Discours d’Agnès Buzyn : remise du rapport sur l’amélioration de l’information des usagers et des professionnels de santé sur le médicament

Seul le prononcé fait foi

Introduction de la séquence

Je suis heureuse de vous accueillir aujourd’hui ici à l’ANSM pour la remise du rapport de la mission que je vous ai confié en décembre dernier pour améliorer l’information des patients et des professionnels de santé sur les médicaments.

Le choix de l’agence comme cadre pour cette remise est symbolique car celle-ci
 et à travers elle l’ensemble de ses personnels
 a été particulièrement mobilisée l’année passée à la même période autour du Levothyrox.

Pour tirer les enseignements de cet épisode et identifier des moyens d’information innovants et plus performants, j’ai souhaité que soit mis en place un groupe de travail resserré, polyvalent et indépendant, composé de personnalités qualifiées aux profils variés.

Avant de laisser la parole à Magali LEO et au docteur Gérald KIERZEK pour la présentation des grandes conclusions et recommandations de la mission, je tenais à remercier l’ensemble de ses membres pour leur contribution et leur travail.


Conclusion de la séquence

Je vous remercie pour cette présentation et plus largement pour vos recommandations qui vont nous permettre d’améliorer l’information des patients et des professionnels de santé sur les médicaments.

Ce rapport souligne, à juste titre, qu’il est nécessaire de faire évoluer aujourd’hui les méthodes et outils d’information et de communication sur le médicament dont disposent les autorités sanitaires.

C’est un thème auquel je suis particulièrement attachée et ce depuis de nombreuses années car je considère que

 L’accès à l’information est un droit essentiel du patient qui doit lui permettre d’être plus acteur de sa santé.
 L’information des professionnels de santé est également une nécessité pour garantir la qualité et la sécurité des soins.

Pour favoriser les échanges et la réactivité de l’ensemble des parties prenantes dans le domaine du médicament,

 Il est aujourd’hui nécessaire de mettre fin à un mode d’information uniquement « descendant », qui présume la passivité des prescripteurs et des usagers.
 L’information des patients et des professionnels de santé doit également intégrer les nouveaux modes et canaux de communication à grande audience (réseaux sociaux, médias numériques, forums interactifs, etc.).

Dans ce cadre, il est nécessaire de garder à l’esprit que l’information et la communication sur le médicament relèvent d’une responsabilité collective qui requiert le concours de toutes les parties prenantes.

La plupart des pistes d’amélioration que vous proposez vont contribuer à nourrir les réflexions et les travaux engagés ou à venir menés par les autorités publiques en la matière.

Ces travaux s’articulent selon 4 grands axes :
 Améliorer la qualité de l’information sur le médicament,
 Renforcer la communication d’urgence en cas d’alerte,
 Renforcer notre veille en matière de sécurité des produits de santé,
 Renforcer la transparence de l’information.

I. Pour améliorer, à court terme, l’information et la communication sur le médicament, nous disposons de plusieurs leviers qu’il convient de renforcer.

1. Centraliser toute l’information sur le médicament

Mes services et ceux de l’ANSM disposent déjà d’outils, en construction ou en phase d’amélioration.

 Je fais ici référence au Service public d’information en santé (SPIS), disponible à l’adresse sante.fr.
 Pour améliorer l’information sur le médicament, nous allons intégrer à ce service public la base de données publique des médicaments gérée par l’ANSM ainsi que les informations du site « medicaments.gouv.fr ».

2. Moderniser et actualiser la base de données publiques des médicaments

Ainsi, de nouvelles entrées et modes de recherches pourraient être ajoutées, comme suggéré dans le rapport :

 par pathologie,
 par classe ou sous-classe thérapeutique,
 et par spécialité et/ou principe actif.

Cette base de données fera également l’objet d’un travail de concertation entre l’ANSM et la CNAM pour centraliser toutes les données dont disposent les autorités publiques sur d’autres bases (Thésorimed).

3. Renforcer et faciliter la coordination des soins entre prescripteurs et dispensateurs

Dans cette perspective, je souhaite améliorer l’information faite au grand public sur l’existence et l’intérêt des dossiers santé dématérialisés :
 Qu’il s’agisse du dossier pharmaceutique qui permet au pharmacien d’officine d’avoir une meilleure connaissance des traitements de ses patients et de renforcer son rôle de conseil en matière de bon usage du médicament et d’interaction médicamenteuse.
 Ou du Dossier Médical Partagé (DMP) qui sera généralisé par la CNAM sur l’ensemble du territoire national en octobre 2018 et qui sera un outil efficace permettant aux professionnels de santé d’accéder aux informations utiles à la prise en charge du patient et de partager avec d’autres professionnels de santé, avec le consentement du patient, des informations médicales (antécédents, allergies, médicaments prescrits…).

Plus globalement, je souhaite renforcer le rôle de dispensateur du pharmacien d’officine, interlocuteur privilégié de proximité pour les patients.

Mes services ont travaillé ces dernières semaines à un décret qui permettra de renforcer le rôle du pharmacien dans la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

4. Améliorer les enseignements relatifs aux médicaments, au cours de la formation initiale et continue des prescripteurs.

Le rôle d’information sur le médicament des professionnels de santé ne peut être efficace que si ces derniers bénéficient eux-mêmes de l’information disponible sur le médicament.

II. S’agissant plus précisément de la communication d’urgence en cas d’alerte portant sur le médicament, je souhaite qu’elle soit - elle aussi - renforcée.

1. Le Centre d’Appui aux Situations d’urgences, aux Alertes sanitaires et à la gestion des Risques (CASAR) constitue un dispositif clé. L’ANSM s’appuiera sur ce dispositif pour être le chef de fil de la communication d’urgence.

Mis en place à l’ANSM à l’automne 2017, c’est à lui que revient le rôle de cellule « Vigimédicament » proposée par la mission.

Ce centre a aujourd’hui pour mission de traiter rapidement tous les événements susceptibles de devenir des situations à risque élevé.

Son périmètre d’intervention pourrait être étendu et son fonctionnement actualisé pour y intégrer des rencontres régulières :
 avec les industriels du secteur de la santé
 et les associations d’usagers
 pour optimiser la détection et le traitement des signaux faibles.

2. Afin d’informer au mieux et rapidement les professionnels de santé en cas d’urgence, la messagerie d’alerte des professionnels de santé DGS-Urgent a été étendue.

Cette adaptation permettra d’alerter, de manière systématique, un plus grand nombre de praticiens.

A ce jour, plus de 180 000 professionnels de santé y sont inscrits. A terme, l’ensemble des adresses mail contenu dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) recevra le DGS-Urgent, soit un total de 564 000 professionnels de santé disposant d’un ordre professionnel.

3. La messagerie sécurisée MS Santé doit être davantage utilisée par les professionnels de santé libéraux

Je vous rappelle qu’il existe déjà une interconnexion entre l’espace de confiance MS Santé et le DGS-Urgent, ce qui permet aux autorités publiques de diffuser automatiquement les messages d’alerte aux professionnels de santé via les messageries sécurisées santé.

C’est pourquoi, j’aspire à ce que les professionnels de santé libéraux se dotent d’une messagerie sécurisée MS Santé afin d’être informés dans les meilleurs délais par un canal de diffusion sécurisé, mais aussi de pouvoir échanger entre eux les informations médicales nécessaires à la bonne prise en charge et au suivi de leurs patients.

En effet, actuellement, seuls 89 000 d’entre eux (chiffres du 24/07/18) en disposent (48% des médecins libéraux équipés, 15.9 % des pharmaciens d’officine équipés, 11.9% des infirmiers libéraux équipés, 12.4 % des masseurs kinésithérapeutes et 24.6 % des sages-femmes libérales équipées).

III. Pour renforcer notre veille en matière de sécurité des produits de santé, je souhaite que soit renforcés les outils permettant de disposer de tous les signaux d’information sur un médicament que ce soit dans le cadre des canaux obligatoires de remontées d’information, comme au travers des nouveaux modes de transmission d’information.

Cela passe par :

1. L’amélioration du taux de déclarations d’évènements indésirables par les professionnels de santé

Je ne peux que constater le faible taux de déclarations. C’est pourquoi, j’ai décidé d’engager cette année des travaux pour élaborer une stratégie de promotion de la déclaration, adaptée aux professionnels de santé, en activant des leviers incitatifs et de valorisation.

2. L’amélioration de notre capacité à détecter les signaux

Pour améliorer la détection des signaux de pharmacovigilance par les praticiens, je soutiendrai toutes les actions permettant :
 le renforcement de la pharmaco-épidémiologie,
 le développement de l’analyse des réseaux sociaux
 ainsi que la poursuite de l’interopérabilité des systèmes d’information dans le domaine de la sécurité sanitaire, notamment le développement de l’interopérabilité du portail des signalements avec les logiciels métiers des professionnels en cours d’instruction

3. La meilleure prise en compte des informations extérieures au système de pharmacovigilance

Je souhaite accompagner les expériences permettant des remontées d’informations par les usagers et les professionnels de santé, en développant les technologies permettant le data-mining. Il s’agit d’un véritable axe de progrès autour de ces technologies qui peuvent faire émerger des signaux faibles échappant au système de pharmacovigilance.

IV. Pour finir, je poursuivrai mon engagement en faveur de la transparence de l’information et de la prévention des conflits d’intérêts.

La diffusion d’information autour du médicament par l’ensemble des parties prenantes ne peut être qu’efficace en matière de santé publique que si l’information fournie émane d’autorités et de structures dont les éventuels liens d’intérêts sont connus.

La base Transparence santé, dont la maîtrise d’ouvrage incombe à la Direction Générale de la Santé, est un outil majeur permettant de rendre publiques notamment les conventions conclues entre les établissements pharmaceutiques et les professionnels de santé.

1. Je souhaite sécuriser, moderniser et améliorer l’accessibilité de la base Transparence Santé en adaptant ses fonctionnalités, son ergonomie et l’exploitation des données qui peut en être faite.

2. Je souhaite engager des travaux pour élargir cette logique de transparence des liens d’intérêts aux Key opinion leaders (KOL) numériques

Des influenceurs internet ou des personnalités populaires ont joué une place importante lors de dernières crises en matière de médicament. Ceci est directement lié à l’évolution des modes de diffusion de l’information

En pratique, les établissements pharmaceutiques qui concluent des conventions avec ces KOL, seraient dans l’obligation de les déclarer auprès de la base Transparence Santé.

3. Comme la mission nous le rappelle, la place des associations représentant les usagers doit être renforcée et encadrée.

A cette fin, je m’engage à ce que l’accord-cadre entre le CEPS et les associations agréées pour la représentation des usagers du système de santé qui en ont fait la demande, soit conclu et signé dans les meilleurs délais. Cette mesure permettra à des associations de patients d’assurer une représentation des usagers au sein du CEPS.


En conclusion

Améliorer l’information des usagers et des professionnels de santé sur le médicament est une priorité à laquelle je suis particulièrement attachée.

Votre rapport permettra d’enrichir les actions que nous mènerons.

En renforçant à court terme nos outils d’informations et de communication sur le médicament,

En renforçant notre communication d’urgence en cas d’alerte,

En mettant à disposition des autorités sanitaires des outils permettant de disposer de tous les signaux d’information sur un médicament, y compris les signaux faibles,

Enfin en renforçant la transparence de l’information et de la prévention des conflits d’intérêts,

Nous réussirons collectivement à faire que la communication et l’information sur le médicament soit toujours
 plus accessible,
 plus claire
 et plus réactive
 pour mieux guider les professionnels de santé et les patients dans leur prise en charge.

Vous pouvez compter sur mon implication et ma détermination

Je vous remercie.

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