Discours d’Agnès BUZYN - Vœux à la presse 2020

Discours pour des Vœux à la presse de Madame Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé le 28 janvier 2020

Seul le prononcé fait foi

Madame, messieurs les secrétaires d’Etat,
Madame la nouvelle Présidente de l’AJIS, Chère Lucie Prusaz, et je salue évidemment l’ancienne Présidente de l’AJIS, chère Bénédicte Fouchez,
Mesdames et messieurs les journalistes,
Mesdames, messieurs,

Avec Christelle Dubos, Adrien Taquet et Laurent Pietraszewski, nous tenions à partager avec vous ce moment pour vous adresser nos vœux les plus chaleureux.

Des vœux aux journalistes, l’idée peut sembler un peu désuète.

Je ne crois pas, bien au contraire, et cette tradition des vœux revêt dans ces murs un sens bien particulier, parce que si l’action sanitaire et l’action sociale ne peuvent se passer d’information(s), c’est qu’il n’y a pas de démocratie sanitaire et de démocratie sociale sans journalistes.

Je sais que vous avez à cœur de transmettre à vos lecteurs, à vos auditeurs, à vos téléspectateurs, une information de qualité.

Je sais aussi que cette responsabilité est de plus en plus difficile.

D’aucuns parlent aujourd’hui de post-vérité, et adoptent une posture de défiance à l’égard des paroles scientifiques, médicales, ou politiques.

C’est l’ère du soupçon généralisé, de la suspicion et du doute qui se suffit à lui-même.

Votre profession n’est pas épargnée.

Elle est même en première ligne et prise entre deux feux : d’une part, avec le rythme toujours plus rapide de l’information en continu ; d’autre part, avec la concurrence des réseaux sociaux, où règnent l’instantané, le spontané, et des informations ni vérifiées, ni vérifiables.

Quand un fait en chasse un autre, en temps réel, l’analyse disparaît et la formation du sens devient impossible.

Comment rétablir la vérité quand n’importe qui peut opposer aux études scientifiques ses propres croyances, parfois fantaisistes ?

« Le journalisme, c’est le contact et la distance » ; telle était la devise d’Hubert Beuve-Méry, et j’ai bien conscience de la difficulté toujours plus grande de votre métier, qui doit à la fois refuser le sensationnalisme et ne faire montre d’aucune complaisance à l’égard de la parole publique.

Si l’on y regarde de plus de près, ce qui était une exigence hier est devenu un défi et même un combat, le combat du « parler vrai », qui est d’abord un combat démocratique.

Faire votre travail aujourd’hui, c’est bien souvent faire preuve de résistance, et nous constatons que les populismes, qui prospèrent de manière inquiétante partout en Europe et dans le monde, ont tous en commun la haine des médias.

Haine des médias, haine de la vérité, haine de la démocratie, c’est une seule et même menace. Défendre les médias, défendre la vérité et défendre la démocratie, c’est un seul et même devoir.

En vous lisant, en vous écoutant, ou en répondant à vos questions, je mesure évidemment, ce qui ne va pas, mais je ne vous reprocherai pas en ce moment de ne jamais parler des trains qui arrivent à l’heure.

D’autant qu’il m’arrive aussi, parfois, de lire ou d’entendre que des chantiers avancent, et ce ministère en compte beaucoup.

Nous avons fait le choix de rassembler dans un seul et même document l’ensemble des réalisations de l’année 2019 et de décrire notre programme de travail pour 2020.

A le parcourir, j’ai toutes les raisons du monde de le trouver incomplet, tant les chantiers engagés sont nombreux et divers.

Mais l’important est ailleurs : il signe et exprime une façon de travailler ;
 Une façon d’embrasser toutes les politiques sociales ;
 D’être au rendez-vous de la prévention et de l’intervention la plus précoce possible ;
 De traiter les nouvelles vulnérabilités et de renforcer l’universalité des risques à couvrir ;
 De mieux traduire la prise en compte de tous les parcours de vie ;
 Et le besoin de personnalisation de nos modes d’intervention.

J’ai tenu à ce que nous prenions successivement la parole avec Christelle Dubos, Adrien Taquet et Laurent Pietraszewski ; les secrétaires d’état reviendront dans quelques instants sur les bilans et les perspectives de leurs domaines d’action respectifs.

J’y ai tenu parce qu’au Ministère des Solidarités et de la Santé, nous avons su construire un collectif extrêmement soudé.

Cette cohésion n’avait rien d’une option pour affronter les défis immenses qui se dressent devant la société française.

Elle est notre réussite : nous nous entendons bien, nous travaillons bien ensemble, et j’ai la faiblesse de penser que cela se voit.

Et de notoriété, cela est assez rare dans les grands départements ministériels.

Notre rôle et notre responsabilité, c’est de consolider un lien social qui s’était fragilisé ; c’est aussi de regarder sans fléchir les défis immenses qui ne nous attendent plus puisqu’ils sont déjà là, juste devant nous.

Je pense évidemment au grand âge parce que vous le savez très bien : notre société change de visage.

Une très forte accélération du vieillissement s’opérera dans les années à venir, du fait de l’avancée en âge des baby-boomers.

En 2030, c’est-à-dire demain, nous vivrons un premier point de bascule et les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.

Je ne vous l’apprends pas, le Président de la République a rappelé dans ses vœux que le grand âge serait une priorité de 2020.

Le projet de loi « grand âge et autonomie » sera donc présenté à l’été, après une phase de concertation avec le secteur et les collectivités territoriales.

Ce sont des garanties très fortes, apportées au plus haut niveau de l’Etat.

Sans entrer dans le détail, je veux simplement partager avec vous quelques grandes lignes de la vision que je veux défendre dans les mois à venir.

La majorité des personnes âgées veulent rester chez elles pour y vivre jusqu’au bout leur vie.

Ce que cela signifie, c’est que le secteur de l’accompagnement à domicile va devoir absorber une grande partie du choc démographique à venir.

Et dès maintenant, les attentes sont extrêmement fortes.

De la part des aînés et de leurs aidants, qui n’en peuvent plus du parcours du combattant. Ils veulent une vraie coordination entre l’accompagnement et le soin, une limitation du nombre d’intervenants et une vraie garantie de service.

Du côté des professionnels, les attentes sont aussi extrêmement fortes et Myriam EL KHOMRI a montré dans son rapport à quel point une nouvelle organisation du travail était indispensable pour transformer les métiers et donner envie aux jeunes de s’y engager.

Ce que nous voulons faire, c’est tout simplement « changer de braquet ».

Outre la possibilité d’un maintien à domicile le plus longtemps possible, l’entrée en établissement doit devenir l’exception.

L’EHPAD doit être recentré sur la prise en charge des besoins de santé les plus lourds, ce qui nécessitera :
 une fusion des financements soins et dépendance ;
 une augmentation des personnels de soins, seule façon de garantir une progression du taux d’encadrement en personnel des EHPAD ;
 et un plan d’investissement massif de rénovation et de construction d’EHPAD.

Enfin, nous voulons baisser le poids du reste à charge pour les plus modestes, et je rappelle que la crainte de « peser » sur leurs enfants ou leurs petits-enfants est très régulièrement mentionnée par les Français quand ils sont interrogés sur leur avenir dans le grand âge.

J’insiste aussi sur la stratégie « Vieillir en bonne santé », parce qu’elle touche à nos représentations du grand âge et c’est un message qu’il faut diffuser le plus largement possible : la perte d’autonomie n’est pas une fatalité et la dépendance n’est pas un âge de la vie.

Elle se prévient par des réflexes à adopter le plus tôt possible, pour agir sur les déterminants de santé.
Vous le voyez, je ne vous l’apprends pas, dans ce ministère, ce que nous inventons chaque jour, ce sont les solidarités et le système de santé de demain. Ce que nous inventons chaque jour, c’est un Etat social moderne, un Etat social plus juste et plus robuste.

Tous nos efforts sont tournés vers un seul but : combattre les nouvelles injustices et accompagner les nouvelles fragilités.

Parce que c’est cela un Etat social moderne, c’est un Etat qui fait le choix de l’universalité et qui tient compte des parcours de vie, c’est un Etat qui détecte les nouveaux risques et qui prévient leur apparition.

Cet Etat social moderne est la condition de la prospérité sociale, il est la condition d’une société où chacun trouve sa place et la prend pleinement, où le quotidien n’est plus une lutte désespérée, où les inégalités se réduisent et réduisent la division des Français.

La crise des gilets jaunes a révélé avec fracas ces nouvelles fragilités françaises, ces nouvelles détresses et ce besoin criant d’un Etat social adapté aux réalités de son temps.

Rendre notre système de protection sociale parfait, c’est peut-être un peu ambitieux ; l’améliorer, je crois que c’est un objectif raisonnable.

L’améliorer, c’est opérer un double mouvement, en « allant vers » les personnes pour tenir compte de leurs besoins spécifiques, tout en renforçant l’universalité des droits et des prestations.

Quand les solidarités sont menacées, quand des fragilités sont détectées, l’Etat social moderne doit être là et se dresser pour protéger celles et ceux qui en ont besoin.

Je pense évidemment aux familles, multiples, diverses et en proie à de nouvelles difficultés et pour lesquelles nous nous sommes mobilisés.

Christelle Dubos vous en parlera dans quelques instants, mais je crois que nous pouvons être fiers au MSS de proposer un véritable service de versement des pensions alimentaires qui, dès cette année, permettra de soulager les familles en difficulté.

Un Etat social moderne, c’est un Etat qui sait que trop de Français renoncent à s’équiper d’une paire de lunettes, à se faire poser une prothèse dentaire ou à s’équiper d’une aide auditive.

Tous les équipements qui composent le panier 100% Santé seront pris en charge intégralement par la Sécurité sociale et les complémentaires santé. Voilà une mesure très concrète pour l’accès de tous aux soins.

Un Etat social moderne, c’est un Etat qui connaît l’importance des 1000 premiers jours de la vie d’un enfant, pour son développement mais aussi pour la santé globale de l’adulte qu’il deviendra et Adrien Taquet évoquera notre politique de la petite enfance, radicalement nouvelle, ambitieuse et audacieuse.

Un Etat social moderne du XXIème siècle, c’est aussi celui qui recrée les conditions d’un système universel de retraites, le même pour tous, capable de protéger les plus vulnérables et de tenir compte des carrières heurtées ou incomplètes.

Laurent Pietraszewski reviendra évidemment, dans quelques instants, sur ce sujet.

Un Etat social moderne, c’est un Etat qui connaît les vertus de la prévention, partout, dans tous les domaines.

Nous agissons donc pour mettre en œuvre cette prévention qui est, j’ose le dire, une petite révolution culturelle.

Je pense par exemple à la lutte que nous menons contre l’obésité, par une meilleure information sur la qualité nutritionnelle des aliments, en développant l’utilisation de Nutriscore dans l’étiquetage des aliments.

Un Etat social moderne, c’est enfin un Etat qui reconnaît la famille dans sa diversité, qui reconnaît toutes les familles et qui veille scrupuleusement au respect des grands principes : la dignité de la personne humaine, l’autonomie de chacun et la solidarité de tous.

Le projet de loi bioéthique est à mi-chemin de son parcours parlementaire, mais je tiens à dire que, par-delà les sensibilités, les débats à l’Assemblée nationale ont été d’une qualité exceptionnelle.

Et le gouvernement est extrêmement attentif, dans le débat en cours au Sénat, à ce que des lignes rouges ne soient pas franchies par les sénateurs en matière de génétique.

Mesdames, messieurs,

Je n’ignore rien des difficultés, des impatiences et des colères.

Vous me trouverez peut-être bien optimiste, je n’en serais pas vexée, mais je crois que les discussions en cours sur la réforme de notre système de retraite prouvent à leur façon que le dialogue social est retrouvé dans notre pays.

Certes, il y a des négociations, il y a des oppositions, il y a des désaccords et des divergences, nous appelons cela la démocratie.

En 2020, je mettrai tout en œuvre pour incarner l’ambition de la stratégie « Ma santé 2022 » : cette stratégie a posé le bon diagnostic sur les maux dont souffre depuis trop longtemps notre système de santé.

Les réponses ont été construites, des moyens inédits ont été déployés et nous sommes dans la phase « ingrate » de la mise en œuvre, phase « ingrate » parce que jugée parfois à juste titre trop lente.

Mais nous suivons un cap qui est le bon : instaurer un système de santé mieux organisé entre la médecine de ville et la médecine hospitalière dans les territoires et libérer du temps médical utile pour faciliter un accès de soins de qualité pour tous les Français.

Les impatiences et les colères sont pourtant nombreuses, je le sais.

Je pense en particulier à l’hôpital public et je voulais terminer par là pour mieux insister et pour rappeler mon attachement indéfectible à l’hôpital.

Je connais bien l’hôpital public, je sais ce qu’il représente pour les Français et je sais ce que les Français lui doivent. Ma détermination pour aider les soignants est infatigable.

Ma Santé 2022 a été déclinée en 2019 spécifiquement aux urgences, avec le pacte de refondation et à l’hôpital public avec le plan investir pour l’hôpital.

Cette feuille de route pour l’hôpital public est une réponse sans précédent.

Beaucoup de perspectives s’ouvrent devant nous, que nous allons concrétiser comme nous avons déjà concrétisé beaucoup d’annonces récentes – je pense aux primes des urgences, au dégel des tarifs ou encore à l’opération-vérité sur les lits d’aval dans tous les hôpitaux.

Quand je prends l’engagement d’augmenter les budgets de l’hôpital pour les trois prochaines années, je pose un acte majeur.

Oui, nous étions arrivés au bout d’une logique.

Oui, nous avons décidé qu’il fallait réinventer la régulation financière de l’hôpital.

Oui nous avons levé des sujets qui ne sont plus des tabous : le capacitaire en lits, la progression des tarifs, la plus grande participation de l’Etat au financement des investissements des établissements de santé.

Cette rupture, c’est aussi une décision concrète qui se traduira dans le quotidien des soignants comme des patients.

Mesdames, messieurs,

J’ai évoqué beaucoup de sujets, qui sont aussi beaucoup de chantiers et je sais que vous les suivez avec la plus grande attention, pour informer nos concitoyens.

J’ai commencé mon propos en disant que vous étiez indispensables à la démocratie sanitaire, à la démocratie sociale et à la démocratie tout court.

Les transformations profondes que nous engageons ont besoin d’être connues, non pas pour satisfaire personnellement la ministre que je suis, mais pour que les Français s’emparent des dispositifs que nous créons.

Je vous le dis comme je le pense : si l’action politique ne rencontre pas le quotidien des Français, elle est tout bonnement inutile.

De très beaux projets sont nés ici depuis deux ans et demi ; d’autres sont en construction et formeront demain l’Etat social moderne qui aide et qui protège chacun, du premier au dernier souffle, à chaque étape de la vie.

Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2020.

Je laisse maintenant la parole à Christelle Dubos ; Adrien Taquet et Laurent Pietraszewski poursuivront et ensuite, j’inviterai Lucie Prusaz, présidente de l’AJIS, à poser la première question.

Je vous remercie.

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