Discours de Madame Agnès BUZYN - Lancement de la Stratégie de Transformation du Système de Santé

Mesdames, Messieurs,

« Désormais, la Sécurité sociale fait partie de l’identité de la France et du patrimoine des français. Elle a sa place dans notre Histoire, comme dans notre quotidien. Elle exprime notre génie national. »

Ces mots, prononcés pour les 50 ans de la Sécurité sociale, soulignent l’ambition et aussi l’élan de solidarité du projet de Sécurité sociale, qui s’est emparé des Français à la Libération, après des années terribles de guerre.

 Promettre à chacun une existence digne, décente, dans une société où les principes de justice sociale soient effectifs, où la fraternité ne soit pas un vain mot, et se concrétise, non pas en charité, mais en solidarités.

Or, justement parce que notre système fait partie de notre patrimoine, nous devons l’adapter aux nécessités de notre temps.

A cet égard, Pierre Laroque rappelait fort à propos, je le cite : qu’« aucune organisation de la Sécurité sociale n’est viable si elle ne répond pas aux traditions nationales, si elle ne répond pas aux conditions psychologiques et économiques du pays », et je rajouterais et aux conditions de santé des populations.

L’ambition de cette stratégie de transformation de notre système de santé, c’est justement d’allier notre tradition assurantielle :

 aux nouveaux besoins de santé de nos concitoyens, aux nouvelles opportunités – je pense à l’innovation technologique, scientifique, ou d’organisation ;
 comme aux nouvelles contraintes – qu’elles soient budgétaires ou démographiques.

Aujourd’hui, la France consacre 11,7% de son PIB à la santé, ce qui nous place au 5e rang des pays de l’OCDE.

Si notre système de santé est unanimement reconnu et que nous savons bien guérir les gens, nous ne sommes pas très efficaces pour les maintenir en bonne santé.

Les multiples pathologies liées à l’âge étant d’autant mieux prises en charge que le système de santé est performant, l’espérance de vie à 65 ans est sans doute un indicateur pertinent pour illustrer ce constant.

Au cours des dernières décennies, l’espérance de vie à 65 ans a fortement augmenté pour les hommes comme pour les femmes dans les pays de l’OCDE, avec une augmentation de 5.4 années en moyenne depuis 1970.

 Ainsi, en 2015, la France était classée comme le 2ème pays avec l’espérance de vie à 65 ans la plus élevée, avec 21 ans et demi en moyenne.
En revanche, l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans, qui mesure le nombre d’années passées sans limitation d’activité, place la France comme le 9ème pays européen avec une moyenne d’à peine plus de 10 ans.

Ces inégalités sont en grande partie liées à des causes évitables, notamment les conduites addictives comme le tabagisme ou l’alcoolisme.

Par ailleurs, les fondements de notre Sécurité sociale, de notre système de santé, ont été posés dans des circonstances historiques tout à fait exceptionnelles, en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Construit à un moment où l’objectif prioritaire était de répondre à des pathologies aigues pour des Français qui mourraient jeunes ou étaient victimes de traumatismes,…

 …le système de santé français doit faire face aujourd’hui au vieillissement de la population et l’explosion des maladies chroniques.

Cette stratégie de transformation du système de santé, annoncée par le Premier Ministre le 13 février dernier au centre hospitalier d’Eaubonne-Montmorency n’est pas une énième réforme de l’hôpital.

Elle est la volonté d’une transformation de l’ensemble de notre système de santé. Une transformation qui se veut globale, cohérente et méthodique.

Elle veut apporter une solution saine, efficace et durable pour passer :

 d’un système cloisonné, fondé sur les soins curatifs tarifés à l’activité, une course aux volumes et une régulation budgétaire,

 à un système davantage tourné vers le parcours du patient, le financement de la prévention, la coordination des acteurs et des secteurs (médical, médico-social), la qualité des soins et la pertinence des actes

Elle veut permettre à nos professionnels de santé parfois mal-coordonnés :

 de proposer un vrai parcours de soins au patient,

 de redonner du sens à des professionnels qui en ont perdu, du fait d’une organisation du travail et d’une tarification qui ont privilégié la quantité à la qualité.

On est arrivé au bout d’un système qui nuit à la qualité du service rendu.

Notre objectif n’est pas de faire des économies mais de voir comment, avec le même montant de dépenses, on peut améliorer la qualité de vie des Français.

1. Cette stratégie de transformation du système de santé sera déclinée en 5 chantiers, étroitement liés et qui nous amèneront à une feuille de route globale.

1.1. Le premier chantier sera celui de la qualité des soins et de la pertinence des actes.

 Prescrire les bons actes, les bons traitements, les bonnes prises en charge.

 Exemples :

• Prise en charge chirurgicale du canal carpien : en 2014, moins de 120 pour 100 000 habitants à Paris, les Hauts-de-Seine et la Guadeloupe, à plus de 350 dans l’Yonne, la Haute Marne et la Meuse,
• Chirurgie bariatrique : en 2014, toutes techniques confondues, les taux varient de 8 séjours pour 100 000 habitants en Guyane et 24 dans le Puy-de-Dôme à 170 en Haute-Corse et plus de 140 dans l’Yonne et l’Aube. Ces différences ne s’expliquent pourtant pas par la prévalence de l’obésité, les zones géographiques où cette chirurgie est la plus souvent réalisée ne correspondant pas aux zones où l’obésité est la plus fréquente.

 Pour faire de la qualité la boussole de l’organisation de nos soins, il faut pouvoir la mesurer et la diffuser, ce que l’on ne fait pas assez en France.

 Une faiblesse majeure du système est que la mesure de la qualité des soins prodigués au patient ne prend pas en compte la réalité de son parcours et de l’intervention de l’ensemble des professionnels.

 La prise en compte de la pertinence sera revendiquée à tous les niveaux et fera l’objet de travaux de concert avec les conseils nationaux professionnels.

1.2. Le second chantier, c’est celui du financement et de la régulation du système de santé.

 Le financement du système actuel ne pousse pas à la coopération.

 Ce sont des financements qui valorisent la quantité par rapport à la qualité et la pertinence des actes.

 L’enjeu n’est pas de supprimer la tarification à l’activité, mais de la corriger, de la rééquilibrer.

 Il faut diversifier les modes de rémunération pour intégrer dans les parcours les nouvelles pratiques de soins ambulatoires et d’hospitalisation à domicile.

 Cette diversification devra permettre une rémunération à la pertinence, au parcours, au forfait.

 L’idée n’est pas nouvelle. Grâce à l’exemple de nos voisins européens, on dispose déjà de retours d’expérience.

 La tarification à l’épisode de soins ou au parcours a été mise en oeuvre dans plusieurs pays comme la Suède ou les Etats Unis.
• Elle a pour objectif d’accroître la coordination des soins, d’assurer au patient un haut niveau de qualité et d’éviter les actes redondants ou inutiles.
 Des dispositifs différents existent suivant les pays et l’organisation du système de santé. Dans tous les cas, ils ne concernent qu’un certain nombre d’épisodes de soins documentés médicalement.
• Dans certains cas, les soins restent financés initialement comme ils l’étaient auparavant, puis un bilan annuel de la différence entre le paiement effectif et le paiement à l’épisode de soins est effectué pour les professionnels chaque année et la différence donne lieu à un règlement directement entre l’assurance santé et les professionnels.
• Dans d’autres cas, un professionnel est désigné comme l’organisateur de l’épisode et reçoit un montant forfaitaire de l’assurance santé avec une participation éventuelle du patient.

  • Il gère ensuite avec les autres professionnels la réalisation des soins faites au patient.

 Le paiement peut dépendre de la qualité des soins fournis afin d’inciter à accroître la qualité. Il ne coûte pas au patient plus que ce dont il s’acquittait avant la mise en place du paiement à l’épisode de soins.

 Ce ne sont que des exemples et non des pistes de travail ; la consultation s’ouvre.

1.3. Ensuite, le chantier de la transformation numérique de notre système.

 Il est temps d’adopter une vraie stratégie numérique en termes de diffusions de bonnes pratiques, de suivi du patient, de mesure de la qualité, de dialogue ville-hôpital, de réduction des actes redondants.

 L’objectif, le Premier ministre l’a clairement annoncé : l’accès pour tout patient en ligne à l’ensemble de ses données médicales ; la dématérialisation de l’intégralité des prescriptions et enfin la simplification du partage de l’information entre tous les professionnels de santé.

 Faciliter la généralisation du dossier médical partagé (DMP) déjà bien engagé par l’Assurance Maladie, en veillant à la bonne complémentarité des outils développés dans les territoires.

1.4. Pour mettre en oeuvre tous ces changements, une réflexion est indispensable sur les ressources humaines et la formation des professionnels.

 Face à l’enjeu d’un tel chantier, nous avons souhaité traiter à la fois : la formation, et la gestion ressources humaines. Ces deux chantiers, même si pilotés séparément, devront conclure à des propositions cohérentes.

 Le chantier de la formation, nous le partageons avec Frédérique Vidal. Nous l’avons dit, il sera ouvert sans tabou, et sera en lien avec les travaux déjà engagés, le rapport d’évaluation en cours et aura son propre calendrier.

- Avec la ministre Frédérique Vidal, nous annoncerons le lancement de ce chantier prochainement.

 Le volet ressources humaines aura pour objet de traiter la gestion du changement : changement de la nature même du travail, changement des métiers, nouveaux modes de fonctionnement en équipe, nouvelles aspirations des personnes …

 Le besoin de redonner du sens, de retravailler sur les conditions, de fidélisation et d’accompagnement des professionnels qui s’engagent au quotidien, sera au coeur des travaux à conduire.

 Ces travaux comprendront à l’issue de la séquence de consultations des propositions d’actions de toute nature pour améliorer le quotidien de nos professionnels de santé.

1.5. Dernier chantier, non pas par ordre d’importance : l’organisation territoriale

 Pour garantir l’égalité devant l’accès aux soins, pour offrir à chaque patient tout un panel de prises en charge
• De la prévention jusqu’au traitement de maladies chroniques, il faut penser l’organisation des soins au niveau du territoire,
• De la gradation des soins pour que, quel que soit l’endroit où l’on habite, on puisse accéder rapidement à des soins de proximité et autant que de besoin aux soins de recours.

 Il faudra continuer à structurer les soins de ville : l’exercice isolé doit devenir l’exception.

 Il s’agit enfin d’amorcer un an 2 des Groupements Hospitaliers de Territoires avec pour objectif :
• De continuer à tisser des liens entre les soins de ville et l’hôpital en jouant sur leurs complémentarités.

  • Le parcours du patient doit être au centre des organisations, pour tous les professionnels.
  •  
     Pour faciliter la conduite de ces chantiers, il faut aussi alléger au maximum le carcan administratif qui entrave l’action et retarde l’innovation.

 Le décloisonnement sera privilégié et des appels d’offres fondés sur l’adoption des nouvelles organisations territoriales associant hospitalisations publics et privés et secteur médico-social seront préparés.

2. Pour porter cette stratégie ambitieuse et organiser les consultations, j’ai demandé aux personnes ici présentes de m’accompagner pour établir la feuille de route traçant les contours du système de santé de demain.

Experts de leurs disciplines, ils devront, après avoir consulté les acteurs du terrain, me formuler des propositions d’évolution pour le mois de mai.

J’ai leur ai adressé à tous une lettre de mission, qu’ils ont acceptée.

2.1. Pour le chantier sur la pertinence et la qualité, j’ai demandé au Pr Dominique Le Guludec, au Pr Olivier Lyon-Caen et à Alain-Michel Ceretti de mener les consultations auprès des professionnels et des patients.

 1 minute 30 par acteur pour se présenter

2.2. Pour le financement, le Premier ministre l’avait évoqué, ce sera Jean-Marc Aubert qui assurera cette mission auprès de moi accompagné d’une Task Force. Elle s’ancrera dans un temps long avec des points d’étape réguliers.
Son travail sera en lien étroit avec celui de Natacha Lemaire, rapporteur générale du conseil de l’innovation en santé et de Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance Maladie

 2 min pour se présenter

2.3. Sur le numérique, Dominique Pon et Annelore Coury ont acceptés de piloter cette mission.

 2 min pour se présenter

2.4. Pour le chantier 4, je l’ai évoqué, les sujets touchant à la formation feront l’objet d’une prise de parole commune avec Frédérique Vidal.
o Pour les ressources humaines, j’ai demandé à Aurélien Rousseau de mener à bien ce travail de consultation et de co-construction, pour redonner du sens aux professionnels de santé.

 2 min pour se présenter

2.5. Enfin, pour réfléchir à la réorganisation de l’offre de soins sur nos territoires, j’ai souhaité replacer les agences régionales au coeur de la réflexion, et j’ai demandé à Pierre Pribile et Nobert Nabet de piloter ce travail.

 2 min pour se présenter

3. La transformation ne se fera qu’avec l’appui du terrain : la consultation va être menée.

 Chaque pilote coordonnera les consultations qui concernent son champ de compétences ;

 Les ordres, syndicats, conférences, fédérations, sociétés savantes, associations (…) seront consultés.

 La consultation devra faire naître des propositions des acteurs de terrains ; des ateliers de créativité, des focus groupes, des groupes quali seront organisés avec des experts de ce domaine.

Mesdames, Messieurs,

Simone Veil, qui ne cesse de m’inspirer, avait celle belle formule, je la cite :

« L’histoire de notre protection sociale est faite de constructions successives, de la volonté d’hommes et de femmes de construire ensemble cette solidarité que nous avons reçue en héritage. »

Préservons cet héritage, soyons à la hauteur des héros de la Libération : pour ce faire, prenons toute la mesure des enjeux de santé, et de solidarités, qui se poseront à la France de demain.

Je vous remercie