Séminaire « Réussir la mise en œuvre de la stratégie pauvreté »

Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les responsables associatifs et syndicaux,
Monsieur le délégué, cher Olivier NOBLECOURT,
Mesdames et Messieurs,
Chers tous,

Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, pour clore vos échanges, pour parler de lutte contre la pauvreté et mesurer avec vous le chemin parcouru.

Vous m’avez remis le 15 mars dernier le résultat de vos réflexions et de la concertation conduite au niveau national et territorial.

Je veux vous remercier une nouvelle fois de votre engagement, de votre implication, du temps que vous avez donné. Je sais que cet engagement n’est pas une posture et que, chacun à votre place, vous faites avancer, souvent dans l’ombre et dans l’épaisseur de chaque jour, la lutte contre la pauvreté. Cette action au quotidien est importante car sans incarnation, sans geste concret et sans élan, la solidarité n’est qu’un vain mot.

Le temps ne s’est pas arrêté depuis le 15 mars. Et pourtant, je mesure votre impatience. Je la trouve légitime. Elle est le miroir de l’urgence dans laquelle vivent les personnes que vous aidez. Car la précarité est urgence. Elle est ce qui empêche de voir loin, d’imaginer, de se projeter.

Je ressens cette urgence et elle nous engage.

Mais, cette urgence ne doit pas être notre unique boussole et notre point d’arrivée. Nous devons viser une ambition de transformation et de renouvellement. C’est autre chose et c’est en réalité très difficile.
Que requiert une ambition de transformation ?

Elle requiert de la lucidité d’abord. Il faut avoir le courage de regarder en face ce que notre histoire, nos manières de faire, nos organisations, parfois nos meilleures intentions ont produit.

Elle requiert de la confiance ensuite.
Il ne s’agit pas de pointer du doigt ni de désigner tel ou tel coupable. C’est une fausse piste. La lucidité n’est pas une arme que l’on tourne les uns contre les autres, elle est une prise de conscience collective. Elle doit nous aider à avancer.

En matière de pauvreté, depuis quelques semaines, nous faisons le constat de notre impuissance à agir en amont des situations les plus difficiles, celles où il est en réalité déjà trop tard.

Comme en matière de santé, je le redis, il faut changer véritablement la donne et se dire que l’on n’a rien fait si l’on n’a pas mieux prévenu.

Élus nationaux et locaux, responsables associatifs, à l’image de tous les Français, nous sommes fiers de notre système de protection sociale. Il couvre les risques, il réduit les inégalités, il protège efficacement contre les aléas de l’existence et c’est énorme. Nous y consacrons des moyens importants, à la hauteur des enjeux.

Mais en contenant simplement la pauvreté, nous ne faisons pas le travail et cela aussi je le redis, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une situation dans laquelle, en France, plus qu’ailleurs, la pauvreté, frappe durement certains enfants, un jeune sur quatre, une famille monoparentale sur trois, et de plus en plus de salariés précaires rejetés durablement aux marges de l’emploi.

C’est ce qu’a rappelé le Président de la République lors de son discours de la Mutualité le 13 juin dernier. Notre modèle social reste encore trop engoncé dans des logiques de guichets qui stigmatisent ceux qui ont besoin d’aides au lieu de leur redonner confiance.

Les agents des caisses d’allocations familiales font un travail remarquable et reçoivent des milliers d’appels chaque jour.

Notre système d’aides sociales se singularise par sa complexité, qui résulte de dispositifs épars et difficilement lisibles. Cela entraîne un non-recours aux droits et aux services, nourrit la suspicion, les faux procès sur l’équité des prestations et sur la fraude. La solidarité nationale se nourrit de confiance et vit de réciprocité.

Combien de femmes isolées, de mères célibataires, de salariés pauvres renoncent encore aujourd’hui à leurs droits parce qu’ils ne les connaissent pas, parce que leur accès est trop complexe ou même parce qu’ils ont honte de demander et de raconter dix fois, vingt fois l’histoire de leur pauvreté ? A-t-on jamais pris le temps d’évaluer le gâchis d’une telle situation ?

La transformation que nous allons porter, cette volonté que nous avons de parvenir à lutter plus efficacement contre la pauvreté suppose de dépasser les clivages et de nous interroger sur l’efficacité de nos dispositifs. En matière de lutte contre la pauvreté, être efficace n’est pas un gros mot et le résultat n’est pas une ornière à laquelle il s’agirait de ne pas s’arrêter. Tout au contraire.

Il faudra pousser les feux sur ce qui marche et a fait ses preuves, ailleurs :

  Donner la priorité à l’investissement social et à la prévention en concentrant les moyens sur les enfants et les jeunes ;
  Accompagner les personnes en situation de pauvreté en favorisant leur autonomie.

Cet accompagnement, le Président de la République l’a rappelé, constitue le complément indispensable à notre système d’aides sociales. Mieux encore, en permettant aux personnes de comprendre leurs droits et en les aidant à effectuer leurs démarches, il participe de la lutte contre le non-recours comme l’avaient rappelé Matthieu Angotti et Aurore Bergé dans le rapport qu’ils m’avaient remis. Cet accompagnement, c’est la clef de la transformation de notre modèle social, pour redonner à chacun les clefs de son parcours.

C’est pourquoi cette stratégie portera pour ambition de garantir un accompagnement de qualité à toutes les personnes en situation de précarité sur l’ensemble du territoire.

Avec les départements, nous allons ainsi travailler à orienter le plus rapidement possible et de manière personnalisée les personnes afin de leur proposer l’accompagnement le plus adapté à leurs besoins. Conjointement avec la ministre du travail, nous allons chercher à traiter les besoins de la personne dans sa globalité pour que chacun puisse bénéficier d’une perspective d’emploi sans négliger ses autres besoins.

Pour nos concitoyens les plus en difficultés, cette émancipation sociale nécessite un accompagnement global et bienveillant dont vous avez présenté les contours Monsieur Soulage.

La croissance économique est de retour et tout l’enjeu est là : faire en sorte que ce retour de la croissance profite d’abord et aussi aux plus fragiles.

Pour atteindre ces objectifs, nous devons transformer nos pratiques et nos manières de penser.

Vous avez présenté Madame Pillot les enjeux de notre projet de contractualisation entre l’Etat et les collectivités.

Nous proposons de définir les grands axes qui seront portés par les acteurs des territoires, avec l’objectif de mobiliser toutes les parties prenantes.

Cette association de l’ensemble des parties prenantes est une condition nécessaire à la réussite de cette stratégie et votre intervention Madame Bonjour met bien en lumière toute l’importance d’organiser la participation des personnes concernées à tous les niveaux pour que chacun puisse être acteur de son parcours.

Bien sûr, nous renforcerons la présence des personnes concernées dans l’ensemble des instances de décision et de construction des politiques publiques. Mais ce n’est pas tout. Nous devons œuvrer aussi à développer le pouvoir d’agir de chacun de nos concitoyens. Dans les quartiers, dans les associations, dans les lieux de vie, je souhaite que chacun puisse trouver sa place, prendre la parole, s’exprimer, porter des initiatives et construire son projet de vie…

Enfin, cette stratégie accordera une large place au soutien aux initiatives des territoires et à l’expérimentation. Elle développera cette culture de la preuve qui doit s’attacher à toute politique publique, avec des indicateurs et des évaluations pilotés par un conseil scientifique qui est déjà au travail et auquel je vous remercie d’apporter votre expertise Monsieur Vignon.

Je souhaite que la stratégie pauvreté puisse être mise en œuvre de manière accélérée et renforcée dès l’automne sur une dizaine de territoires démonstrateurs. Vous avez présenté Monsieur Chaufour l’intérêt et la pertinence d’impulser cette dynamique en associant au plus près les collectivités : les métropoles, mais aussi les communes de toutes tailles, les conseils départementaux et les régions.

Mesdames, messieurs, à quelques semaines des annonces du chef de l’Etat, je souhaite vous adresser mes plus vifs remerciements pour votre présence aujourd’hui et surtout vous redire combien je compte sur vous pour porter haut notre ambition et faire vivre la solidarité.

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