Bulletin Officiel n°98/24

Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail

SS 1 132
1553

NOR : CSCL9803026X

(Journal officiel du 14 juin 1998)


II. - Sur le respect des dispositions relatives
aux lois de financement de la sécurité sociale

A. - Comme il a été indiqué plus haut, l'article 3 de la loi entend favoriser la réalisation de l'objectif de réduction négociée du temps de travail en prévoyant un dispositif d'aide financière. Cette aide prendra, suivant les dispositions du VI de cet article, la forme d'une exonération partielle calculée globalement sur le montant des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
Observant que ce dispositif aura ainsi une incidence sur les montants des recettes encaissées par les régimes de sécurité sociale, les requérants en déduisent que la loi qu'ils contestent, et qui n'a pas le caractère d'une loi de financement de la sécurité sociale, a été adoptée en méconnaissance des dispositions régissant cette catégorie de lois.
B. - Cette critique n'est pas fondée.
1. Aux termes du deuxième alinéa du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, « seules les lois de financements peuvent modifier les dispositions prévues en vertu des 1° à 5° du I ». Le 1° du I prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale de l'année « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».
Ayant à préciser la portée de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a entendu éviter les effets qu'une interprétation trop contraignante aurait eus sur le pouvoir du législateur ordinaire. Il a donc transposé aux finances sociales sa jurisprudence issue de la décision n° 78-95 DC du 27 juillet 1978 concernant les lois de finances. Le Conseil a ainsi jugé que l'exigence tirée du deuxième alinéa du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale fait seulement obstacle à ce que les conditions générales de l'équilibre financier définies par la loi de financement de la sécurité sociale soient compromises par des charges nouvelles résultant de textes dont les incidences sur les conditions de cet équilibre n'auraient pu être prises en compte par une loi de financement (n° 97-388 DC du 20 mars 1997).
En d'autres termes, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire au législateur ou, dans le cadre de sa compétence, au Gouvernement, d'adopter des mesures pouvant avoir une incidence sur les recettes ou les dépenses des régimes de sécurité sociale : seul un texte remettant en cause de manière directe et certaine les objectifs prévus par le 1° du I de l'article LO 111-3 pourrait soulever une difficulté au regard de ces exigences, s'il n'était pas précédé d'une loi de financement rectificative ou adopté dans les formes requises pour ce type de loi.
2. Tel n'est pas le cas du texte déféré. Non seulement, en effet, il n'implique aucun bouleversement de ces objectifs, mais surtout, sa mise en oeuvre ne se traduira, en réalité, par aucune incidence sur la masse des ressources des régimes sociaux. En effet, le montant des cotisations non versées en 1998 par les employeurs bénéficiant de l'aide instituée par l'article 3 de la loi déférée sera intégralement prise en charge par le budget de l'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, dont la loi n'affecte nullement la portée.
La mise en oeuvre de cette aide en 1998 s'analyse donc comme un transfert d'une partie du poids des cotisations des employeurs bénéficiaires de l'aide vers l'Etat qui en assurera la prise en charge.
Ainsi, la prévision de montant de cotisations effectives, fixée par l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 à 1 034,1 MdF et incluant notamment les prises en charge par l'Etat des cotisations non versées par les employeurs (cf. annexe C, page 13, « Les catégories de ressources ») ne sera pas affectée.
Il est vrai que, pour les années ultérieures, le Gouvernement envisage que la prise en charge par l'Etat du montant des cotisations non versées par les employeurs au titre de l'aide considérée puisse être seulement partielle, afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale. Mais la loi déférée n'introduit, quant à elle, aucune modification au dispositif de remboursement intégral. Une telle modification ne pourra intervenir qu'après avoir fait l'objet d'une disposition figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, cette insertion faisant elle-même suite à une concertation avec les partenaires sociaux sur le taux et les modalités de cette compensation partielle.
Le grief manque donc en fait.