INTERVENTION DE Madame Agnès BUZYN Ministre des solidarités et de la santé, Comité Interministériel pour la Santé Santé Publique France

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier Ministre, Cher Edouard Philippe,
Mesdames, Messieurs les Ministres,

« La santé est d’un plus grand prix que les richesses d’un malade »,

Ces quelques mots de Platon, même s’ils datent du IVe s. avant. J.-C, résonnent aujourd’hui en France avec une certaine modernité.
En tant que ministre des solidarités et de la santé, il m’appartient de rappeler cette évidence, le monde de la médecine et le monde de la prévention ne s’opposent pas. Il n’y a pas d’un côté les partisans d’un soutien prioritaire aux progrès de la médecine réparatrice et de l’autre côté tous ceux qui considèrent qu’il faut agir sur les déterminants de la santé par la prévention et la promotion de modes de vie sains. Ce sont les facettes d’une même ambition, celle que nous devons porter de façon indissociable, tout en assumant le choix de réorienter notre système santé au bénéfice de la prévention, mais sans rien abdiquer de l’excellence de notre système de soins.

1. le Plan Prévention que nous présentons au sein de comité interministériel de la santé est un des quatre piliers de la Stratégie Nationale de Santé, adoptée par le gouvernement le 20 décembre dernier.
Il incarne la révolution de la prévention annoncée par le Président de la République :
  être capables, tous ensemble de transformer notre système de soins, performant et coûteux en un véritable système de santé, avec des citoyennes et des citoyens acteurs de leur propre santé.
Il présente une vision globale des actions menées par le ministère des solidarités et de la santé et par tous les autres ministères qui s’impliquent afin de préserver la santé de nos concitoyens dans tous les milieux et à tous les âges de la vie :
  et je remercie vivement ici chacun de mes collègues pour leur engagement dans ce plan, qui permet de replacer la promotion de la santé au cœur de la politique du gouvernement.

Encore un plan me direz-vous ? Sans venir remplacer les plans en cours dans différents domaines, il vise à simplifier et rendre plus lisible et plus efficace l’action publique dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé.
Il aura vocation à évoluer et s’enrichir d’année en année, à partir d’une évaluation régulière, en vie réelle. Il s’accompagnera d’une stratégie de formation et de recherche en santé publique que nous élaborerons avec Frédérique Vidal.

2. Parce que les interventions doivent être les plus précoces possibles et adaptées, nous avons choisi de suivre le parcours de vie d’un individu dans son environnement, pour « Naître, grandir, vivre et vieillir en bonne santé en France ».

2.1. « Naître en bonne santé », c’est déterminant pour l’avenir de l’individu. Les actions se concentrent sur les 1 000 premiers jours de vie, période essentielle pour notre bon développement.

Ainsi, les premières mesures de prévention prennent place dès la conception :

Les pratiques addictives pendant la grossesse, et notamment la consommation de tabac et d’alcool, sont des facteurs de risques importants pour la santé de la mère et surtout celle de son enfant. Un enfant sur 1000 nait aujourd’hui avec un handicap lié à l’alcoolisme fœtal.
Je souhaite sensibiliser les femmes enceintes à ces consommations à risque.

C’est pourquoi, en concertation avec l’ensemble des acteurs, nous améliorerons la visibilité du message « zéro alcool pendant la grossesse » et augmenterons la taille du pictogramme « interdit aux femmes enceintes » sur les emballages de boissons alcoolisées en 2019.
Nous généraliserons aussi la mise à disposition des auto-questionnaires « consommation (alcool, tabac, cannabis) - facteurs de vulnérabilités » pour les femmes enceintes afin de mieux les informer et faciliter la communication avec les professionnels de santé.

Les consommations à risque ne se limitant pas au tabac et à l’alcool, nous créerons d’ici fin 2018 un site internet d’information du public porté par Santé Publique France, avec l’appui de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) sur les produits chimiques contenus dans les produits de consommation courante.

Par ailleurs, compte tenu de l’insuffisance d’apport en vitamine B9 dans la population générale (15 à 20% de la population souffre d’un déficit en vitamine B9), elle-même à l’origine de handicap et de malformations potentiellement graves des nouveau-nés, une supplémentation systématique des femmes avant la conception et pendant la grossesse est recommandée :

  Nous proposons de supplémenter systématiquement en vitamine B9 (folates) les femmes qui souhaitent avoir un enfant (au minimum 4 semaines avant la conception et pendant au moins les deux premiers mois de grossesse).

2.2. « Grandir en bonne santé », c’est permettre à nos enfants de se développer dans des conditions favorables à la santé, et d’acquérir des mécanismes protecteurs. La période de la petite enfance à l’adolescence est cruciale.

Nous le savons, les inégalités de santé sont déjà largement installées avant l’âge de 6 ans. Sans intervention, les inégalités de santé persistent et nuisent à la réussite scolaire des enfants qui en sont victimes, augmentant en retour les inégalités sociales.
Outre l’obligation vaccinale des jeunes enfants de 3 à 18 mois entrés en vigueur au 1er janvier 2018, nous devons renforcer, dès les premières années, les actions de prévention des inégalités en faisant appel à l’ensemble des acteurs. Nous soutiendrons également les mesures en faveur de la parentalité.

  Nous réorganiserons également les consultations actuellement prévues sur l’enfance. Les 20 examens actuellement prévus de 0 à 6 ans seront redéployés de 0 à 18 ans pour une meilleure prise en charge afin de suivre l’enfant jusqu’à sa majorité. Ces 20 examens seront pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie.

  Parmi ces consultations, un examen auditif deviendra systématique à la consultation de 15/16 ans et permettra de sensibiliser aux risques auditifs liés aux bruits excessifs et de dépister des troubles auditifs, handicapant pour le développement, chez nos adolescents.

Mon ambition est claire : je souhaite que 100% des enfants bénéficient des visites de suivi prévues.

Grandir en bonne santé, c’est aussi éviter l’initiation et les usages répétés et problématiques de substances psychoactives. Ces substances sont d’autant plus nocives qu’il s’agit d’une période de la vie où l’installation de consommations problématiques peut avoir des conséquences très lourdes sur le développement et les apprentissages.

Plus une dépendance se déclare tôt, plus il est difficile de s’en défaire. C’est pourquoi nous renforcerons l’intervention des consultations jeunes consommateurs sur les territoires :

  De manière anonyme et gratuite, ces consultations proposent des actions de prévention collective. Leur nombre et leurs moyens seront renforcés. Des partenariats seront établis entre chaque collège et lycée, et une consultation jeunes consommateurs « hors les murs » à destination des jeunes et de leur famille,

  Ce renforcement sera financé par les recettes de l’amende forfaitaire pour l’usage de stupéfiant.

2.3. « Vivre en bonne santé » maintenant. Si l’état de santé des Français est globalement bon, avec une espérance de vie parmi les meilleures au monde, la durée de vie en bonne santé, en revanche, n’est pas bonne et la mortalité prématurée avant 65 ans est trop élevée.

Ces inégalités sont en grande partie liées à des causes évitables, parmi lesquelles les conduites addictives comme le tabagisme ou l’alcoolisme, mais aussi les maladies transmissibles.

La lutte contre ces maladies transmissibles, j’en ai fait une priorité dès mon arrivée au gouvernement, en étendant l’obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins. Je souhaite maintenant élargir les opportunités et faciliter les conditions de vaccinations, et c’est pourquoi nous allons ouvrir une grande concertation :

  Pour généraliser la vaccination antigrippale par les pharmaciens d’officine, après la réussite de l’expérimentation lancée l’année passée,

  Pour simplifier, ouvrir et permettre les rappels de vaccinations aux pharmaciens d’officine, aux infirmiers et aux sages-femmes.

Si la vaccination est une priorité, ce n’est pas la seule dans le combat contre les maladies infectieuses. Une opportunité s’est ouverte en 2014 pour changer de façon majeure, historique oserais-je, la santé des français :

  Le traitement de l’hépatite C.

Nous allons intensifier les actions de prévention et de dépistage de cette maladie à destination des publics les plus exposés :

  en renforçant le dépistage de proximité par les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans une approche combinée : VIH, VHC, VHB

  nous simplifierons l’accessibilité aux traitements de l’hépatite C par l’ouverture à de nouveaux prescripteurs, en favorisant les réseaux ville-hôpital.

Le cap est sans ambiguïté : notre objectif est l’éradication de l’hépatite C en France à l’horizon 2025.

Enfin, la prévention c’est aussi les dépistages.

La France a mis en en place très tôt le dépistage des cancers du sein et du cancer colorectal, mais n’arrive pas à améliorer ses résultats dans la prévention du cancer du col de l’utérus. Il est pourtant l’un des cancers les plus inégalitaires alors qu’il pourrait être éliminé. En effet, le repérage précoce des lésions précancéreuses permet d’éviter à 100% le développement d’un cancer.

Il nous faut donc améliorer notre action :

  Nous introduirons dès cette année, un troisième dépistage organisé : celui du cancer du col de l’utérus.
  L’objectif est de parvenir à une couverture générale de la population supérieure à 80%, alors qu’elle n’est que 60% aujourd’hui.

Toutes les femmes de 25 à 65 ans en bénéficieront. C’est une avancée majeure dans la lutte contre les cancers, dans la lutte contre un cancer majeur des femmes, mais aussi dans la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé.

3. Ce plan, ce sont des mesures phares et une priorité affichée en faveur de la prévention, de la promotion de la santé et de l’éducation à la santé. Mais ce n’est pas le seul message que je veux vous livrer ici.

La prévention, c’est un engagement.

C’est l’engagement d’un gouvernement, l’ambition de l’ensemble des ministres, dont la réunion ce matin est l’illustration : chacun, en notre qualité, dans notre champ d’action, avons un rôle à jouer.

C’est aussi la recherche de nouveaux modes de financement de notre système de santé, pour mieux reconnaître les missions de prévention, aussi bien dans les établissements de santé, les EHPAD que dans le secteur ambulatoire.

C’est aussi et surtout l’engagement de femmes et d’hommes, que l’on forme, puis qui forment à leur tour : c’est l’implication de tous les professionnels de santé dans la préservation de la santé et plus seulement dans le soin.

  A ce titre, le service sanitaire, dans lequel tous les étudiants en santé seront impliqués à compter de la rentrée 2018, et dont nous avons marqué le lancement officiel à Angers avec Frédérique Vidal le 26 février dernier, marque un tournant décisif.

Nous le savons tous, la promotion de la santé est efficace et rentable, d’innombrables exemples nous le démontrent à l’étranger comme dans notre pays où des expérimentations sur la prise en charge précoce de l’obésité chez les jeunes, le repérage en amont des troubles psychologiques, la prise en charge adaptée des troubles autistiques ont conduit à des résultats probants.


La prévention ne peut être l’affaire des seuls professionnels de santé :

  elle doit devenir une part intégrante de la culture et des objectifs de nombreux services publics, des collectivités locales, ainsi que d’autres acteurs de la société civile,

  c’est ce que ce plan, porté par l’ensemble du gouvernement, vise.

C’est à cette condition que la France pourra passer de la situation qu’elle connaît – celle d’un pays avec un très bon système de soins – à ce qui doit être son objectif : devenir un pays ayant, dans tous les domaines, un excellent système de santé.

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