

 la 1ère cause de cancer,

 et la 2ème cause de maladie cardio-vasculaire.

Je rappelle ces chiffres, car seulement 4 Français sur 10 considèrent que le tabac est dangereux dès les premières cigarettes.
 Pourtant, 1 fumeur 2 deux mourra des suites du tabac.

1.1. A ces indicateurs alarmants, ajoutons que le tabac est également vecteur d’inégalité,

 qui touche particulièrement les personnes les plus modestes, et que cela s’était aggravé entre 2000 et 2014.

1.2. Le tabac pèse également sur notre système de solidarité.

 Contrairement à ce que l’on pense, le tabac coûte beaucoup plus aux comptes publics qu’il ne rapporte de taxes.
 Chaque année, les dépenses de santé induites par le tabac coûtent 26 milliards d’euros à la collectivité.

2. Pour lutter contre ce fléau, un ensemble d’actions cohérent a été engagé.

2.1. Et d’abord en montrant une image plus réaliste du tabac et de ses conséquences.

Depuis 2017, le paquet neutre et l’agrandissement des avertissements sanitaires ont radicalement changé l’image du tabac :

en mettant fin à un siècle de marketing agressif,
et en redonnant à ces produits une image en lien avec leurs effets.
L’étude menée l’année dernière par l’Observatoire français des drogues auprès des adolescents montre d’ailleurs une dégradation importante de l’image du tabac.

2.2. Des efforts ont également été menés pour que les soins soient plus accessibles afin d’accompagner les fumeurs vers l’arrêt de la cigarette.

Aujourd’hui, en plus des médecins,
 ce sont près de 800 000 professionnels qui peuvent prescrire des substituts nicotiniques,
 comme les infirmiers, les dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes, les sages-femmes, ou les médecins du travail.

L’action nationale « Mois sans tabac » est quant à elle devenue un rendez-vous de grande notoriété,
 qui mobilise de très nombreux acteurs et s’appuie sur l’engagement des professionnels de santé,
 et permet à plusieurs centaines de milliers de fumeurs de s’impliquer et de faire une tentative d’arrêt.

J’ai souhaité son amplification.

2.3. En outre, en octobre dernier, nous avons accueilli un colloque :

sur les lieux de santé sans tabac,
avec un engagement de toutes les fédérations hospitalières et des conférences de présidents d’établissements. Je souhaite que, dans les années à venir, cette dynamique s’étende et s’intensifie.

2.4. Plus récemment, nous avons utilisé le levier fondamental qu’est la fiscalité,
 une fiscalité au service de la santé publique.
Après l’augmentation de 30 centimes en novembre 2017, et d’1 euro en mars 2018, le paquet de cigarettes devrait atteindre 10 euros en 2020.

2.5. Déjà, plusieurs études, dont celles présentées dans le numéro « tabac » du bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de cette semaine, montrent des premiers résultats positifs.

Ainsi, après de nombreuses années de stagnation, on observe un recul très important du tabagisme quotidien chez les jeunes de 17 ans, puisqu’il a reculé de 7 points entre 2014 et 2017.
Chez les adultes (18-75 ans), c’est une diminution d’1 million de fumeurs quotidiens entre 2016 et 2017 qui a été enregistrée.
Nous pouvons aussi nous féliciter d’une baisse conséquente des ventes de tabac, de près de 10 % au cours du premier trimestre 2018.
 Avec la hausse de la fiscalité, nous pouvons espérer une dynamique pérenne.
Vous le voyez, ces premiers résultats sont encourageants :
 ils marquent une rupture et confirment que les mauvais résultats en matière de tabac ne sont pas une fatalité.
Et pourtant, cela est loin d’être suffisant !

3. Dans la continuité du Plan priorité prévention que j’ai présenté avec le Premier ministre le 26 mars dernier,

 un nouveau programme national de lutte contre le tabac,
 que je porte avec mon collègue, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin sera mis en ligne dans quelques jours.
Ce programme marquera une nouvelle étape dans la lutte contre le tabac, car il associe des actions sociales et sanitaires avec des actions économiques.
 Notre palette d’interventions s’élargit pour être plus efficace.
Ce nouveau programme national de lutte contre le tabac (PNLT) doit nous permettre de créer des environnements favorables à la santé,
de voir grandir une « génération sans tabac », et de lutter contre les inégalités sociales.
Notre ambition est de continuer à réduire le nombre de fumeurs : parvenir à moins de 22 % la part des fumeurs quotidiens chez les 15-75 ans d’ici 2022, et à moins de 20 % chez les adolescents.
D’ici à 2027, nous souhaitons que la part des fumeurs quotidiens chez les 15-75 ans soit abaissée à moins de 17 %, soit 5 millions de fumeurs de moins qu’en 2017.

Nous amplifierons les actions qui ont déjà fait leurs preuves et nous inspirerons des actions probantes déjà déployées dans d’autres pays pour être efficace.

Nous en appellerons aussi à la créativité des acteurs de la lutte contre le tabac pour que des actions innovantes puissent contribuer à poursuivre ce combat contre le tabac.

Pour atteindre ces objectifs,
 100 millions d’euros seront consacrés par le fonds de lutte contre le tabac, géré par la Caisse nationale d’assurance maladie, aux premières actions du PNLT.
 Ce sont 590 millions qui seront consacrés par le fonds, d’ici 2022, au renforcement de la prévention en matière d’addiction.
 La consommation de tabac est en effet souvent associée à d’autres substances, il nous faut aussi des réponses globales.
Je souhaite maintenant vous dire quelques mots sur les axes de ce nouveau programme, qui sera diffusé très bientôt.

3.1. Le premier axe s’articule autour de la protection des enfants pour éviter l’entrée dans le tabagisme.

Chaque entrée dans le tabac, synonyme de décennies de dépendance, est un drame.
C’est pourquoi nous devons déployer des actions fortes :
 qui doivent donner les bons réflexes à nos enfants,
 de mieux les autonomiser dans leurs choix,
 et de les sensibiliser aux risques du tabac.

Le service sanitaire, ou les élèves ambassadeurs, permettront de créer un dialogue régulier sur les questions de santé, dès l’école.
Nous voulons également, en lien avec l’Éducation Nationale, permettre aux jeunes d’adopter des habitudes de vie saine, et d’être moins influençables dans leurs choix.

Eviter l’entrée dans le tabagisme c’est aussi lutter contre la normalisation du tabac et faire que tout le monde s’engage.
Deux appels à projets vont permettre de créer une dynamique sans précédent.
Pour renforcer la prévention et la promotion de la santé et favoriser la dénormalisation du tabac, un appel à projet national « mobilisation de la société civile » vient d’être lancé.

La lutte contre le tabac est évidemment un enjeu collectif, un défi collectif.
Nous avons besoin de la société civile pour multiplier les interventions et changer le regard de la société sur le tabac.
Pour agir en proximité des usagers, j’ai décidé que les agences régionales de santé (ARS) bénéficieraient d’un appui important pour décliner de manière efficiente la lutte contre le tabac au plus près des territoires.
Par des appels à projets régionaux, les ARS traduiront l’ambition du décloisonnement des actions, pour agir dans tous les milieux de vie.
Dénormaliser c’est aussi renforcer le projet « lieux sans tabac ».

 A ce titre, la charte « administration sans tabac » initiée en 2015, qui vise à aider les personnels fumeurs et à mieux organiser les espaces fumeurs extérieurs, doit être déployée dans le public comme dans le privé.

3.2. Le second axe vise à encourager et accompagner les fumeurs pour aller vers le sevrage.

Vous le savez, l’une des mesures fortes pour l’accompagnement des fumeurs est l’amélioration de l’accessibilité aux traitements de substitution nicotinique.
 Je souhaite le rappeler ici : les fumeurs sont des victimes du tabac et le tabac est une addiction.
 En France, les 2/3 des 13 millions et demi de personnes qui fument souhaitent arrêter de fumer.
Jusqu’à présent, les traitements de substitution nicotinique (TSN) étaient remboursés sur la base d’un forfait de 150 euros par assuré et par an.
Or, la nécessité de faire systématiquement l’avance de frais complète est un des freins actuels au recours aux traitements de sevrage.
Et à cause des prix fixés librement, le forfait ne donne pas accès aux mêmes durées de traitement sur tout le territoire.
Depuis quelques jours, plusieurs médicaments de substitution sont remboursés normalement, avec un prix fixé.
 Désormais, les prescriptions de TSN seront remboursées comme les autres médicaments importants, et avec le bénéfice du tiers payant en officine.
 Le forfait quant à lui disparaîtra à la fin de l’année.
Et puisque nous constatons une progression continue des décès dus au tabac chez les femmes,
 je souhaite que des actions soient conduites à l’attention de celles qui ont un projet de grossesse ou des femmes enceintes, pour les aider dans le sevrage.

3.3. Le troisième axe se concentre sur l’économie.

Je l’ai dit, ce programme est construit en étroite collaboration avec mon homologue, Gérard Darmanin.
Au-delà de la hausse de la fiscalité que nous avons portée ensemble et qui porte déjà ses fruits, nous agissons aussi au niveau européen en travaillant à une évolution du cadre fiscal européen.

Le 2 février dernier, un nouveau protocole d’accord sur la transformation du réseau des buralistes a été signé pour la période 2018-2021,
 dont l’objectif prioritaire est d’accompagner les buralistes dans une transformation profonde, pour passer du modèle de débitant de tabac à celui de nouveau commerçant de proximité.

3.4. Enfin, le quatrième axe vise à surveiller, évaluer, chercher et diffuser les connaissances relatives au tabac.

 La connaissance est primordiale pour les professionnels de santé, pour les pouvoirs publics et pour les citoyens.
 La France doit jouer un rôle important sur les questions de recherche sur le tabac.
Pour cela, l’Institut national du cancer (INCA) et l’Institut de Recherche en Santé Publique (IRESP) portent conjointement un appel à projet qui sera financé par le fonds tabac, destiné à la communauté des chercheurs.
 - -
Mesdames et Messieurs,
Je le redis : je suis particulièrement heureuse, en ce jour si important.
 A l’époque du plan Cancer 2014-2019, j’avais fait de la lutte contre le tabac un combat personnel.
 Pour l’élaboration du premier programme (le PNRT), en 2013, je m’étais personnellement impliquée afin d’obtenir des arbitrages ambitieux de la part du président de la République, alors François Hollande.

Encore une fois, je tiens à saluer le travail déjà engagé par vous tous : associations, acteurs nationaux et locaux, collectivités territoriales, établissements et professionnels de santé.

Je vous invite à poursuivre les efforts pour que notre pays réussisse dans cette lutte majeure, contre l’un des fléaux les plus importants pour la santé publique.

Je sais que je peux compter sur votre mobilisation, et vous donne rendez-vous pour la prochaine campagne « mois sans tabac 2018 ».
Je vous remercie.

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