Bulletin Officiel n°2000-3Direction générale de la santé
Sous-direction de la veille sanitaire
Bureau de la radioproduction (VS 5)

Avis du 15 décembre 1999 du conseil supérieur d'hygiène publique de France (section de la radioprotection), relatif au concept de dose efficace

SP 4 436
239

NOR : MESP9930646V


(Texte non paru au Journal officiel)

La dose efficace est un concept permettant une gestion simple de la radioprotection. Il s'agit d'une grandeur calculée, servant d'indicateur pondéré de l'exposition des personnes aux rayonnements ionisants. L'unité utilisée est le sievert (Sv). La signification de ce concept est souvent mal comprise.

I. - LE CONCEPT

Le concept de dose efficace est employé dans deux contextes bien distincts :
Dans le domaine des fortes doses et forts débits de dose, le concept de dose efficace repose sur des bases scientifiques essentiellement obtenues à partir d'études épidémiologiques, conduites sur des populations irradiées. Dans ce contexte, on a pu établir des relations quantitatives entre la dose et le risque (essentiellement les risques de cancers) ;
Le concept de dose efficace répond également à un besoin de quantification dans le domaine de la radioprotection et de la réglementation. Dans ce domaine où les débits de dose sont de plusieurs ordres de grandeur plus faibles, il n'existe pas de données scientifiques validées et le concept de dose efficace repose sur l'hypothèse majorante (et scientifiquement controversée) d'une relation linéaire et sans seuil entre la dose et l'effet. Cette relation est établie en postulant un coefficient de risque identique à celui observé pour les fortes doses ;
La dualité du concept est à l'origine de fréquentes confusions.

II. - LE CALCUL

Le calcul de la dose efficace est simple. Il se fait à partir de trois paramètres : la dose absorbée, un coefficient Wr prenant en compte la nature et l'énergie du rayonnement, et un coefficient Wt prenant en compte la radiosensibilité des tissus et organes irradiés. L'unité utilisée, le sievert, se veut universelle quels que soient le débit de dose (1), la dose, la qualité du rayonnement, l'âge et les autres facteurs de sensibilité individuelle aux rayonnements.

III. - SIGNIFICATION DU SIEVERT

La dualité du concept explique que l'indicateur ainsi calculé n'a pas la même signification selon que l'on se situe dans le domaine des fortes doses de forts débits de dose, ou dans celui des faibles doses et/ou faibles débits de dose. On peut schématiquement distinguer trois situations :
1. Domaine de doses et débits de doses élevés : pour des doses supérieures à 0,5 Sv (2), délivrées à débits élevés, de l'ordre de 0,5 Sv par mn ou plus, le sievert permet de quantifier le risque réel avec une précision acceptable ;
2. Domaine intermédiaire : pour des doses et/ou des débits de dose plus faibles : la précision de cette quantification du risque décroît rapidement, et l'incertitude atteint des valeurs élevées pour des doses inférieures à 0,2 Sv (3). Dans ce cas, on doit considérer le sievert comme un indicateur qui n'exprime plus que la valeur supérieure du risque, le risque possible se situant entre zéro et cette valeur ;
3. Domaine usuel de la radioprotection : pour des doses et/ou débits de dose très faibles, par exemple 0,05 Sv par an (4), l'incertitude atteint des valeurs disproportionnées faisant perdre toute signification statistique et sanitaire à l'indicateur. Les débits de dose pertinents en radioprotection sont des millions de fois inférieurs à ceux qui ont servi de référence pour déterminer les coefficients de risque (1 Sv/sec). Dans ce domaine, le sievert ne peut en aucun cas être utilisé pour calculer le nombre de cancers dans une population (travailleurs ou public) exposée au rayonnements ionisants. La dose efficace a ici une autre signification : elle devient un indicateur opérationnel pour le suivi des expositions, en référence aux limites réglementaires. Les limites de dose réglementaires n'ont pas de signification sanitaire réelle et ne doivent pas être comprises comme des seuils de dangerosité (lesquels sont beaucoup plus élevés).

IV. - LES DIFFICULTES

La notion de dose efficace permet aujourd'hui une gestion simple de la radioprotection. Néanmoins, cette simplicité ne doit pas masquer les difficultés qui s'y rattachent et dont les plus sérieuses s'observent aujourd'hui à deux niveaux : celui de la réglementation et celui de l'information du citoyen. Dans l'avenir, ces difficultés pourraient avoir de graves conséquences, en particulier judiciaires.
1. Au niveau de la réglementation.
La dose efficace, grandeur essentielle utilisée dans les Directives Euratom 96/29 et 97/43, doit donc être reprise dans la réglementation française.
Il apparaît très hasardeux de faire reposer des décrets sur un concept aussi ambigu, sans préciser la dualité et les limites de la notion de dose efficace. Il apparaît indispensable, afin d'éviter toute dérive et toute difficulté en cas de litige, de chiffrer les incertitudes associées à ce concept, et d'expliciter clairement la signification du sievert dans le domaine de la radioprotection. En l'absence de ces précisions, la réglementation pourrait être inapplicable ou source de litiges et recours injustifiés.
2. Au niveau du public.
L'utilisation de la notion de dose efficace, compte tenu des trop nombreuses ambiguïtés, subtilités et incertitudes qui s'y rattachent, est mal adaptée à l'information du public. Il est trop rare que dans les informations fournies par les médias soit rappelé le fait que le sievert n'est qu'un indicateur auquel il est illégitime d'attribuer une signification sanitaire pour les faibles doses et débits de dose. Cette unité ne devrait être utilisée qu'en rappelant ses limites et en donnant des valeurs repères (par exemple l'irradiation naturelle en France) permettant de relativiser et de mieux appréhender ces informations.
La section de radioprotection du CSHPF recommande que le vocabulaire utilisé en radioprotection soit clarifié.
Cet avis ne peut être diffusé que dans son intégralité, sans suppression, ni ajout.
(1) Un facteur de réduction de 2 est utilisé pour les faibles doses et débits de dose.
(2) Valeurs pour lesquelles le risque est encore mesurable.
(3) Valeur pour laquelle le risque est encore décelable mais non mesurable.
(4) Dose limite annuelle en radioprotection.