Bulletin Officiel n°2000-22

Décret n° 2000-476 du 30 mai 2000 autorisant le Commissariat à l'énergie atomique à procéder à une modification du laboratoire d'essais sur combustibles irradiés du centre d'études nucléaires de Saclay (département de l'Essonne)

AG 6
1485

NOR : ECOI0000176D

(Journal officiel du 3 juin 2000)

Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
Vu la loi n° 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs ;
Vu la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ;
Vu l'ordonnance n° 58-1371 du 29 décembre 1958 tendant à renforcer la protection des installations d'importance vitale ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980 modifiée sur la protection et le contrôle des matières nucléaires ;
Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires, notamment ses articles 6 et 14 ;
Vu le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 modifié relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants ;
Vu le décret n° 75-306 du 28 avril 1975 modifié relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base ;
Vu la lettre du 8 janvier 1968 du Commissariat à l'énergie atomique portant déclaration du laboratoire d'essais sur combustibles irradiés (LECI) sur le centre d'études nucléaires de Saclay (département de l'Essonne) ;
Vu la demande présentée le 10 avril 1997 par le Commissariat à l'énergie atomique et le dossier joint à cette demande ;
Vu les résultats de l'enquête publique effectuée du 23 octobre 1998 au 23 décembre 1998 ;
Vu l'avis émis par la commission interministérielle des installations nucléaires de base lors de sa séance du 10 décembre 1999 ;
Vu l'avis conforme du ministre chargé de la santé en date du 8 février 2000,

Décrète :

Art. 1er. - Le Commissariat à l'énergie atomique est autorisé, dans les conditions définies par le présent décret, à procéder à la modification du laboratoire d'essais sur combustibles irradiés (LECI) du centre d'études nucléaires de Saclay (département de l'Essonne) selon les modalités présentées dans la demande du 10 avril 1997 susvisée et dans le dossier joint à cette demande. Dans le cadre de cette modification, le Commissariat à l'énergie atomique est autorisé à créer une extension de son laboratoire.

Art. 2. - La modification autorisée à l'article 1er a pour objet de donner au laboratoire d'essais sur combustibles irradiés, à l'intérieur du périmètre fixé par le plan annexé au présent décret (1), la structure suivante :
- un bâtiment principal abritant des enceintes blindées et en particulier les lignes K et I et des laboratoires dont le laboratoire d'activité moyenne ;
- un bâtiment constituant l'extension mentionnée à l'article 1er et communiquant avec le bâtiment principal par deux galeries, qui abrite la ligne dite M composée de deux lignes d'enceintes blindées parallèles, une zone de travail comportant une chaîne de boîtes à gants et une casemate blindée ; l'extension sera plus particulièrement dédiée, d'une part, à la préparation et à la caractérisation mécanique d'échantillons non fissiles de toute nature et, d'autre part, à la préparation et à la caractérisation de surface d'échantillons de matériaux irradiés et de combustibles ;
- un bâtiment abritant une cellule blindée ;
- un bâtiment abritant notamment des magasins et des ateliers ne contenant pas de matière radioactive.
Le laboratoire d'essais sur combustibles irradiés est conçu pour examiner des matériaux irradiés et des combustibles.
Le bâtiment constituant l'extension :
- peut recevoir des matériaux irradiés constituant un ensemble de sources à l'origine d'un débit de dose maximal équivalent à celui généré par 10¹5 Bq de cobalt 60 ;
- peut contenir une activité maximale en tritium fixée à 10¹4 Bq, notamment pour le cas des céramiques tritiées ;
- peut recevoir une masse totale de combustibles irradiés, sous forme d'échantillons, de 20 grammes au maximum.

Art. 3. - Le Commissariat à l'énergie atomique, en sa qualité d'exploitant de l'installation, se conforme à l'ensemble des obligations définies par le décret du 11 décembre 1963 susvisé et aux prescriptions techniques générales du présent décret, sans préjudice du respect des autres dispositions réglementaires en vigueur, notamment en matière :
- d'application du droit du travail ;
- de protection et de contrôle des matières nucléaires ;
- de protection de l'environnement ;
- de gestion des déchets ;
- de régime de l'eau ;
- de prévention des risques technologiques ;
- d'appareils à pression ;
- de radioprotection.

Art. 4. - Sauf indication contraire, les prescriptions techniques générales énumérées ci-après sont applicables à l'ensemble de l'installation.

4.1. Assurance de la qualité

L'exploitant veille, conformément à l'arrêté du ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur du 10 août 1984 relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l'exploitation des installations nucléaires de base, à obtenir, pour les structures, composants et systèmes importants pour la sûreté, une qualité en rapport avec les fonctions qu'ils assurent. Il met en oeuvre à cet effet un système efficace permettant que soit définie la qualité à rechercher, que celle-ci soit obtenue, que ce résultat soit contrôlé et que soient rectifiées les erreurs éventuelles. Ce système comprend la mise en oeuvre d'un ensemble contrôlé d'actions planifiées et systématiques, fondé sur des procédures écrites et archivées.
En particulier, l'exploitant procède à la surveillance et au contrôle de l'action des constructeurs et des fournisseurs lors de la conception, de la réalisation et des essais de mise en service des différents matériels.

4.2. Protection contre le risque de dissémination
des substances radioactives ou chimiques

L'installation est conçue, réalisée et exploitée de telle sorte que soit respecté l'ensemble des règles applicables en matière de protection contre le risque de dissémination de substances radioactives ou chimiques. Le confinement de ces substances tient compte de leurs formes physico-chimiques.
En particulier, le risque de dissémination atmosphérique est prévenu par un confinement statique des matières radioactives, complété par un confinement dynamique assuré par la ventilation.
Le confinement dynamique est conçu et mis en oeuvre de telle sorte qu'il pallie les défauts résiduels d'étanchéité du confinement statique. Il assure, d'une part, le maintien d'une dépression significative des zones contrôlées par rapport à l'environnement, de manière à éviter tout rejet incontrôlé vers l'extérieur, et, d'autre part, le maintien d'une cascade de dépressions suffisante à l'intérieur du bâtiment pour assurer un transfert d'air des locaux présentant les risques de dissémination de matières radioactives ou chimiques les moins élevés vers ceux présentant les risques les plus élevés.
L'air extrait des parties ventilées de l'installation présentant un risque de dissémination de radioactivité est filtré à travers des filtres de très haute efficacité et contrôlé en permanence avant d'être rejeté à l'extérieur. Les dispositifs de ventilation et notamment l'efficacité de leurs filtres font l'objet d'une surveillance périodique.
L'extraction d'air des parties de l'installation, dans lesquelles il existe un risque de dégagement d'iode radioactif, est équipée de filtres adaptés.
L'exploitant prend des dispositions appropriées pour éviter la dispersion des liquides radioactifs et chimiques.

4.3. Protection des travailleurs et du public
contre l'exposition aux rayonnements ionisants

Des zones réglementées sont délimitées à l'intérieur de l'installation dans les conditions prévues par le décret du 28 avril 1975 susvisé.
Sans préjudice de l'application de la réglementation en vigueur sur la limitation des doses annuelles pouvant être reçues par les travailleurs et par le public, des dispositions appropriées sont prises pour que, dans le cadre des règles générales d'exploitation prévues par le présent décret, les doses efficaces individuelles et collectives reçues par les travailleurs et le public restent aussi faibles que raisonnablement possible.
La quantité de matière radioactive présente dans chaque enceinte sera limitée pour prévenir l'exposition externe au poste de travail.

4.4. Protection contre les risques de criticité
et gestion des matières fissiles

L'installation est exploitée de façon à éviter tout accident de criticité dû aux matières fissiles contenues dans les éléments de combustibles irradiés.
Les paramètres spécifiques de la prévention des risques de criticité pour les diverses opérations d'entreposage, de transformation et de transfert des matières fissiles notamment la limitation des quantités de matière fissile et du rapport de modération sont définis dans les règles générales d'exploitation prévues aux articles 6 et 7 du présent décret.
Des consignes appropriées sont établies pour chaque unité de travail ainsi que pour les opérations d'entreposage et de transfert de matières fissiles.
L'exploitant gère l'installation de façon à faire apparaître la nature et les quantités de matières fissiles introduites, entreposées et extraites par enceinte.

4.5. Protection contre les séismes

L'extension est conçue et réalisée pour que les fonctions importantes pour la sûreté restent assurées en cas de séisme d'intensité VI sur l'échelle MSK.

4.6. Gestion des déchets

L'exploitant assume la responsabilité de l'ensemble des déchets radioactifs et non radioactifs produits pendant la phase d'exploitation. Il s'efforce de réduire le volume, de limiter les quantités et l'activité des déchets solides de procédés produits dans son installation. L'exploitant prend toutes dispositions appropriées pour réduire au minimum le nombre d'emballages contenant des déchets qui séjournent transitoirement dans l'installation en attente d'évacuation. Aucun stockage définitif de substances radioactives n'a lieu à l'intérieur du périmètre délimité par le plan annexé au présent décret. Par ailleurs, aucun entreposage, d'une durée de plus de deux ans, de colis finis de déchets solides de procédés n'aura lieu à l'intérieur de ce périmètre sans l'autorisation du directeur de la sûreté des installations nucléaires. Afin de faciliter leur valorisation par réemploi ou recyclage, leur conditionnement et leur stockage ultérieur dans des centres autorisés, les déchets résultant de l'exploitation de l'installation sont triés par nature et par catégorie de nuisance chimique ou radioactive. L'exploitant assure, notamment par archivage, le suivi des déchets (localisation, quantité, nature) jusqu'à leur élimination définitive dans des installations autorisées.
Au plus tard neuf mois avant la mise en exploitation dans les conditions prévues à l'article 6 du présent décret, l'exploitant soumettra pour approbation au directeur de la sûreté des installations nucléaires une « étude déchets » mettant en évidence la mise en oeuvre effective dans l'ensemble de l'installation des principes énoncés ci-dessus.

4.7. Protection contre l'incendie

Des dispositions sont prises pour réduire les risques et les conséquences des incendies d'origine interne ou externe à l'installation, pour permettre leur détection, empêcher leur extension et assurer leur extinction. Des dispositions sont également prises pour protéger les locaux contre tout risque d'explosion d'origine externe.
L'extension est conçue pour assurer, en cas d'incendie, le confinement dans l'installation des matières radioactives sous forme de poussières, aérosols et fumées.

4.8. Protection contre les agressions de l'environnement

Des dispositions sont prises en vue d'assurer un confinement suffisant des substances radioactives, compte tenu de toutes les circonstances plausibles pouvant résulter du fonctionnement normal ou accidentel des installations voisines ou des transports effectués au voisinage de l'installation, notamment des effets dynamiques et des projectiles susceptibles d'atteindre cette dernière.
Des dispositions sont également prises pour maintenir l'installation dans un état sûr en cas d'inondation, de hautes ou de basses températures, de vents forts ou de chutes de neige importantes.
L'exploitant se tient informé de tous les projets de modification de l'environnement par rapport à la description du dossier joint à la demande d'autorisation de modification susvisée, ayant ou pouvant avoir des conséquences sur le respect des prescriptions du présent décret ou sur la sûreté de l'installation, et présente si nécessaire à la direction de la sûreté des installations nucléaires un dossier précisant les conséquences de la modification envisagée sur son installation, compte tenu des circonstances normales ou accidentelles prévisibles.

4.9. Formation du personnel

Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du décret du 28 avril 1975 susvisé, le personnel qui est employé dans l'installation, tant pour les travaux de modification que pour sa surveillance et son exploitation, possède les aptitudes professionnelles normalement requises et a reçu, avant tout travail effectif dans cette installation, une formation particulière en matière de sûreté nucléaire et de protection contre les risques liés aux produits manipulés et entreposés.

4.10. Transport de substances radioactives

Les transports de substances radioactives dans le périmètre de l'installation sont effectués selon des modalités propres à assurer la sûreté du transport et le respect de la réglementation relative à la protection des différentes catégories de travailleurs, du public et de l'environnement.
Les transferts de matériaux irradiés entre les lignes K et I et la nouvelle ligne M s'effectuent à l'intérieur du périmètre de l'installation nucléaire de base dans des emballages adaptés aux risques liés à ces transferts.
Les emballages de transport de matières radioactives font l'objet de contrôles de non-contamination externe et de débit de dose à leur réception et avant leur expédition.

4.11. Manutention

Sans préjudice de la réglementation relative au contrôle des appareils de manutention, des dispositions seront prévues en matière de conception et de règles d'exploitation afin de prévenir le risque de chute de charge et d'en minimiser les conséquences compte tenu de toutes les circonstances plausibles pouvant résulter du fonctionnement normal ou accidentel de l'installation.

Art. 5. - Le bâtiment constituant l'extension de l'installation autorisée par le présent décret est construit et exploité de telle façon que son utilisation ne puisse être à l'origine de bruits ou vibrations pouvant constituer une gêne pour la tranquillité du voisinage.
L'exploitant veille à la qualité architecturale de l'installation et à sa bonne insertion dans le paysage.

Art. 6. - La mise en exploitation des installations contenues dans le bâtiment constituant l'extension selon les modalités définies dans la demande susvisée, notamment l'introduction et la mise en oeuvre de matières radioactives, est soumise à l'approbation des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie.
A cet effet, et au plus tard neuf mois avant cette mise en exploitation, l'exploitant transmettra un rapport provisoire de sûreté de la partie nouvelle, une mise à jour des règles générales d'exploitation de l'ensemble de l'installation ainsi qu'une mise à jour du plan d'urgence interne en précisant les moyens à mettre en oeuvre sur le site en cas de situation accidentelle. Ce rapport provisoire de sûreté devra tenir compte des interfaces avec le bâtiment principal.
Ces documents devront comporter les éléments permettant de s'assurer notamment que les prescriptions du présent décret, en particulier celles contenues dans son article 4, ont été ou seront respectées et que l'ensemble de l'installation pourra être exploitée dans des conditions de sûreté satisfaisantes.

Art. 7. - Dans un délai qui sera fixé dans l'approbation prévue à l'article 6 du présent décret, l'exploitant présentera au directeur de la sûreté des installations nucléaires un rapport définitif de sûreté relatif à l'ensemble de l'installation ainsi qu'une mise à jour des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne.
L'installation modifiée ne pourra être considérée comme mise en service, au sens du décret du 11 décembre 1963 susvisé, qu'après que les ministres chargés de l'environnement et de l'industrie auront prononcé cette mise en service sur présentation du rapport définitif de sûreté, des règles générales d'exploitation précitées et du plan d'urgence interne.

Art. 8. - Lorsqu'elles n'exigent pas l'intervention d'un décret pris en application de l'article 6 du décret du 11 décembre 1963 susvisé, les modifications de l'installation ayant une incidence notable sur le rapport de sûreté, les règles générales d'exploitation ou le plan d'urgence interne ne pourront être réalisées ou rendues effectives qu'après approbation des ministres chargés de l'environnement et de l'industrie.
L'exploitant avisera les ministres chargés de l'environnement et de l'industrie de tout projet de création ou de toute modification substantielle d'une installation entrant dans le champ d'application de la loi du 19 juillet 1976 susvisée et implantée dans le périmètre fixé par le plan annexé au présent décret. A cet effet, l'exploitant adressera un dossier au directeur de la sûreté des installations nucléaires.

Art. 9. - Dans un délai de neuf mois au moins avant la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement de son installation, l'exploitant s'attachera, dans les documents de sûreté prévus à l'article 6 ter du décret du 11 décembre 1963 susvisé, à justifier les différentes étapes qu'il envisage pour permettre de déclasser son installation et de la rayer de la liste des installations nucléaires de base ; il présentera les options de sûreté associées à ces différentes étapes. L'exploitant produira également dans les mêmes délais les documents spécifiques nécessaires à la mise à jour voire au remplacement de l'étude déchets prévue par l'article 4-6 du présent décret.

Art. 10. - Sans préjudice de l'application des règlements en vigueur, tout accident ou incident, nucléaire ou non, ayant eu ou risquant d'avoir des conséquences notables pour la sûreté de l'installation autorisée par le présent décret, sera déclaré sans délai par l'exploitant aux ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la santé.

Art. 11. - L'installation autorisée par le présent décret est intégrée à l'installation désignée d'importance vitale par le ministre chargé de l'industrie en exécution de l'article 1er de l'ordonnance du 29 décembre 1958 susvisée, que constitue le centre d'études nucléaires de Saclay.

Art. 12. - Le délai prévu au III de l'article 4 du décret du 11 décembre 1963 susvisé est de dix ans à compter de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française.
Art. 13. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 30 mai 2000.

Lionel Jospin

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
Laurent Fabius
La ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement,
Dominique Voynet
Le secrétaire d'Etat à l'industrie,
Christian Pierret

(1) Le plan annexé au présent décret peut être consulté :
- à la direction de la sûreté des installations nucléaires, 99, rue de Grenelle, 75353 Paris 07 SP ;
- à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement d'Ile-de-France, 10, rue Crillon, 75194 Paris Cedex 04 ;
- à la préfecture de l'Essonne, 1, boulevard de France, 91010 Evry Cedex.