Bulletin Officiel n°98/22Direction générale de la santé

Avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France du 14 octobre 1997 sur la toxicologie de l'amiante spécifique au tube digestif (section de l'alimentation et nutrition)

SP 4 437
1411

NOR : MESP9730765V


(Texte non paru au Journal officiel)

Lors de la séance du 14 octobre 1997, la section alimentation et nutrition du Conseil supérieur d'hygiène publique de France a examiné le dossier suivant : toxicologie de l'amiante spécifique au tube digestif.
Elle a émis l'avis suivant :
« L'amiante regroupe des minéraux de la famille des serpentines (ex. : chrysotile) et des amphiboles (ex. : actinolite, amosite, anthophyllite, crocidolite et trémolite).
« Chez les rongeurs, tous ces types d'amiante sont cancérogènes lorsqu'ils sont administrés par inhalation ou par voie intrapleurale, et les principaux représentants utilisés par l'industrie sont également reconnus comme des cancérogènes pour l'homme depuis 1982.
« En dehors des cancers du poumon et des mésothéliomes, considérés comme caractéristiques de l'exposition à l'amiante, des cancers du tractus digestif (estomac, intestin grêle, côlon, rectum) et des organes annexes (foie, vésicule biliaire) sont fréquemment rencontrés chez les travailleurs exposés. En revanche, le chrysotile, l'amosite et la crocidolite n'exercent pas d'effet cancérogène ou co-cancérogène, en cas d'administration orale, à long terme et à forte dose, dans le régime chez les rongeurs.
« La population générale est potentiellement exposée à l'amiante par ingestion de l'eau du réseau de distribution, de boissons et aliments au contact d'adhésifs et de résines de polyester armées, ainsi que de diverses préparations pharmaceutiques et dentaires. La Food and Drug Administration (FDA) n'a pas statué sur les niveaux de contamination tolérables dans les denrées alimentaires, considérant que ces derniers sont suffisamment faibles pour ne pas entraîner de risque de santé publique.
« L'amiante peut se retrouver dans l'eau de distribution par contamination des nappes phréatiques, d'une part, par contact avec des dépôts naturels d'amphiboles ou de serpentines ainsi qu'avec des décharges de déchets d'amiante et, d'autre part, par relargage des fibres contenues dans les canalisations en amiante-ciment. Les études portant sur l'incidence des cancers, et notamment des cancers digestifs, en liaison avec la présence de fibres d'amiante dans l'eau menées depuis plus de vingt ans en Amérique du Nord n'ont pas mis en évidence d'association positive très nette entre la survenue des cancers digestifs et la teneur en fibres de l'eau de boisson. En 1982, l'Agence internationale de recherches sur le cancer n'a pas conclu à l'existence d'un effet cancérogène chez l'homme de l'amiante ingéré avec l'eau de boisson. L'Organisation mondiale de la santé a émis un avis identique en 1996 et n'a pas établi de valeur guide pour les fibres d'amiante dans l'eau.
« Considérant :
« 1. L'absence de données épidémiologiques suffisamment probantes à l'heure actuelle ;
« 2. Les données négatives de l'expérimentation animale,
« La toxicité et, plus particulièrement, le pouvoir cancérogène des différents types d'amiante ingérés avec l'eau de boisson et avec les aliments sont, s'ils existent, très faibles.
« Toutefois, compte tenu du temps de latence particulièrement élevé (> 20 ans) des effets toxiques des fibres et du caractère progressif de leur relargage par les canalisations au fur et à mesure de leur vieillissement, il conviendrait de :
« 1. Dresser un état des lieux des canalisations et des ouvrages de distribution des eaux en amiante-ciment (étendue, âge, état) ;
« 2. Mettre en place une surveillance régulière de la teneur en amiante des eaux de distribution ;
« 3. Développer des enquêtes épidémiologiques portant sur les effets éventuels de cette source de contamination en liaison avec l'état du réseau de distribution.
« Dans l'état actuel des connaissances, il faut veiller à ne pas augmenter l'exposition humaine en limitant les sources ponctuelles de contamination, notamment par la surveillance des mises en décharge des déchets d'amiante, et la non-utilisation de procédés de filtration à base d'amiante dans le domaine agroalimentaire ».