Bulletin Officiel n°98/47Direction générale de la santé
Sous-direction santé des populations
Bureau de la santé mentale,
des toxicomanies et des dépendances

Note de service DGS/SP 3 n° 98-659 du 5 novembre 1998 relative à la révision des projets thérapeutiques des centres spécialisés de soins aux toxicomanes

SP 4 433
2984

NOR : MESP9830471N

(Texte non paru au Journal officiel)

Référence : décret n° 92-590 du 29 juin 1992.

La ministre de l'emploi et de la solidarité à Mesdames et Messieurs les préfets de département (direction départementale des affaires sanitaires et sociales [pour exécution]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (direction régionale des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (pour information) En application de l'article 3 du décret n° 92-590 du 29 juin 1992 relatif aux centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST), qui prévoit que les projets thérapeutiques des structures sont établis pour une durée de cinq ans à l'issue de laquelle ils peuvent être révisés à l'initiative de l'organisme gestionnaire ou sur demande du préfet, la majorité des CSST ont entrepris ou projettent une révision de leur projet thérapeutique.
La présente note a pour objet de :

  • clarifier la portée juridique de cette obligation ;

  • donner des orientations relatives au fonctionnement des CSST en ambulatoire et avec hébergement ;
  • informer les centres spécialisés de soins aux toxicomanes et les équipes hospitalières intéressées de l'inclusion dans le programme hospitalier de recherches cliniques en 1998 du thème des dépendances.
  • Cette possibilité de soumission de projets de recherche clinique dans ce cadre doit être exploitée par les centres spécialisés de soins aux toxicomanes en lien avec les centres hospitaliers et les centres d'investigations cliniques.
    L'intérêt du programme hospitalier de recherches cliniques est de prendre mieux en compte la spécificité clinique en matière d'indications de traitements de substitution, d'interactions médicamenteuses, de protocole de prise en charge.
    Toutes les informations sont disponibles auprès de la direction des hôpitaux (M. Servant au 01-40-56-43-79) ou à la direction générale de la santé (D. de Galard, 01.40.56.56.23).

    I. - PORTÉE JURIDIQUE DE L'ARTICLE 3 DU DÉCRET

    Lorsque le CSST révise son projet thérapeutique de sa propre initiative ou à la demande du préfet, la convention se poursuit de droit (article 7 du décret du 29 juin 1992), sous réserve que le projet thérapeutique révisé recueille l'accord du préfet (article 3 du décret du 29 juin 1992).
    En revanche, lorsque le centre ne donne pas suite à une demande expresse de reconventionnement formulée par le préfet, ou en cas de désaccord du préfet sur le projet thérapeutique, la structure est passible des dispositions prévues à l'article 9 du décret du 29 juin 1992, c'est-à-dire que la convention peut être dénoncée dans les conditions prévues à l'article précité.

    II. - ORIENTATIONS RELATIVES
    AUX CENTRES DE SOINS EN AMBULATOIRE

    Ces dernières années ont été marquées par l'apparition de nouveaux types de consommation : polyconsommation d'alcool, de drogues illicites et de médicaments détournés de leur usage, mais aussi poursuite de la consommation de crack et accroissement des consommations d'ecstasy.
    Parallèlement, la mise sur le marché des traitements de substitution a induit une nette évolution des pratiques de soin et des modes d'intervention : intérêt d'une approche pluridisciplinaire sanitaire et sociale, nécessité d'accueillir la personne toxicomane sans préalable et sans jugement quel que soit le moment de son parcours, nécessité de traiter les comorbidités psychiatriques.
    Ces évolutions doivent être prises en compte dans les projets thérapeutiques à la fois pour ce qui concerne l'évolution qualitative des prestations et le fonctionnement des structures.

    1. Evolution qualitative des prestations
    Promouvoir la réduction des risques et l'accès aux soins

    Si la prévalence du VIH a diminué ces dernières années chez les usagers de drogues, ces derniers demeurent néanmoins, avec un taux de prévalence de 15 %, le deuxième groupe de transmission de cette infection. Avec un taux de 70 %, ils sont le groupe le plus exposé au VHC ; d'autres pathologies infectieuses, notamment le VHB, les atteignent de même fortement.
    La politique de réduction des risques et d'accès aux soins mise en oeuvre depuis plusieurs années a fait la preuve de son efficacité et doit faire l'objet d'une promotion soutenue dans tous les dispositifs auxquels s'adressent les toxicomanes. Ainsi que le souligne la circulaire DGS/div sida n° 98-72 du 4 février 1998, il convient de favoriser l'émergence d'une véritable culture de réduction des risques dans les centres spécialisés de soins aux toxicomanes, auxquels leur présence sur l'ensemble du territoire confère un rôle déterminant dans les contacts avec les usagers de drogues.
    La démarche d'action au plus près du terrain et des populations précarisées menées par les structures de premier contact (boutiques, bus...) doit pouvoir trouver des relais et un prolongement dans le dispositif spécialisé afin d'éviter que ne s'installe un cloisonnement du dispositif global entre, d'une part, un dispositif léger de réduction des risques s'adressant aux plus marginalisés et, d'autre part, un dispositif de soins centrés sur la prise en charge des toxicomanes mieux insérés.
    Aussi convient-il de soutenir tout ce qui est de nature à améliorer la fluidité de l'ensemble et de mobiliser tous les acteurs dans cette démarche. Le dispositif spécialisé doit être invité à développer lui aussi, en complément de ses fonctions de suivi médical et psycho-social, les outils de réduction des risques et d'accès aux soins, et les projets thérapeutiques de certains centres, notamment dans les grandes agglomérations, devront être revus dans ce sens.

    Améliorer la fonction sociale des centres

    Souvent, les CSST en ambulatoire qui ont pourtant une mission médicale, psychologique et sociale, fournissent des prestations sociales insuffisantes. Ainsi, 8 % de patients sous méthadone ne disposent d'aucune couverture sociale, après plus de six mois de traitement (1), et les CSST avec hébergement signalent que plus de 15 % des résidents arrivent dans les structures sans couverture sociale.
    Il importe donc que les centres réalisent un effort dans ce domaine. Il entre en particulier dans leurs missions de prendre en compte la situation sociale des personnes accueillies aussi bien en ce qui concerne l'ouverture des droits sociaux ou leur couverture sociale que l'obtention d'un logement ou l'accès à une formation ou à un emploi.
    Les rapports d'activité type prévoient en particulier un suivi de cette dimension sociale.

    Renforcer la prise en charge
    des personnes toxicomanes en milieu carcéral

    Compte tenu de l'importance de la population concernée, les interventions des centres spécialisés de soins aux toxicomanes en milieu pénitentiaire s'avère très insuffisante, au regard de leurs missions.
    Afin de renforcer la prise en charge sanitaire et sociale des personnes dépendantes, il est nécessaire que les centres spécialisés interviennent davantage en milieu pénitentiaire et ne se limitent pas à des visites aux personnes déjà connues avant leur incarcération.
    Il faut que les actions menées puissent garantir la continuité des soins, la préparation à la sortie dans le cadre d'un travail en réseau avec les équipes socio-éducatives pénitentiaires, les secteurs de psychiatrie, les unités de consultation et de soins en ambulatoire (UCSA) et les différents services sociaux spécialisés ou non.

    2. Evolution du fonctionnement

    L'ensemble des évolutions précitées conduit à concevoir les CSST comme les partenaires d'un large réseau sanitaire et social au sein duquel ils ont vocation à diffuser un savoir-faire spécialisé (c'est la fonction du « pôle ressources ») et bénéficier d'échange de compétence.

    Développer une fonction de pôle ressource

    De nombreux médecins généralistes ne peuvent pas assurer un suivi psycho-social de leurs patients toxicomanes. Par ailleurs, d'autres professionnels sanitaires et sociaux du dispositif de droit commun connaissent des difficultés pour appréhender la problématique des personnes toxicomanes. Aussi est-il nécessaire que les centres de soins en ambulatoire puissent leur apporter des prestations de soutien. De même, pour les traitements par la méthadone et en fonction des situations cliniques et sociales, il est primordial d'organiser de manière beaucoup plus fréquente, un relais de la prise en charge en ville afin de permettre d'une part, une rotation des patients et permettre ainsi un accès plus large à ce type de traitement, d'autre part, permettre au patient d'acquérir davantage d'autonomie, le centre restant selon les situations psycho-sociales un soutien pour le professionnel en ville.
    Cette mission, conforme aux missions des CSST telles quelles résultent du décret du 29 juin 1992, a parfois été développée dans le cadre des réseaux. Elle doit aujourd'hui se structurer et se généraliser afin que soit organisée une véritable pluri-disciplinarité dans les prises en charge en toxicomanie. A cet effet, il serait utile que les projets thérapeutiques des centres prévoient l'établissement de conventions de partenariat avec les acteurs suivants : réseaux de médecins généralistes, CHRS, foyers maternels, centres sociaux, établissements pénitentiaires, PJJ, secteur de psychiatrie, secteurs de l'insertion professionnelle...

    Prendre en compte des comorbidités psychiatriques

    L'émergence de troubles psychiatriques chez certaines personnes sous traitement de substitution, la consommation de produits tels le crack ou l'association de certains médicaments psychotropes détournés de leur usage ont des conséquences qui nécessitent dans certains cas une intervention psychiatrique. Le plus souvent, les équipes spécialisés en toxicomanie n'ont pas les compétences nécessaires pour réaliser face à ces troubles psychiatriques une intervention efficace et de qualité.
    Par ailleurs, l'intervention des secteurs de psychiatrie se réalise rarement pour diverses raisons :

    Il est donc nécessaire de décloisonner les deux dispositifs. Dans le cadre de la révision des projets thérapeutiques, les CSST confrontés à ces difficultés doivent prévoir l'instauration de conventions de partenariat avec le secteur public de psychiatrie.

    Prendre en compte des polytoxicomanies,
    et des nouveaux modes de consommation

    Une partie de la population des moins de vingt ans présente des comportements de consommation qui se caractérisent principalement par une consommation « toxicomaniaque » d'alcool, ou par une consommation d'ecstasy au cours de soirées raves licites ou illicites. Ces types de consommation s'inscrivent dans un mouvement de recherche de défonce dans un contexte festif et collectif et ne coïncide pas avec l'identité du toxicomane héroïnomane connue et repérée depuis les années 1970. Ces problématiques doivent donc faire l'objet d'une réflexion spécifique.
    Les études relatives au phénomène de l'ecstasy montrent que :