Bulletin Officiel n°2000-21Direction générale de la santé
Sous-direction de la veille sanitaire

Avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (section des milieux de vie) relatif à la pollution au bromure de méthyle à Epernay (Marne) (séance du 18 avril 2000)

SP 4 436
1455

NOR : MESP0030184V

(Texte non paru au Journal officiel)

Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, section des milieux de vie, réuni le 22 février 2000, le groupe de travail du Conseil réuni le 3 mars 2000,
Considérant que l'épandage du contenu d'un nombre indéterminé d'extincteurs fabriqués avant 1960 sur le sol d'un appentis et probablement dans une fosse septique voisine a entraîné une importante pollution du sol ainsi que des pavillons attenants par le bromure de méthyle et le tétrachlorure de carbone ;
Considérant que cette pollution a été responsable de l'intoxication par le bromure de méthyle des quatre occupants du pavillon contigu et que cette intoxication a été sévère chez l'une des deux enfants, qui conserve des séquelles neurologiques ;
Considérant que ce sinistre a entraîné une évacuation des lieux contaminés et l'interdiction temporaire d'y habiter ;
Considérant que le traitement de la pollution a associé une extraction des terres polluées sur le site de l'épandage et leur décontamination dans un centre spécialisé, la vidange de la fosse et l'élimination de l'eau souillée, ainsi que la mise en place d'une extraction des polluants par aspiration (« venting ») et leur adsorption sur du charbon activé ;
Considérant que la demi-vie du bromure de méthyle dans le sol est de l'ordre de sept heures dans l'eau, de dix jours dans l'humus, de trente jours dans un sol plus léger et de cent jours dans le sable ;
Considérant que la surveillance continue de la nappe phréatique n'a pas montré de contamination ;
Considérant que le terrain pollué est sablonneux et sec et qu'après un mois d'extraction des concentrations en bromure de méthyle de l'ordre de 1 ppm (4 mg/m³) sont encore mesurables dans les caves des habitations contiguës au terrain pollué, à l'arrêt du venting ;
Considérant que la surveillance actuelle de l'atmosphère de la zone polluée ne concerne que le bromure de méthyle, alors que cet agent est associé à d'autres substances, et en particulier au tétrachlorure de carbone ;
Considérant que la méthode utilisée pour les dosages de bromure de méthyle est d'une spécificité médiocre et que son seuil de détection, de l'ordre de 1 mg/m³, est d'une sensibilité insuffisante ;
Considérant la toxicité neurologique et le caractère génotoxique du bromure de méthyle chez l'animal et chez l'homme ;
Considérant le caractère hépatotoxique et néphrotoxique du tétrachlorure de carbone, son classement par les experts européens dans la catégorie 3 des substances potentiellement cancérogènes pour l'espèce humaine ;
Considérant que le LOAEL (concentration minimale ayant produit des effets toxiques) du bromure de méthyle est de 3 ppm (12 mg/m³) chez le rat et que celui du tétrachlorure de carbone est de 41 mg/m³ dans la même espèce,
Le Conseil :
- souhaite qu'une cartographie de la pollution des sols par le bromure de méthyle et le tétrachlorure de carbone soit réalisée et que l'avis d'un hydrogéologue soit sollicité sur l'intérêt d'enlever une partie importante du sol ou d'étanchéifier le sol de la zone contaminée, d'injecter de l'air chaud ou de l'eau chaude pour faciliter la désorption du bromure de méthyle et des substances qui lui sont associées ;
- recommande que soit réalisée une campagne de mesure des concentrations en bromure de méthyle et en tétrachlorure de carbone dans l'air du site pollué et des habitations voisines et qu'elle soit suivie de contrôles mensuels ;
- recommande que l'extraction par aspiration ne soit interrompue que lorsque les concentrations en bromure de méthyle et en tétrachlorure de carbone dans l'air ambiant du site pollué et des habitations seront respectivement inférieures à 10 et à 40 mg/m³, ces valeurs limites résultant de l'application d'un facteur de sécurité de 1 000 aux LOAEL ;
- recommande que les campagnes de mesurages utilisent des méthodes analytiques dont la spécificité, la sensibilité et les limites de détection soient adaptées aux buts visés ;
- recommande que le retour des habitants dans leurs logements ne soit autorisé qu'à condition que les concentrations en bromure de méthyle et en tétrachlorure de carbone restent respectivement inférieures à 10 et à 40 g/m³ un mois après l'arrêt du « venting » ;
- recommande qu'une surveillance analytique de la pollution des sols, de l'air et de la nappe phréatique soit poursuivie après l'arrêt du processus de « venting » aussi longtemps que les experts du CSHPF, à qui ces résultats seront transmis trimestriellement, pour avis, l'estimeront nécessaire.