Bulletin Officiel n°98/17Direction générale de la santé
Bureau VS 3

Avis du 17 mars 1998 du conseil supérieur d'hygiène publique
de France (section de l'alimentation et de la nutrition)

SP 4 437
1118

NOR : MESP9830155V


(Texte non paru au Journal officiel)
RECOMMANDATIONS SUR LA DIOXINE

Les données expérimentales obtenues chez l'animal montrent sans équivoque que les dioxines sont des agents cancérigènes, qui, de plus, et parfois à de faibles doses, provoquent des effets toxiques divers sur la reproduction, l'immunité et le système nerveux. Chez l'homme, les données épidémiologiques sont difficilement interprétables du fait notamment d'expositions complexes. Seul l'effet cancérigène de la 2, 3, 7, 8 TCDD a été confirmé (IARC 1997), les autres effets étant transitoires ou sujets à des interprétations peu conclusives.
Les sources d'émission sont multiples, variées, et incomplètement connues. D'après des données publiées en Europe, depuis la fin des années soixante dix, l'amélioration des procédés industriels et l'abandon de certaines fabrications ont conduit à une diminution globale des émissions. Cependant cette évolution globale reste à être confirmée en France, et surtout n'exclut pas des situations locales particulières.
Dans ce contexte, le conseil confirme les valeurs maximales tolérables proposées par le CSHPF en 1991 et confortées depuis par des résultats expérimentaux :

L'exposition journalière moyenne en France peut être estimée d'après le nombre limité d'éléments disponibles de 1 à 5 pg TEQ/kg. Cependant, du fait de leur faible poids corporel, certains enfants consommateurs de produits contaminés peuvent dépasser 10 pg TEQ/kg/j.
Dans d'autres pays européens, d'après les données disponibles, les niveaux d'exposition les plus élevés concernent les enfants nourris au lait humain qui peuvent ingérer des doses de 100 à 400 pg TEQ/kg/j.
Il s'agit donc d'une part de prendre des mesures visant à réduire le risque par une diminution des émissions et d'autre part de développer des études permettant une meilleure évaluation du risque en France.
Sous l'autorité du Conseil, est mise en place une structure de veille chargée, d'une part, de l'informer des résultats des travaux en cours sur l'exposition des populations ainsi que des recherches épidémiologiques et scientifiques, d'autre part de proposer des recommandations.
Dans l'état actuel des informations recueillies, le conseil propose les recommandations suivantes :
Pour mieux apprécier le risque santé publique lié aux dioxines en France, il s'agit :
1° d'obtenir des données sur les niveaux d'exposition de différents segments de la population ;
2° de mieux cerner les effets toxicologiques de ces composés chez l'homme. Ce dernier point concerne à la fois les études épidémiologiques et une meilleure extrapolation à l'homme des résultats obtenus sur différentes espèces animales modèles.
Pour atteindre ces objectifs, des actions devront être développées ou soutenues dans les domaines relevant de plusieurs organismes ou structures.
1. Propositions concernant les études de terrain :

  • mesures de dioxines dans les aliments, en particulier ceux d'origine animale et des produits de la mer ;

  • mesures de dioxines dans le lait, le sang et le tissu adipeux, à la fois dans la population générale et en fonction de paramètres d'exposition supposés ;
  • études épidémiologiques incluant des marqueurs d'exposition (par exemple teneurs en dioxines dans les lipides sanguins), chez les individus ayant consommé sur de longues périodes du lait et des produits laitiers issus de fermes contaminées.
  • 2. Propositions concernant la recherche :

    Le Conseil insiste sur la nécessité de soutenir ces recherches de façon à maintenir en France un niveau d'expertise comparable à celui d'autres pays européens.
    3. Propositions concernant l'alimentation :
    Le lait est à la fois un aliment de base et un indicateur de contamination de l'environnement. De ce fait des valeurs guides ont été proposées prioritairement :

    Pour les autres aliments, la section Alimentation et Nutrition est sollicitée pour faire des propositions sur l'établissement de valeurs guides.
    4. Propositions concernant l'environnement :
    Le cadre général de la réduction des sources a été fixé par un programme cadre de la Commission de la communauté européenne en 1993, fixant comme objectif une diminution de 90% des émissions de dioxines en 2005 par rapport à 1985. Des valeurs limites ont été fixées ou sont en cours de discussion pour un certain nombre d'activités. En France, une valeur limite de 0,1 ng/Nm3 a été fixée pour l'incinération des déchets industriels spéciaux en 1996, et pour l'incinération des ordures ménagères en 1997, pour les nouvelles installations.
    En effet, l'incinération des ordures ménagères apparaît comme une source importante d'émission de dioxines et des propositions peuvent d'ores et déjà être formulées concernant les installations existantes :

    Si, pour des raisons historiques, les risques liés aux incinérateurs sont relativement bien connus, il n'en est pas de même pour les autres techniques de traitement des déchets.
    En conséquence, le Conseil propose les recommandations suivantes :

    Le traitement thermique des ordures ménagères n'étant pas la seule source de production de dioxines, il est nécessaire d'avoir une réflexion plus large sur les autres activités génératrices. Cela entraîne les recommandations suivantes :

    Cet avis ne peut être diffusé que dans sa totalité, sans suppression ni ajout.