Bulletin Officiel n°2000-25MINISTÈRE DE L'EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITÉ
Direction de la sécurité sociale
Division des affaires européennes
et internationales

Circulaire DSS/DAEI n° 2000-314 du 7 juin 2000 relative à la situation des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses et de leurs régimes de sécurité sociale au regard des règlements (CEE) n° 1408/71 et 574/72 du conseil relatifs à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.

NOR : MESS0030258C

(Texte non paru au Journal officiel)

Date d'application : 1er juillet 2000.

Références :
Règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.
Règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71.

Textes rapportés :
Toute instruction antérieure contraire à la présente circulaire.

La ministre de l'emploi et de la solidarité, à Monsieur le directeur de la caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes, Monsieur le directeur de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, Monsieur le directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, Monsieur le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, Mesdames et Messieurs les directeurs ou responsables des caisses, organismes ou services assurant la gestion d'un régime spécial ou autonome de sécurité sociale, Madame le directeur du centre de sécurité sociale des travailleurs migrants, Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales, direction interrégionale de la sécurité sociale des Antilles-Guyane, direction départementale de la sécurité sociale de la Réunion) Mon attention a été appelée sur la situation des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses et de leurs régimes de sécurité sociale au regard des règlements (CEE) n° 1408/71 et 574/72 de coordination des législations nationales de sécurité sociale.
Il a été considéré jusqu'à présent que ni les intéressés, ni leurs régimes spécifiques n'entraient dans le champ d'application des règlements de coordination, car traditionnellement les autorités françaises ont toujours qualifié les intéressés comme des « inactifs » au sens du droit communautaire considéré, ne pouvant donc bénéficier d'un système de coordination visant les seuls actifs et anciens actifs assurés, leurs ayants droit et leurs survivants.
Quel qu'ait pu être le bien-fondé de cette position, elle n'apparaît plus justifiée après réexamen des dispositions générales du règlement n° 1408/71, tel qu'interprété par la Cour de justice.

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Si l'on s'attache tout d'abord au champ d'application personnel du règlement, il faut rappeler que selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, la notion de travailleur au sens dudit règlement ne relève pas du droit interne des Etats membres, mais du droit communautaire et exige une interprétation large compte tenu de l'objectif de l'article 42 du traité CE. Précisée dans le passé par plusieurs arrêts, cette notion communautaire s'appuie essentiellement sur un critère de sécurité sociale, l'appartenance à un régime de sécurité sociale répondant à certaines conditions.
Cette approche est concrétisée par l'article 1er, sous a), du règlement n° 1408/71 qui stipule qu'aux fins de l'application dudit règlement, « les termes "travailleur salarié et "travailleur non salarié désignent, respectivement, toute personne : i) qui est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale s'appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés ou par un régime spécial de fonctionnaires... iv) qui est assurée à titre volontaire contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches auxquelles s'applique le présent règlement, dans le cadre d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre organisé au bénéfice des travailleurs salariés ou non salariés ou de tous les résidents ou de certaines catégories de résidents : si elle exerce une activité salariée ou non salariée ou si elle a été antérieurement assurée à titre obligatoire contre la même éventualité dans le cadre d'un régime organisé au bénéfice travailleurs salariés ou non salariés du même Etat membre. »
Dans deux arrêts du 30 janvier 1997 (De Jaeck, aff. C-340/94 ; Hervein et Hervillier, aff. C-221/95) la Cour de justice observe que « conformément aux dispositions combinées de ses articles 1er, sous a), et 2, paragraphe 1, le règlement est applicable aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs Etats membres, étant entendu qu'il faut entendre par travailleurs salariés et travailleurs non salariés les personnes qui sont assurées en l'une ou l'autre qualité à un régime de sécurité sociale. Comme la Commission l'a relevé à juste titre, les notions de travailleur salarié et de travailleur non salarié auxquelles se réfère le règlement renvoient ainsi aux définitions qu'en donnent les législations des Etats membres en matière de sécurité sociale et sont indépendantes de la nature que l'activité exercée revêt au sens du droit du travail. »
En ce qui concerne plus précisément la notion de « travailleurs non salariés » au sens de l'article 1er, sous a), iv) du règlement n° 1408/71, la Cour de justice a été amenée à en préciser en ces termes la définition dans un arrêt du 23 octobre 1986 (Van Roosmalen, aff. 300/84) concernant justement un prêtre missionnaire :
« Il en résulte que, dans le cadre d'une assurance sociale à titre volontaire organisée pour les travailleurs salariés ou non salariés ou pour tous les résidents, la notion de "travailleur non salarié est caractérisée par le type d'activité qu'un travailleur exerce ou a exercé et que celle-ci ne peut être une activité quelconque, mais qu'elle doit être une activité professionnelle. Toutefois, compte tenu de l'interprétation large qu'exige cette notion, il n'est pas nécessaire que le travailleur non salarié perçoive une rémunération en tant que contrepartie directe de son activité ; il suffit qu'il reçoive, dans le cadre de cette activité, des prestations qui lui permettent, en tout ou en partie, de subvenir à ses besoins, même si ces prestations sont fournies, comme dans le cas d'espèce, par des tiers bénéficiaires du service d'un prêtre missionnaire. »
Incontestablement, les ministres des cultes et les membres des congrégations et collectivités religieuses, assurés au titre des dispositions des articles L. 381-12 et L. 721-1 du code de la sécurité sociale, font partie du champ d'application personnel du règlement n° 1408/71 et sont à considérer comme travailleurs non salariés au sens de ce dernier.
Il reste à vérifier que les régimes de rattachement des intéressés sont inclus dans le champ d'application matériel dudit règlement.
Aux termes de l'article L. 381-12 du code de la sécurité sociale, les intéressés, y compris lorsqu'ils sont titulaires d'une pension d'invalidité ou de vieillesse de leur régime propre, relèvent en matière d'assurance maladie et maternité du régime général à titre subsidiaire, mais obligatoire, sous réserve de l'option qu'ils peuvent exercer en faveur du régime particulier des articles D. 381-14 à D. 381-17 comportant des cotisations et des prestations réduites.
En matière d'assurance invalidité et d'assurance vieillesse, les intéressés relèvent, également à titre subsidiaire, mais obligatoire, des régimes définis aux articles L. 721-1 et suivants du code de la sécurité sociale (régime d'assurance invalidité et régime d'assurance vieillesse).
Pour qu'un régime entre dans le champ d'application matériel du règlement n° 1408/71, il doit répondre à deux critères : constituer une « législation » au sens de l'article 1er, sous j), dudit règlement et couvrir une ou plusieurs des branches de sécurité sociale visées en son article 4, paragraphe 1, ou concerner des prestations spéciales à caractère non contributif telles que définies au même article 4, paragraphe 2.
Les trois régimes propres aux ministres des cultes et aux membres des congrégations et collectivités religieuses (régime général mis à part) étant institués par des lois et décrets et couvrant les prestations de maladie pour l'un et les prestations d'invalidité et de vieillesse pour les autres, remplissent bien les deux critères précités. Comme ils ne constituent pas par ailleurs des « régimes spéciaux de travailleurs non salariés dont la création est laissée à l'initiative des intéressés ou dont l'application est limitée à une partie du territoire de l'Etat membre en cause », exclus du règlement au titre de l'article 1er, sous j), déjà cité, il convient de considérer qu'ils appartiennent au champ d'application matériel du règlement n° 1408/71, au même titre que le régime général.
Toutes les conséquences de l'appartenance des intéressés et des régimes dont ils relèvent au champ d'application du règlement n° 1408/71 doivent donc être normalement tirées.
S'agissant tout d'abord de la législation à laquelle les intéressés sont soumis, leur sont applicables les règles générales du titre II du règlement n° 1408/71, ainsi que les règles spécifiques concernant les travailleurs non salariés.
En particulier, les dispositions de l'article 14 bis paragraphe 1 alinéas a et b concernant le maintien à son régime habituel de sécurité sociale du travailleur non salarié qui effectue temporairement un travail sur le territoire d'un autre Etat membre doivent s'appliquer prioritairement aux dispositions internes de l'article L. 721-15-1 du code de la sécurité sociale concernant le « détachement » temporaire à l'étranger des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, dont le décret d'application devrait être bientôt publié.
En cas de « détachement » dans le cadre de missions cultuelles, au sens dudit article L. 721-15-1, dont la durée prévisible est d'emblée supérieure à un an ou qui se prolonge au-delà de la deuxième année de maintien au régime français des cultes, un maintien dérogatoire ou prolongé au régime français peut être envisagé en application des dispositions de l'article 17 du règlement, sous réserve bien entendu que les autorités de l'Etat membre où sont accomplies temporairement les missions cultuelles donnent leur accord pour ce faire. Du côté français la demande devra être présentée au Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants, organisme désigné à cet effet (cf. point 5 de la rubrique E - France de l'annexe 10 du règlement n° 574/72).
Par ailleurs les ministres des cultes et les membres des congrégations et collectivités religieuses doivent, selon leur situation et le cas échéant, être mis en possession des attestations (E 106, E 111, E 112, E 121...) leur permettant d'obtenir des prestations en nature en cas de séjour ou de résidence sur le territoire d'un autre Etat membre.
De même, pour l'examen de leurs droits à pension d'invalidité ou à pension de vieillesse, il convient notamment d'effectuer, le cas échéant, les liaisons avec les régimes étrangers auxquels les intéressés sont ou ont été soumis, de tenir compte si nécessaire des périodes validées par ces derniers régimes pour l'ouverture du droit et le calcul d'une pension française et de ne pas omettre de reporter les périodes validées par le régime propre d'assurance vieillesse des intéressés sur les formulaires E 205 F ( « Attestation concernant la carrière d'assurance en France ») de façon à ce que ces périodes puissent être prises en compte si nécessaire par les institutions des autres Etats membres pour l'ouverture du droit et le calcul d'une pension du régime qu'elles gèrent.
Pour les liaisons à opérer pour la mise en oeuvre dudit règlement, la caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes bénéficiera, comme les institutions des autres régimes, de l'assistance technique de l'organisme de liaison français, le Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants, dont les compétences sont étendues aux régimes des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses.
Vous voudrez bien me tenir informé des éventuelles difficultés qui pourraient apparaître lors de l'application de la présente circulaire.

Pour la ministre et par délégation :
Le directeur de la sécurité sociale,
R. Briet