Bulletin Officiel n°2000-10

Circulaire du 8 mars 2000 relative à la mise en oeuvre de la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en date du 26 novembre 1987

AM 2
769

NOR : PRMX0004006C

(Journal officiel du 9 mars 2000)

Paris, le 8 mars 2000.

Le Premier ministre à Mesdames
et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat

La convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe, a pour objet d'instaurer un mécanisme de contrôle a priori du traitement réservé à toute personne privée de sa liberté. La France est au nombre des Etats parties, qui, à la suite du tirage au sort effectué, comme chaque année, dans les conditions prévues par la convention, devraient recevoir, au cours de l'année 2000, la visite du comité d'experts institué par cette convention. Afin d'assurer le bon déroulement de cette visite, la quatrième depuis l'entrée en vigueur de la convention le 1er mai 1989, la présente circulaire vous rappelle les prérogatives du comité et les obligations qui en résultent pour les Etats visités.
1. Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants est constitué d'experts indépendants élus par le comité des ministres du Conseil de l'Europe et généralement choisis parmi les praticiens du droit, les membres du corps médical ou les spécialistes de l'administration pénitentiaire. Il s'agit d'un organisme à caractère non juridictionnel, dont le rôle est exclusivement préventif.
2. En vertu de l'article 2 de la convention, le comité doit pouvoir librement accéder à l'ensemble des lieux où des personnes sont privées de liberté par décision de l'autorité publique. Sont ainsi visés, non seulement les établissements pénitentiaires, mais aussi les locaux de police et de gendarmerie, les hôpitaux publics ou privés, les centres de rétention administrative ainsi que les locaux disciplinaires situés dans les enceintes militaires. A titre d'exemple, lors de ses précédents déplacements en France, le comité a visité, outre plusieurs maisons d'arrêt, divers locaux affectés aux services de police ou de gendarmerie, le dépôt de la préfecture de police de Paris ainsi que l'unité pour malades difficiles d'un centre hospitalier spécialisé.
Il convient par ailleurs de rappeler que la convention est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.
3. La durée totale de la visite est généralement de deux semaines. La délégation se divise en sous-groupes de deux ou trois personnes afin de multiplier le nombre des lieux visités. Un même établissement peut être visité durant plusieurs journées.
La date exacte de la visite ainsi que les noms des membres du comité qui composeront la délégation seront notifiés une dizaine de jours avant le déplacement effectif, par l'intermédiaire de l'« agent de liaison » désigné par l'Etat partie (1). C'est ce même agent qui recevra communication, deux jours avant l'arrivée de la délégation, des lieux qui feront l'objet de la visite. Il en informera les départements ministériels concernés, qui devront aviser sans délai les responsables locaux des établissements.
Il convient toutefois de souligner que les membres du comité ont la faculté de décider, sans préavis, de visiter de manière impromptue d'autres lieux que ceux initialement indiqués, cette visite pouvant s'effectuer à toute heure du jour ou de la nuit.
4. Pendant la visite, les membres de la délégation, qui sont porteurs d'un document d'identification délivré par le Conseil de l'Europe, se déplacent sans être accompagnés de représentants de l'administration, à moins qu'ils n'en aient fait la demande.
Vous donnerez toutes consignes afin que, sur simple présentation du document ci-dessus mentionné, ils puissent accéder sans aucun délai aux lieux qui sont l'objet de leur visite. Chaque membre de la délégation dispose non seulement du droit de se déplacer sans entrave dans le lieu visité, mais également de celui de s'entretenir sans témoin avec les personnes privées de liberté. A cet égard, il convient de rappeler que le comité s'est plaint, lors d'une précédente visite, des difficultés rencontrées du fait de l'attitude de certains responsables de lieux de détention qui, insuffisamment informés de ses prérogatives, ne l'avaient admis à pénétrer dans les locaux qu'après avoir sollicité des instructions de leurs supérieurs hiérarchiques. Vous veillerez à ce que de tels faits ne puissent se reproduire.
La convention réserve l'hypothèse de circonstances exceptionnelles pouvant justifier que le droit d'accès à certains locaux soit limité ou différé. Elle précise toutefois de façon limitative la nature de ces circonstances. Il peut s'agir de motifs de défense nationale ou de sûreté publique, notamment la nécessité urgente et pressante de prévenir une infraction pénale grave, ou de l'existence de troubles graves dans les locaux concernés, du risque que la visite du comité soit préjudiciable à la santé d'une personne détenue ou encore de nature à compromettre un interrogatoire urgent dans une enquête en relation avec une infraction pénale grave.
5. A l'issue de sa visite, le comité établira un rapport comportant, le cas échéant, les recommandations qu'il estime opportunes. Ce document, de même que la réponse faite par l'Etat concerné dans un délai de six mois, présente un caractère confidentiel. Il convient toutefois de rappeler que le gouvernement français, comme le lui permet la convention, a systématiquement autorisé la publication des documents établis lors des précédentes visites du comité.
J'attache une grande importance à ce que les visites du comité se déroulent dans les meilleures conditions et vous demande de prendre toutes dispositions afin que les services placés sous votre autorité et, en particulier, les responsables de locaux à usage de détention aient une parfaite connaissance des prérogatives des membres de la délégation et de la conduite à tenir à leur égard. Vous voudrez bien me faire part, par l'intermédiaire du secrétariat général du Gouvernement, des difficultés que vous rencontreriez dans l'application de la présente circulaire.

Lionel Jospin

(1) Il s'agit, pour ce qui concerne la France, de M. Jean-Pierre Cochard, président honoraire de la chambre sociale de la Cour de cassation, ancien directeur général de la gendarmerie nationale.