Bulletin Officiel n°98/46

Circulaire du 5 novembre 1998 relative à la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme

AM 3
2952

NOR : MENE9802712C

(Journal officiel du 10 novembre 1998)

Paris, le 5 novembre 1998.

La ministre de l'emploi et de la solidarité,le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense, la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire à Monsieur le directeur général de la police nationale, Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale, Monsieur le préfet de police, Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux et départementaux des affaires sanitaires et sociales, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux et départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, Mesdames les déléguées régionales aux droits des femmes, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du fonds d'action sociale, Mesdames les chargées de mission départementales aux droits des femmes, Mesdames et Messieurs les premiers présidents et procureurs généraux près les cours d'appel, Mesdames et Messieurs les recteurs d'académie, Mesdames et Messieurs les préfets de département, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux et départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse, Mesdames et Messieurs les présidents et procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, Mesdames et Messieurs les inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, Mesdames et Messieurs les inspecteurs de l'éducation nationale, Mesdames et Messieurs les chefs d'établissement, Mesdames et Messieurs les directeurs d'école
Le 10 décembre 1948, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Déclaration universelle des droits de l'homme était adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, réunie à Paris.
Malgré les tensions politiques très dures des débuts de la guerre froide, aucun des Etats membres de l'ONU ne devait voter contre ce texte proclamant les droits fondamentaux, inaliénables, de la personne humaine. Pour la première fois, un texte unique rassemblant des principes partagés devenait référence universelle et fixait, selon ses propres termes, « l'idéal commun à atteindre pour tous les peuples et toutes les nations », dans le droit-fil des principes de la Charte des Nations unies.
La France s'est trouvée intimement associée à cet acte fondateur à l'échelle du monde. Elle le doit à la contribution exceptionnelle de René Cassin au sein de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, présidée par Eleanor Roosevelt. Elle le doit aussi à son histoire, puisque la Déclaration universelle de 1948 prolonge en esprit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
L'éducation nationale souhaite prendre une part déterminante aux travaux de la mission pour la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mise en place par le Premier ministre et présidée par M. Robert Badinter, en partenariat avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme et les autres ministères concernés, parmi lesquels le ministère de l'emploi et de la solidarité, le ministère de la justice, le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense.
Tel est l'objet du présent texte.
La journée du 10 décembre 1998 doit donner lieu, dans tous les établissements scolaires, à un véritable travail en commun, en prenant largement appui sur les initiatives citoyennes.

I. - La journée des droits de l'homme à l'école
dans le cadre de l'apprentissage de la citoyenneté

Par-delà les choix pédagogiques qui présideront aux actions, on s'attachera d'abord à expliquer aux élèves la distance, pour eux incompréhensible, entre les principes affirmés par la Déclaration universelle des droits de l'homme et leur violation fréquente dans de nombreux pays. Il conviendra de veiller à ne pas les laisser gagner par le scepticisme face au choc de l'actualité. L'histoire montre que le combat pour les droits de l'homme a souvent eu, quand les peuples l'ont voulu, une issue positive. Il n'y a pas de fatalité : la lutte menée ces dernières années contre l'apartheid et la victoire de la démocratie, en Afrique du Sud, de même que la création récente d'une cour pénale internationale en sont le témoignage.
Les droits de l'homme sont fortement présents dans les programmes d'enseignement de l'école, du collège et du lycée :

C'est dès l'école primaire qu'il convient d'exposer aux élèves le sens et la portée contemporaine de cette notion, en leur expliquant qu'elle concerne l'homme, la femme et l'enfant ;
- au collège, les déclarations de 1789 et de 1948 constituent des documents de référence obligatoire en éducation civique ; les programmes d'histoire et de géographie des classes de quatrième et de troisième accordent, quant à eux, une large part aux droits de l'homme ;
- au lycée, ce sont les classes de seconde et de première qui étudient ce thème en histoire-géographie. Enfin, l'éducation à la citoyenneté, enseignée à titre expérimental cette année, comporte un volet relatif aux droits de l'homme.
Un certain nombre de thèmes, directement liés aux droits de l'homme, peuvent utilement enrichir les réflexions menées autour de la commémoration de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Ainsi, le milieu scolaire participe à la « journée du refus de la misère » le 17 octobre, en traitant des différents aspects de l'exclusion. De même, l'approche des droits de l'homme par l'étude et l'analyse de la convention des droits de l'enfant, à l'occasion de la journée du 20 novembre, est une démarche toujours appréciée des élèves. Une semaine est, en outre, consacrée au mois de mars à l'éducation contre le racisme et donne lieu à des débats, en partenariat avec un grand nombre d'associations. Par ailleurs, depuis 1984, le 27 avril de chaque année, ou, à défaut, le jour le plus proche, une heure doit être consacrée dans les écoles primaires, les collèges et les lycées de la République à une réflexion sur l'esclavage et son abolition. En 1998, notamment, le 150e anniversaire de l'abolition définitive de l'esclavage par la République française a donné lieu à de nombreuses initiatives dans les établissements scolaires.
Enfin, débattre des droits des femmes, des discriminations ou des exclusions dont elles sont frappées encore aujourd'hui, comme l'actualité le démontre de manière particulièrement dramatique en Afghanistan, est, plus que jamais, une démarche à privilégier.
Si ces exemples témoignent de l'engagement permanent de la communauté éducative dans la défense des droits essentiels de la personne humaine, la journée du 10 décembre 1998 doit cependant constituer le point d'orgue de l'ensemble de ces manifestations et revêtir, à ce titre, un éclat particulier.
Afin d'accompagner les travaux que les élèves accompliront autour de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais aussi de marquer l'année du cinquantenaire, le Centre national de documentation pédagogique consacre le numéro de la revue Textes et documents pour la classe du 1er novembre 1998 à la Déclaration de 1948 : il en retrace la genèse dans le contexte international de l'époque et en précise la portée. Ce numéro, qui comporte une importante bibliographie, est diffusé à tous les établissements d'enseignement des premier et second degrés. A cet envoi sont ajoutées, à destination des classes, des affiches reprenant le texte intégral de la Déclaration de 1948. Par ailleurs, il peut servir de socle de documentation commun à tous les intervenants extérieurs sollicités par les établissements scolaires autour du 10 décembre.

II. - La mobilisation des partenaires à l'occasion
de la journée du 10 décembre 1998

Pour illustrer la contribution de nombreuses professions ou associations au respect et à la promotion des droits de l'homme, les enseignants qui le souhaitent pourront utilement, à l'occasion de ce cinquantenaire, s'appuyer sur des partenaires extérieurs, parmi lequels les services de l'Etat, les associations et, bien évidemment, les membres du Parlement. Ces échanges peuvent avoir lieu soit dans le cadre de l'établissement, soit à l'occasion de journées de rencontre proposées par ces partenaires.

II-1. La contribution des différents partenaires

Les fonctionnaires de différents services de l'Etat - police, gendarmerie, justice, affaires sanitaires et sociales, droits des femmes - ou de certains établissements publics (FAS) illustreront, à travers leur expérience professionnelle, les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

II-1.1. Ministère de l'emploi et de la solidarité

A l'occation de la Journée nationale des droits de l'enfant, un rapport sur l'application des droits de l'enfant en France sera présenté le 20 novembre prochain. De nombreuses collectivités locales (départements et communes) réalisent des actions sur le thème des droits de l'enfant et pourront utilement être sollicitées dans le cadre de la journée du 10 décembre 1998.
Par ailleurs, les personnels des services déconcentrés du ministère, tant au plan régional que départemental, pourront être mobilisés afin de montrer comment la mise en oeuvre des droits sociaux élémentaires permet à chaque individu de mieux s'insérer dans la société. La présentation des grandes lignes de la loi d'orientation de lutte contre les exclusions fournit un exemple précis de ce qui peut être fait en ce domaine. Ils pourront également démontrer comment l'Etat protège concrètement des droits fondamentaux comme la liberté syndicale, l'égalité entre les hommes et les femmes, l'intégrité de la personne humaine.
Il convient également de rappeler l'engagement fort du milieu associatif dans la défense des droits de l'homme, notamment dans la protection de l'enfance. La mobilisation des associations nationales et régionales doit permettre de nourrir les réflexions conduites sur l'actualité de la Déclaration universelle.

II-1.2. Ministère de la justice

La Constitution de 1958 fait de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles. En leur qualité de praticien du droit, dont la mission fondamentale est la protection des droits de la personne, les magistrats ainsi que les avocats sont des intervenants précieux et naturellement désignés pour débattre de ces valeurs avec les jeunes.
Il est donc souhaitable que, dans le ressort de chaque cour d'appel, les chefs de juridiction, en coordination avec les bâtonniers, organisent l'intervention de magistrats et d'avocats dans les établissements scolaires. Ils constituent ainsi les interlocuteurs privilégiés des inspecteurs d'académie.

II-1.3. Ministère de l'intérieur

La police nationale apportera son concours aux manifestations qui seront organisées dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes aux différents aspects des droits de l'homme. A cet égard, il sera rappelé que la sûreté, qui est une des missions principales des policiers, représente l'une des premières libertés individuelles, sans laquelle aucun droit s'attachant à la personne humaine ne peut être garanti.
Il sera expliqué aux élèves comment cette liberté s'exerce dans le cadre des lois en vigueur et comment chaque citoyen a pour devoir de contribuer à la mise en oeuvre de cette liberté fondamentale.
Les correspondants police-jeunes en poste dans chaque circonscription de sécurité publique ainsi que les référents police-jeunes en poste dans les directions départementales de sécurité publique pourront être utilement sollicités : ce sont les interlocuteurs privilégiés, tant des chefs d'établissement que des jeunes eux-mêmes.
En outre, des contacts pourront être également pris avec les préfectures pour que celles-ci, en fonction des possibilités, apportent leur concours sur les thèmes fondamentaux suivants :

II-1.4. Ministère de la défense

La gendarmerie sera associée à la journée du 10 décembre. Militaires, officiers et sous-officiers participeront aux séances organisées au sein des établissements scolaires en développant essentiellement les thèmes suivants :

Ce sont les commandants de groupement, chargés de désigner les militaires, qui représentent le relais approprié. Ils pourront également faire intervenir des militaires ayant participé à des opérations extérieures (Haïti, Bosnie...) qui matérialisent l'engagement de la défense dans la sauvegarde des droits de la personne humaine à travers le rétablissement de la paix.

II-2. La coordination des différentes interventions

Afin de respecter une cohérence d'ensemble dans les interventions, il reviendra aux inspecteurs d'académie, en liaison avec les autorités préfectorales, d'en assurer la coordination au niveau de chaque département. Ils susciteront des réunions préparatoires avec les représentants des services de l'Etat concernés, destinées à organiser conjointement ces actions : répartition des interventions selon les demandes des établissements, contenu des thèmes et des débats retenus et concertation entre les équipes éducatives et les intervenants. Ces derniers disposeront, le cas échéant, d'une documentation préparée par leur administration d'origine.
Ainsi, grâce à cette convergence d'expériences professionnelles complémentaires, élèves et enseignants pourront relier les principes de la défense des droits de l'homme à la vie quotidienne de notre pays.

III. - Autres événements liés à la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme
III-1. Concours René Cassin

La célébration des droits de l'homme en France conduit nécessairement - surtout dans les nombreux établissements scolaires portant son nom - à l'évocation de René Cassin, exemple de la résistance à l'oppression au sein de la France libre, dont il fut un des premiers adhérents et voix des droits de la personne humaine. C'est lui qui fut, par la suite, l'inspirateur et le principal rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Un concours national René Cassin invite, depuis des années, les élèves à réfléchir aux principes et valeurs qu'il défendait : la session de 1998 fera l'objet d'une mise en valeur exceptionnelle. Les classes lauréates seront invitées à Paris, à l'occasion des différentes manifestations organisées en vue de la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et, notamment, au Palais de Chaillot, le 10 décembre 1998. Pour l'édition 1998-1999, qu'il convient de porter à la connaissance de tous les enseignants, la réflexion suivante est proposée aux élèves : « Où en sont les droits de la personne humaine, cinquante ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme ? »

III-2. Colloques

Plusieurs colloques internationaux relatifs aux droits de l'homme jalonnent le dernier trimestre de l'année 1998. Les contenus et conclusions de ces colloques, qui rassemblent des personnalités et des intervenants de premier plan, sont de nature à aider les enseignants par leurs apports scientifiques et leurs réflexions actualisées.
C'est ainsi qu'un premier colloque, organisé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, s'est déroulé les 14, 15 et 16 septembre 1998 à la Sorbonne. Le texte des interventions peut être consulté sur Internet, en attendant la publication des actes. Par la suite, une série de huit autres colloques internationaux organisés par la mission Badinter se tiendra à l'automne 1998 dans des grandes villes de France (liste en annexe). Une attention particulière doit être accordée au colloque de Bordeaux, consacré à l'éducation aux droits de l'homme.

III-3. Exposition

Enfin, une exposition documentaire a été réalisée, à la demande de la mission Badinter, par l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF). Composée de dix-huit affiches, elle présente la Déclaration universelle des droits de l'homme en la replaçant dans son contexte historique et en soulignant l'actualité de ses principes.
Transmettre aux jeunes générations les principes fondateurs de notre République est notre mission commune. C'est pourquoi la journée du 10 décembre s'inscrit pleinement dans le mouvement actuel de relance de l'éducation à la citoyenneté à l'école. C'est grâce à cette formation civique, pour laquelle l'ensemble de la communauté éducative doit se mobiliser, que l'école contribue à la construction et au renforcement des droits de la personne humaine afin de les inscrire, de manière permanente, au coeur de notre démocratie.

Le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie,
Claude Allègre
La ministre de l'emploi et de la solidarité,
Martine Aubry
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Élisabeth Guigou
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
ministre de l'intérieur par intérim,
Jean-Jack Queyranne
Le ministre de la défense,
Alain Richard
La ministre déléguée
chargée de l'enseignement scolaire,
Ségolène Royal
ANNEXE

LES COLLOQUES INTERNATIONAUX ORGANISÉS DANS LE CADRE DE LA CÉLÉBRATION DU CINQUANTENAIRE DE LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME

ParisCNCDH
14, 15 et 16 septembre
La Déclaration universelle, 1948-1998 : avenir d'un idéal commun.
Nantes25 et 26 septembreEnvironnement et droits de l'homme.
Bordeaux2 et 3 octobreEduquer et former pour les droits de l'homme.
Toulouse9 et 10 octobreDroits de l'homme et technologies de l'information et de la communication.
Lyon16 et 17 octobreRacisme et droits de l'homme : lutter contre l'intolérable, agir pour la tolérance.
Caen23 et 24 octobreBioéthique et droits de l'homme.
Grenoble6 et 7 novembreDroits de l'homme, droit d'asile : quelle protection pour les réfugiés ?
Lille13 et 14 novembreDroits sociaux et pauvreté.
Strasbourg20 et 21 novembreJuger les criminels contre l'humanité.
Pour tous renseignements sur les colloques de :
- Nantes, Toulouse, Grenoble et Strasbourg, contacter la mission Badinter au 01-43-17-78-40 ;
- Bordeaux, Lyon, Caen et Lille au 01-43-17-79-20.
Pour tous renseignements sur l'exposition documentaire, contacter les services de l'ADPF au 01-43-17-79-53 (M. Ghislain de La Hitte).
Pour tous renseignements sur le colloque et l'action de la Commission nationale consultative des droits de l'homme : www.cncdh.org.
Pour tous renseignements sur l'ensemble du programme proposé par la mission Badinter : www.droithomme.gouv.fr.