Discours Olivier Véran

21ème édition du Congrès national des internes de médecine générale

Discours d’Olivier VERAN
21ème édition du Congrès national des internes de médecine générale
21 Février 2020

Seul le prononcé fait foi.

Madame la Présidente, Chère Marianne CINOT,
Chers consœurs, chers confrères,
Chers internes,
Chers amis,

Quoi de plus normal que d’être aujourd’hui parmi vous ?

Alors que j’ai pris mes fonctions il y a quelques jours seulement, j’ai évidemment accepté de venir rencontrer celles et ceux qui, après avoir franchi bien des obstacles, s’apprêtent à leur tour à œuvrer à la transformation de notre système de santé.

J’ai été à votre place et je sais qu’être interne, c’est connaître l’enthousiasme d’une vocation et l’angoisse d’un avenir qui comporte toujours son lot d’incertitudes.

Ce quotidien d’étudiant, ce quotidien de soignant, vous en faites justement le thème de ce 21ème Congrès National des Internes de Médecine Générale
« Soignants de demain : se construire au quotidien ».

Au-delà du plaisir de la rime – qui est une habitude dans les thèmes de vos Congrès nationaux ! – c’est un retour aux fondamentaux : l’avenir de la médecine, nous le construisons ensemble dès aujourd’hui.

Le nombre toujours aussi élevé de participants à cette édition témoigne de votre dynamisme et de l’intérêt grandissant des étudiants, des jeunes professionnels, aux évolutions de notre système de santé.

Cela fait 23 ans que votre syndicat est un interlocuteur des pouvoirs publics, dans un esprit toujours exigeant et pragmatique.

L’ISNAR-IMG a cette capacité de défier les décideurs et les représentants institutionnels, sans pour autant céder aux tentations de la surenchère ou de la communication excessive.

Avant de s’interroger sur la construction du soignant de demain, il est important de répondre à la question suivante : quel système de santé voulons-nous pour les décennies à venir ?

Comment garantir à nos concitoyens la pérennité de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, tout en redonnant du sens à la vocation des soignants ?

C’est tout l’enjeu de la stratégie présentée en septembre 2018 par le Président de la République.

Nous devons prendre en charge notre système de santé, avec ses pathologies chroniques et ses décompensations, sans oublier la prévention.

Ce traitement, c’est « Ma Santé 2022 » :
o La révolution de la prévention que nous avons initiée depuis près de 3 ans, et dont vous êtes les premiers ambassadeurs ;
o Je pense aussi au développement des coopérations interprofessionnelles, qui ne signe en aucun cas un rétrécissement du champ de compétence du médecin, bien au contraire !
o Les réformes de la formation initiale ensuite qui étaient nécessaires et attendues. Vous êtes bien placés pour le savoir, la formation doit mieux prendre en compte ces impératifs de coopération entre les métiers et de qualité des soins, mais je pense aussi à la diversification des opportunités professionnelles offertes aux jeunes médecins.
Nous avons pensé ensemble ces réformes et nous devons les mettre en œuvre ensemble. Il y a des craintes qui se sont exprimées sur la rapidité de mise en œuvre. Je les ai entendues et tous les moyens seront mis pour être à la hauteur des enjeux ;
o Ce traitement « Ma Santé 2022 » c’est aussi le numérique dont toutes les promesses doivent être mises au service des patients et des futurs professionnels que vous êtes ;
o Ma vision de notre système de santé c’est aussi une nouvelle dynamique pour renforcer la médecine libérale, pour qu’elle soit plus organisée, plus attractive, plus forte ;
o Enfin, « Ma Santé 2022 » c’est également l’hôpital. L’hôpital c’est bien souvent votre quotidien en temps qu’interne, vous voyez tous les jours ses difficultés. Les mesures investir pour l’hôpital annoncées à la fin de l’année dernière doivent permettre de rompre avec le sentiment de malaise et de doute auxquels l’hôpital est confronté. De nouveaux leviers financiers ont été activés pour faciliter la transformation du système de santé et améliorer le quotidien des soignants.

La « construction des soignants de demain » débute évidemment avec l’entrée dans les études.

Les réformes des premiers cycles des études de médecine marquées par la suppression du numerus clausus dès la rentrée prochaine répondent au double objectif d’inscrire les étudiants dans un parcours de réussite mais aussi de recruter puis de former autrement les futurs professionnels de santé, en phase avec un système de soins qui évolue.

La formation initiale doit évidemment rester exigeante sur les connaissances médicales et les compétences cliniques mais il nous faut aussi développer la capacité à collaborer, à maîtriser l’apport de nouvelles technologies voire de l’intelligence artificielle… Voilà des exemples de ce que seront les besoins de demain.

Mais une médecine du 21ème siècle n’est pas une médecine déshumanisée. Les patients attendent aussi plus d’empathie et d’accompagnement. La révision profonde d’un deuxième cycle aujourd’hui principalement orienté vers la préparation des ECNi au détriment des compétences cliniques et relationnelles, cette révision est indispensable.

A l’obsession du classement il nous faudra substituer l’adéquation des profils aux projets.

Ces nouvelles modalités de formation, qui s’appliqueront à la rentrée 2020, nécessiteront des étudiants davantage impliqués dans leurs stages. Dans ce cadre, et conformément à l’engagement pris par Agnès BUZYN, la réforme s’accompagnera d’une augmentation de la rémunération des externes.

Les conditions d’études et de travail des étudiants doivent être propices à la bonne réussite universitaire et l’épanouissement professionnel.

Les conditions d’accueil des étudiants hospitaliers devront être sécurisées, qu’il s’agisse de l’accès au restaurant du personnel ou encore la mise à disposition d’une chambre de garde. Cela me paraît être le b.a.-ba d’une bonne intégration à l’hôpital.

Aussi, j’ai demandé à mes services la publication, d’ici la prochaine rentrée, d’une instruction sur les droits des étudiants hospitaliers. Ce texte devra naturellement être travaillé avec les représentants des étudiants, je pense évidemment à la Présidente de l’ANEMF, chère Roxane HELLANDSJO-PROST, qui doit être dans la salle.

Au quotidien, un jeune médecin, un interne, fait face à des décisions et des situations qui peuvent être humainement difficiles. Cet apprentissage de la vie, de la souffrance, de la mort, est le passage obligé pour chacun d’entre nous.

Cet apprentissage est suffisamment lourd pour ne pas y ajouter des conditions de travail déraisonnables.

Plus de vingt ans après son obligation, le repos de sécurité après une garde n’est toujours pas respecté dans bon nombre de services hospitaliers.

Plus de dix ans après l’obligation d’une durée maximale de 48 heures de travail hebdomadaire, cette limite n’est toujours pas respectée.

Cela n’est plus acceptable. Trop de drames se sont déroulés.

C’est la raison pour laquelle, et dans le prolongement des engagements pris :

  Tous le temps de travail effectué devra être comptabilisé : les demi-gardes devront ainsi être reconnues et incluses dans le temps de travail hebdomadaire et donc rémunérées ;
  Les commissions médicales d’établissements ainsi que les conseils des facultés de médecine devront faire un bilan, chaque année, du temps de travail des internes. Les hôpitaux et les universités devront en tirer les conséquences, notamment concernant les agréments de stage ;
  De la même manière, et je n’ai pas de difficulté à le dire, nous devrons construire un mécanisme de sanction financière pour les établissements qui ne respectent pas le temps de travail des internes.

De la même façon, hormis pour les Docteurs Juniors, la possibilité de réaliser du temps de travail additionnel ne sera pas ouverte aux internes.
La limite restera à 48 heures par semaine qui est le maximum autorisé par la réglementation européenne.

Les conditions de travail et d’étude reposent également sur les choix des terrains de stages qui permettent de construire son futur exercice professionnel.

La réforme du troisième cycle des études de médecine a largement ouvert la possibilité de réaliser des stages dans l’ensemble des structures où s’exerce aujourd’hui la médecine : cabinets de ville, centres de santé, maisons de santé pluri-professionnelles, hôpitaux de proximité…

Autant de lieux d’exercice qui permettent aux internes de se former aux spécificités de l’exercice de la médecine de proximité, y compris dans les zones à faible densité médicale.

La loi « Ma Santé 2022 » de juillet dernier a d’ailleurs introduit l’obligation pour les internes en médecine générale de réaliser prioritairement des stages en zones sous-denses.

Cette obligation nécessite que nous allions beaucoup plus loin sur le nombre de terrains stages disponibles et donc sur le nombre de maîtres de stages universitaires.

Piloté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministère des solidarités et de la santé, un groupe de réflexion a été installé : il doit aboutir à des propositions pour développer très largement la maîtrise de stage, en médecine générale comme dans les autres spécialités. Des mesures devront être mises en œuvre dès la rentrée prochaine.

J’ai bien conscience que les stages en zones sous-denses peuvent représenter un surcoût financier pour les internes, voire parfois demander un véritable engagement.

En 2018, une prime de 200€ avait été mise en place pour ces stages éloignés.

Dès lors que nous sommes dans la dynamique d’une augmentation du nombre de maîtres de stage, je souhaite que cette indemnité soit revalorisée à 300€ et la condition kilométrique soit supprimée, les déserts médicaux sont souvent plus proches qu’il n’y paraît.

Je sais que de nombreuses questions se posent concernant la maquette de l’internat en médecine générale. Notamment sur sa durée.

Comme vous, ma conviction est qu’il faudra allonger le DES à 4 ans. La médecine générale n’a pas à être une spécialité à part, qui serait moins disante que d’autres en termes de compétences à acquérir.

Toutefois, les conditions ne me semblent pas encore réunies. L’année 2020 doit être mise à profit pour aller au terme des travaux nécessaires au passage à un DES à quatre ans.

La montée en charge du nombre de terrains de stage ambulatoires constitue une condition sine qua none à cette évolution.

Il y a un sujet sur lequel votre syndicat, l’ISNAR-IMG a beaucoup travaillé, c’est l’indépendance de la formation vis-à-vis de l’industrie des produits de santé.

Je souhaite à cet égard saluer votre campagne « No Free Lunch », sur le modèle nord-américain, qui consistait à se lancer le défi de refuser les repas sponsorisés par l’industrie.

Je souhaite être clair dans mon propos : l’industrie des produits de santé est essentielle pour notre système de soins, elle est souvent source d’innovation thérapeutique pour les patients. Mais je souhaite insister sur une chose : la prescription d’un produit de santé ne peut se faire que sur la base d’une évaluation scientifique et d’un bénéfice pour le patient.

L’industrie des produits de santé ne doit pas pouvoir influencer individuellement les étudiants.

Durant vos études, si vous vous construisez au quotidien, c’est notamment pour vous préparer à votre installation future.

Le rapport du Dr Sophie AUGROS a permis de faire évoluer, lors de la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, les différents contrats d’aides à l’installation, comme les PTMG (les praticiens territoriaux de médecine générale), pour les fusionner au sein d’un « contrat des débuts d’exercice » pour sécuriser les nouvelles installations.

Il est possible de relever le défi de l’installation en zones sous-denses  : c’est ce que vous expliquez dans le Guide que vous publiez pour les élections municipales.

S’il y a encore des interrogations, j’arrêterais là le suspens, et je le dis très clairement : je m’opposerai à tous ceux qui prônent la coercition à l’installation.

Je ne serai pas le Ministre de la fin de la liberté d’installation.

Pour une raison simple : cela n’a jamais fonctionné, cela ne fonctionne nulle part ailleurs, cela ne fonctionnera tout simplement pas.

Comme vous l’évoquez dans votre guide, l’attractivité des territoires passera par les dynamiques locales. Pour cela vous vous appuyez sur les outils mis à disposition depuis 3 ans : l’exercice coordonné, les MSP, les CPTS…

Je voudrais simplement insister sur deux points : nous avons déjà plus de 450 projets de CPTS, qui ont été créés pour la plupart à l’initiative des professionnels de santé de ville et qui répondent aux besoins de santé des territoires.

Cette dynamique va s’accélérer grâce aux financements conventionnels et à l’appui apporté par les ARS, mais la condition du succès est aussi de laisser toute la place aux initiatives des professionnels et à la diversité de leurs projets.

Le deuxième point est que les CPTS sont un formidable espace d’innovation pour notre système de santé. Je souhaite que vous participiez pleinement à faire émerger ces innovations et que vous y trouviez un intérêt à agir pour l’exercice de votre future profession.

J’aimerais terminer sur un point, et c’est l’un des piliers de la transformation du système de santé, l’exercice isolé doit devenir l’exception d’ici 2022.
Votre génération l’a bien compris car seulement 4% des étudiants et internes ont un souhait d’installation isolée en ville.

Le système de santé de demain, c’est un réseau de soins de proximité, dont font partie tous les professionnels de santé d’un territoire, quel que soit leur statut, et qui garantit à la population l’accès permanent à des soins et en particulier aux soins non programmés.

Mesdames et messieurs, Chers internes,

J’aimerais vous dire à quel point je suis heureux de pouvoir travailler avec vous à poursuivre la transformation de notre système de santé.
La voix de la jeune génération de professionnels de santé est écoutée, elle est surtout entendue.
Vous avez participé à la création de « Ma Santé 2022 », nous devons transformer l’essai ensemble.

Peut-être un dernier mot plus personnel : les études de médecine sont difficiles, pas tant intellectuellement qu’humainement. Vous aurez – ou bien vous avez déjà eu – des moments de doutes, d’incertitude dans vos choix, ou des moments où vous avez envie de tout laisser tomber.
Mais rappelez-vous que le métier auquel vous vous destinez est une formidable aventure humaine, certainement la plus belle qui soit.

Je vous remercie.

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