Accessibilité

Les contributions du CNCPH (2013)

Suite à l’analyse relative au rapport de la Sénatrice Claire-Lise Campion, le CNCPH entend également contribuer au futur CIH (Comité Interministériel du Handicap) en faisant part d’un certain nombre de propositions complémentaires s’articulant en 3 chapitres.

La citoyenneté et la participation sociale des personnes en situation de handicap doit se concrétiser dans les actes, et à cet égard, le CNCPH réaffirme son attachement à ce que les principes de la Convention internationale des droits des personnes handicapées puissent se transcrire dans la législation, la réglementation et les pratiques des acteurs de la Société française, notamment pour les articles 4 et 9 relatifs à l’accessibilité et à la conception universelle.

1 - Porter une politique publique forte

Cet objectif devrait être envisagé dans le cadre de la politique transversale insufflée par le Président de la République, et elle ne pourrait se réduire à la seule Circulaire du Premier ministre en date du 4 septembre 2012 relative à la prise en compte du handicap dans les projets de loi.

a) Planifier

Après 38 ans d’attente depuis une première loi en 1975 qui est restée inappliquée dans son volet accessibilité, puis une seconde en 2005 qui a échouée à respecter les échéances qu’elle a fixée, l’impatience des personnes privées du droit d’aller et de venir mute inexorablement en une colère légitime qui doit être entendue par les pouvoirs publics. C’est pourquoi, le CNCPH souscrit pleinement aux constats de la décision N° MLD 2013-16 du Défenseur des Droits, et particulièrement à celui de la nécessité de conduire une politique publique qui soit à la hauteur de l’objectif législatif.

Indubitablement, et sans contestation possible, la première cause de retard dans l’application de la loi du 11 février 2005 tient principalement à l’absence manifeste d’une réelle politique publique stratégique pour mener à bien un objectif législatif aussi ambitieux.

Comment peut-on concevoir qu’une des plus grandes puissances mondiales puissent voter une loi se fixant un délai de 10 ans pour rendre sa Société accessible, sans conduire à aucun moment un plan stratégique sérieux et fiable, doté d’une politique publique efficace à l’aide de moyens fiscaux, budgétaires, humains et méthodologiques ?

Même si le CNCPH est conscient que nul ne peut être comptable des responsabilités politiques exercées par autrui dans le passé, il est animé de l’état d’esprit suivant en subodorant la présente hypothèse :

  • En 2005, le législateur a préféré voter une loi ambitieuse qui voulait concrétiser un statut de citoyen à bon nombre de nos ressortissants, mais sans que les pouvoirs publics exécutifs et administratifs ne lui aient octroyé de moyens efficients.

Si tel est le cas, et s’il faut reconnaître également le changement récent d’alternance au sein du pouvoir exécutif, le constat d’amateurisme et de non-conduite stratégique d’une réelle politique publique depuis le vote de la loi n°2005-102 du 11 février 2005, n’est plus acceptable après plus de 38 années d’attente depuis la première loi du 30 juin 1975.

Ce premier constat engendre nécessairement une conséquence fondamentale : s’il n’existe pas de réelle politique publique, malgré 3 lois en la matière, aucune communication nationale envers les citoyens, les corps intermédiaires, les branches professionnelles et les collectivités territoriales ne peut voit le jour.

Or, sans réelle politique publique, point de communication fiable ; et sans communication, ni accompagnement des acteurs, point de concrétisation…
C’est pourquoi, pour aboutir à la construction et à la transformation d’une société réellement accessible à chacun quelles que soient ses capacités, le CNCPH souhaite en premier lieu qu’une réelle politique publique stratégique soit élaborée et adoptée pour mener à bien un objectif législatif aussi ambitieux.

b) Former

Pour que le principe d’un accès de tous à tout se concrétise dans les actes dés la première conception des projets, il est au préalable nécessaire qu’il s’installe dans les esprits, que la nécessité en soit comprise et que l’efficience en soit démontrée. Cet objectif ne peut être atteint qu’à la condition d’installer ce principe à la racine des enseignements et des pratiques, et que pour ce faire l’ensemble des pratiques pédagogiques puisse inclure des cours présentant la diversité des modes d’expression et des capacités humaines, et en insistant sur le gain de liberté, l’assurance d’égalité et la facilitation de fraternité que concrétisent les environnements accessibles.

c) Communiquer

Pour une meilleure cohérence et intelligibilité de la conception universelle, et afin que les personnes et les populations concernées cessent d’être stigmatisées sur la base de leurs incapacités, le CNCPH souhaite qu’une révision sémantique soit engagée afin que l’accessibilité ne soit plus envisagée comme une suite de solutions spécifiques qui favorisent des populations particulières et génératrices de coûts supplémentaires, mais comme une conception qui favorise l’expression de toutes les capacités humaines.

Pour une meilleure cohérence avec la définition du « handicap » donnée par la Loi qui, bien que de façon encore trop imprécise, reconnaît son origine environnementale, le CNCPH souhaite que la terminologie « accessible aux personnes handicapées » soit remplacée à l’avenir par celle de « accessible » qui par définition inclue toute la population, et qu’il soit précisé lorsque nécessaire « quelles que soient ses capacités ».

Les propositions pour réussir une politique publique : expliquer, inciter et réprimer si nécessaire :

  • Un respect de l’échéance légale de 2015 et la mise en place d’actions prioritaires pour une meilleure prise en compte de tous les types de déficiences.
  • Un accès à tout pour tous, c’est-à-dire par une prise en compte de tous les types de déficiences, notamment intellectuelle, psychique, cognitive, auditive, hyper-acousie, etc.
  • Un portage politique par le Ministère du Développement durable au titre du pilier Sociétal, et au sein duquel l’actuelle DMA deviendrait DIMA (Délégation InterMinistérielle à l’Accessibilité).
  • Un plan national de communication et de sensibilisation du grand public dès que possible, afin de promouvoir une Société inclusive pour chacun dans l’accès aux prestations, et dans l’objectif de stopper la stigmatisation dont sont victimes les personnes en situation de handicap vis-à-vis du chantier accessibilité. La valorisation du vouloir-vivre ensemble sera fondamentale pour faire comprendre l’importance de l’organisation de la ville et de la ruralité, via la prise en compte de tous les types de population spécifique dont les personnes âgées, les enfants, etc.
  • Une évolution de la réglementation pour garantir la prise en compte de tous les types de déficiences.
  • La publication de tous les textes réglementaires en attente depuis 8 ans, dont l’arrêté relatif à l’accessibilité des locaux de travail en premier lieu. En effet, avec 22%, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que celui des ressortissants valides.
  • Des mesures incitatives de nature budgétaire et/ou fiscale pour les ERP privés de 5ème catégorie, ainsi qu’à destination des gestionnaires d’ERP sociaux et associatifs.
  • Un encadrement national des AD’AP pour raccourcir les délais à 2 ans, éventuellement reconductible 1 an sur justification ; et pour garantir leur homogénéité sur tout le territoire et une prise en compte de tous les types de déficiences (afin d’éviter les mêmes erreurs que pour le diagnostic).
  • L’exclusion du champ des A’AP des établissements d’enseignement supérieur, des préfectures et sous-préfectures puisque ces ERP devraient déjà être réglementairement accessibles depuis le 1er janvier 2011.
  • L’exclusion du champ des AD’AP les mairies et les mairies annexes, les bureaux de vote, et le matériel roulant des services de transport public.
  • Des sanctions budgétaires et/ou fiscales pour tous les gestionnaires d’ERP privés n’ayant pas remis leur AD’AP au Préfet pour le 31 décembre 2014.
  • Des sanctions budgétaires et/ou fiscales à tous les gestionnaires d’ERP privés et publics et de services de transport public, n’ayant pas respecté dans les faits les échéances fixées dans leur AD’AP (transmission d’une attestation d’accessibilité à l’issue de l’échéance).
  • Une mise en place du principe de conditionnalité des dotations et subventions publiques pour tous les acteurs publics n’ayant pas remis leur AD’AP au Préfet pour le 31 décembre 2014.
  • La création d’un registre d’accessibilité dans chaque ERP, à l’instar de ce qui existe en matière de sécurité. Un tel document, mis à la disposition du public, permettrait de consigner les modalités d’accès aux biens et services proposés par un ERP pour toute personne en situation de handicap.
  • A l’instar des fonds structurels européens, rendre obligatoire la prise en compte de l’accessibilité dans tout appel d’offres.
  • Vérifier l’effectivité des obligations réglementaires relatives aux formations initiales dispensées pour l’accessibilité et le handicap pour plus d’une centaine de diplômes, et rendre obligatoire pour tous les personnels en contact direct avec le public une formation à l’accueil des personnes en situation de handicap.
  • Créer et promouvoir des systèmes d’identification des services et prestations accessibles sur l’ensemble du territoire, et en assurer leur mise en oeuvre opérationnelle et effective.

2 - Répondre aux besoins de toutes les personnes en situation de handicap

a - Le logement

A l’heure où de récents rapports démontrent tous que le vieillissement de la population appelle une adaptation du cadre bâti d’habitation en cohérence avec une politique de maintien à domicile, laquelle est sollicitée par 90% de la population, il convient d’interpeller les pouvoirs publics sur la problématique du logement pour les personnes en situation de handicap.

En effet, les dernières statistiques ‘INSEE’ certifiées, actent, entre 2006 et 2009, de la disparition de plus de 65 000 logements HLM desservis par ascenseur.

De même, durant cette même période, plus de 330.000 octogénaires et 88.000 nouveaux bénéficiaires de l’AAH sont venus grossir les rangs des populations potentiellement les plus demandeuses d’accessibilité et que la synthèse de ces deux derniers constats atteste d’une perte de près de 10% de la mise à disposition de logements accessibles.

En conséquence, le CNCPH souligne l’absolue nécessité en termes d’intérêt général d’une modification en profondeur de la législation concernant l’obligation d’ascenseur ; et rappelle son exigence de ce que la loi du 11 février 2005 évolue considérablement, non seulement en vue de rendre accessible un plus grand nombre d’appartements mais aussi en vue de généraliser le concept d’adaptabilité, seule façon de faire évoluer les espaces de vie d’un appartement en fonction de l’évolution de la perte d’autonomie d’un de ses occupants. De même, il s’agit de régler enfin l’absurdité des règles actuelles pour les maisons individuelles neuves à étage, lesquelles condamnent une PMR à dormir sur un lit de fortune dans un séjour et à ne disposer que d’un lavabo dans le cabinet d’aisance pour faire sa toilette.

Les principales propositions en matière de logement :

Voici les principales propositions en matière de logement, mais nous attirons l’attention du CIH de prendre connaissance de toute la résolution du CNCPH que nous transmettons en pièce jointe :

  • Garantir une réelle application du droit au logement opposable afin de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.
  • Organiser un système effectif de recensement de l’offre de logements accessibles par les commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité.
  • Garantir pour le logement une réelle application du principe de conception universelle, tel que l’expose la Convention internationale du droit des personnes handicapées, ratifiée par la France.
  • Réviser la réglementation pour garantir dans toute construction neuve des logements accessibles (BHC et maisons individuelles) ; notamment à propos de la conception des cabinets d’aisances et des salles de bain, des escaliers adaptés, des sas de protection, ainsi que des parkings d’immeubles.
  • Que les financements publics soient véritablement et réellement subordonnés au respect des conditions d’accessibilité.
  • Mettre en place une obligation d’ascenseur pour les R+3 et une réserve pour ascenseur à partir de R+2.
  • Garantir l’application de la loi du 21 décembre 2001 et l’article 1391 C du CGI (Code général des Impôts) permettant aux bailleurs sociaux de rendre accessibles des logements existants en exonérant entièrement le montant des travaux de leur TFPB (Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties) pour les logements de plus de 15 ans.
  • Prévoir la prise en charge intégrale notamment par la prestation de compensation des coûts inhérents aux travaux d’adaptation du logement, pour les logements sociaux datant de moins de 15 ans, et pour les dépenses dépassant les sommes couvertes par mesure fiscale, ainsi que pour des aménagements spécifiques individualisés (domotique).
  • L’intervention effective des ascensoristes à J+1, en vertu d’une obligation réglementaire qui exigerait une clause d’intervention dans chaque contrat entre propriétaire et ascensoriste.
  • Que soient réexaminées les conséquences de la réforme du 1 % logement. Il est urgent de rétablir la solidarité au sein d’Action Logement pour les personnes en situation de handicap en raison des subventions limitées et des conditions éminemment restrictives.

b - Pour une prise en compte de tous les types de déficiences en matière de NTIC

  • Concrétiser la mise en accessibilité de tous les sites internet, qu’ils soient publics ou privés, et notamment dans le domaine artistique et culturel.
  • Mettre en place le Centre relais Téléphonique pour les appels universels tel que prévu dans le Plan Handicap Auditif 2010-2012 à travers l’article 47 de la loi N°2005-102 du 11 février 2005.
  • Veiller dans les médias à ce que la personne en situation de handicap ne soit pas présentée uniquement sous l’angle de sa déficience. Veiller à l’usage exact des termes, notamment pour l’autisme.
  • Prévoir dans les cahiers des charges des médias des conditions plus draconiennes pour assurer une réelle visibilité et représentativité de tous les publics dans toute leur diversité.
  • Ne plus promouvoir des festivals fléchés « handicapé », mais valoriser la participation d’artistes en situation de handicap dans les évènements culturels ordinaires.
  • Mettre à disposition dans les lieux accueillant du public des informations écrites, audiovisuelles et électroniques accessibles grâce à la généralisation de la méthode du Facile à lire et à comprendre.
  • Prévoir la communication du sous-titrage dans tous les espaces publics.
  • Prévoir la généralisation du sous-titrage et de l’audio-description dans toutes les communications audio-visuelles
  • Garantir réglementairement la cohérence et la qualité des boucles magnétiques, en prévoyant notamment le réglage adéquate lors de la pose de ces équipements, et assurer également que les audioprothésistes règlent correctement les appareils auditifs pour la boucle magnétique.
  • Garantir la pérennisation du centre relais pour les personnes déficientes auditives.

3 - Garantir l’accès aux biens et services

a - Concrétiser un égal accès aux prestations pour chacun

La philosophie de la loi du 11 février 2005 a tellement exalté le principe de la continuité de la chaîne de déplacement, que les acteurs de terrain en ont développé un réflexe principalement axé sur la déficience motrice en ce qui concerne le cadre bâti et le transport.

Or, avec le recul, même les pratiques des acteurs vertueux se révèlent lacunaires pour atteindre cet objectif de l’accès aux prestations, biens et services pour chacun, quelles que soient ses spécificités (personnes déficiente visuelle, auditive, intellectuelle, psychique, cognitive, personnes âgées, parents avec poussettes, blessés temporaires, les 60 millions de touristes étrangers accueillis annuellement, etc.).

La prise en compte de l’accès aux prestations, biens et services devrait par exemple être traitée dans tous les projets de lois, afin que l’accessibilité puisse être mise en œuvre pour tous les publics.

Le CNCPH réitère ainsi la nécessité de créer concrètement une Société inclusive pour chacun, en mettant en œuvre les solutions spécifiques qui permettront un égal accès aux prestations, biens et services pour tous les types de publics sans exception.

b - Généraliser la conception universelle dans les innovations industrielles et commerciales

Tel qu’il l’a édicté dans sa résolution du 16 mars 2010, le CNCPH affirme son attachement au principe de la conception universelle, telle que la définit la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007, à savoir comme « la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure du possible, sans nécessiter ni adaptation, ni conception spéciale ».

Le CNCPH entend que le principe de la conception universelle trouve sa pleine application dans la législation et la réglementation françaises relatives à toute construction neuve ou innovation, qu’il s’agisse de cadre bâti, de voirie, de matériel roulant, d’équipement, de services, de biens, de prestations, ou de produits industriels commercialisés.

Le CNCPH considère en outre que l’application de la conception universelle dans le domaine des constructions et produits neufs constitue un principe de base essentiel à la concrétisation de la liberté constitutionnelle d’aller et venir réaffirmée par la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977, et au plein exercice de la citoyenneté et de la participation sociale des personnes en situation de handicap.

A ce titre, le CNCPH estimerait judicieux que les acteurs essentiels tels que l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle), ou les fédérations de designers et de designers industriels soient acculturés au principe de la conception universelle.

Le CNCPH soutient que la conception universelle constitue un principe fondamental œuvrant au service de tous, et qu’en conséquence il convient de développer une politique publique à destination des designers industriels.

Les propositions en matière de conception universelle :

  • Développer un plan de sensibilisation auprès des designers industriels pour faire connaître le principe de la conception universelle
  • Conditionner l’octroi des brevets de l’INPI, à la prise en compte de la conception universelle
  • Conditionner les aides de la BPI (Banque Publique d’Investissement) à la prise en compte de la conception universelle.