Bulletin Officiel n°2000-26

Décret n° 2000-570 du 23 juin 2000 fixant les conditions de prescription et de réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne et de son identification par empreintes génétiques à des fins médicales et modifiant le code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat)

SP 4 48
1843

NOR : MESP0021647D

(Journal officiel du 27 juin 2000)

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'emploi et de la solidarité,
Vu le code civil, notamment les articles 16-10, 16-11 et 16-12 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 1131-1, L. 1131-3 et L. 1131-6 ;
Vu le décret n° 76-1004 du 4 novembre 1976 fixant les conditions d'autorisation des laboratoires d'analyses de biologie médicale ;
Vu le décret n° 83-104 du 15 février 1983 relatif au contrôle de la bonne exécution des analyses de biologie médicale prévu par l'article L. 761-13 du code de la santé publique ;
Vu le décret n° 94-1049 du 2 décembre 1994 relatif au contrôle de qualité des analyses de biologie médicale prévu par l'article L. 761-14 du code de la santé publique ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, notamment son article 35 ;
Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,

Décrète :

Art. 1er. - Il est inséré :
1° Au sein du livre Ier du code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), un titre VI intitulé : « Médecine prédictive, identification génétique et recherche génétique » ;
2° Au sein de ce titre VI, un chapitre Ier intitulé : « Examen des caractéristiques génétiques d'une personne et identification par empreintes génétiques à des fins médicales » ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Examen des caractéristiques génétiques d'une personne et identification "par empreintes génétiques à des fins médicales
« Art. R. 145-15-1. - L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales, au sens du présent titre, a pour objet :
« - soit de confirmer ou d'infirmer le diagnostic de maladie génétique chez une personne qui en présente les symptômes ;
« - soit de rechercher, chez une personne asymptomatique, les caractéristiques d'un ou plusieurs gènes susceptibles d'entraîner à terme le développement d'une maladie chez la personne elle-même ou sa descendance.
« Art. R. 145-15-2. - Les analyses de biologie médicale visées au présent titre comprennent :
« 1° Dans tous les cas prévus à l'article précédent, les analyses de cytogénétique, incluant la cytogénétique moléculaire, et les analyses de génétique moléculaire dont l'identification par empreintes génétiques ;
« 2° En outre, pour les personnes asymptomatiques, les analyses ayant pour objet de détecter les anomalies génétiques impliquées dans l'apparition éventuelle de la maladie recherchée chez ces personnes et dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de la commission définie à l'article R. 145-15-16 ;
« Art. R. 145-15-3. - Les sections II à V du présent chapitre s'appliquent également aux analyses visant à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques à des fins médicales.

« Section 1
« Conditions de prescription

« Art. R. 145-15-4. - Le consentement, prévu à l'article L. 1131-1, de la personne à qui est prescrit l'examen de ses caractéristiques génétiques doit être libre et éclairé par une information préalable comportant notamment des indications sur la portée de l'examen dans le respect des dispositions de l'article 35 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale. Ce consentement est donné par écrit.
« Lorsque la personne concernée est un mineur, le consentement doit être donné, dans les conditions de l'alinéa précédent, par les titulaires de l'autorité parentale.
« Art. R. 145-15-5. - Chez un patient présentant un ou des symptômes d'une maladie génétique, la prescription d'un examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une consultation médicale individuelle. Lorsque l'examen doit être effectué sur un mineur, il ne peut être prescrit que si celui-ci peut personnellement en bénéficier dans sa prise en charge ou si des mesures préventives ou curatives peuvent être prises pour sa famille.
« Chez une personne asymptomatique mais présentant des antécédents familiaux, la prescription d'un examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une consultation médicale individuelle. Cette consultation doit être effectuée par un médecin oeuvrant au sein d'une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques. Cette équipe doit se doter d'un protocole type de prise en charge et être déclarée au ministre chargé de la santé selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Au cours de cette consultation, la personne doit être informée des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, des possibilités de prévention et de traitement. Les examens ne peuvent être prescrits chez un mineur que si ce dernier ou sa famille peuvent personnellement bénéficier de mesures préventives ou curatives immédiates. Le médecin consulté délivre une attestation certifiant qu'il a apporté à la personne concernée les informations définies ci-dessus et qu'il en a recueilli le consentement dans les conditions prévues à l'article R. 145-15-4. Cette attestation est remise au praticien agréé réalisant l'examen ; le double de celle-ci est versé au dossier médical de la personne concernée.
« Lorsque l'examen requiert d'étudier les caractéristiques génétiques d'un ou plusieurs membres de la famille, il appartient à la personne concernée, sur les conseils du médecin prescripteur, d'obtenir le consentement de chacun d'entre eux.

« Section 2
« Conditions d'agrément et d'autorisation à la pratique
des examens des caractéristiques génétiques d'une personne

« Art. R. 145-15-6. - Les analyses définies à l'article R. 145-15-2 ne peuvent être réalisées que par des praticiens agréés à cet effet dans les conditions fixées à l'article R. 145-15-7 et exerçant dans des établissements ou organismes autorisés dans les conditions fixées aux articles R. 145-15-11 et suivants.

« § 1. Agrément des praticiens

« Art. R. 145-15-7. - L'agrément des praticiens, sous la responsabilité desquels sont pratiqués les examens visés à l'article précédent, est nominatif et attribué pour une durée de cinq ans renouvelable, par arrêté du préfet de région pris après avis de la commission mentionnée à l'article R. 145-15-16.
« L'agrément peut n'être donné que pour certaines des catégories d'analyses visées aux articles R. 145-15-2 et R. 145-15-3.
« Le ou les noms des praticiens agréés figurent dans l'autorisation prévue à l'article R. 145-15-11 ; ces praticiens sont seuls habilités à signer les comptes rendus d'analyses.
« Art. R. 145-15-8. - L'agrément prévu à l'article précédent, en cas de non-respect des dispositions législatives ou réglementaires par ces praticiens, peut leur être retiré par le préfet de région, après avis motivé de la commission mentionnée à l'article R. 145-15-16 ; le praticien est invité à présenter ses observations devant celle-ci.
« En cas d'urgence, l'agrément peut, à titre conservatoire, être suspendu pour une durée de trois mois par le préfet. Dans ce cas, l'avis de la commission susmentionnée doit intervenir dans un délai de deux mois.
« Art. R. 145-15-9. - Le praticien responsable mentionné à l'article R. 145-15-7 doit, pour obtenir son agrément, être médecin qualifié en biologie médicale ou pharmacien biologiste ou, à titre exceptionnel, une personnalité scientifique justifiant de titres ou travaux spécifiques dans les domaines des activités définies à l'article R. 145-15-2.
« Ce praticien doit de plus être soit titulaire, selon les activités sur lesquelles porte la demande d'agrément, d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires de cytogénétique humaine ou de biologie moléculaire, soit, à titre exceptionnel, de titres, certificats, diplômes ou travaux scientifiques, d'un niveau jugé suffisant par la commission mentionnée à l'article R. 145-15-16.
« L'avis rendu par la commission comporte une appréciation sur la formation, l'expérience et les travaux scientifiques du praticien sollicitant l'attribution ou le renouvellement de son agrément dans les domaines d'activités définies à l'article R. 145-15-2.
« Art. R. 145-15-10. - Lorsque les analyses définies à l'article R. 145-15-2 sont pratiquées dans un laboratoire d'analyses de biologie médicale visé à l'article L. 6211-2, le praticien visé à l'article R. 145-15-8 doit être directeur ou directeur adjoint du laboratoire.
« § 2. Autorisation des laboratoires d'analyses de biologie médicale des établissements publics de santé, des centres de lutte contre le cancer et des laboratoires d'analyses de biologie médicale visés à l'article L. 6211-2
« Art. R. 145-15-11. - Les examens mentionnés à l'article R. 145-15-2 ne peuvent être pratiqués que dans les laboratoires d'analyses de biologie médicale des établissements publics de santé, des centres de lutte contre le cancer et les laboratoires d'analyses de biologie médicale visés à l'article L. 6211-2, et après autorisation accordée pour une durée de cinq ans renouvelables, par arrêté du préfet de région pris après avis de la commission définie à la section V du présent chapitre.
« L'autorisation précise le site d'exercice.
« Art. R. 145-15-12. - Les laboratoires d'analyses de biologie médicale mentionnés à l'article précédent doivent disposer des équipements nécessaires à la réalisation des examens définis à l'article R. 145-15-2 ; la liste de ces équipements est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de la commission consultative prévue à la section V du présent chapitre.
« Ces locaux et équipements peuvent être communs avec ceux utilisés en application de l'article R. 162-16-6 pour le diagnostic prénatal.
« Art. R. 145-15-13. - L'autorisation peut être retirée à tout moment par le préfet de région après avis motivé de la commission prévue à l'article R. 145-15-16 en cas :
« 1° De non-respect des conditions prévues par le présent titre ;
« 2° De non-respect des dispositions législatives et réglementaires, notamment celles relatives aux obligations découlant du guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale prévu par l'article 9-1 du décret n° 76-1004 du 4 novembre 1976 fixant les conditions d'autorisation des laboratoires d'analyses de biologie médicale ;
« 3° De refus de participer au contrôle national de qualité des analyses de biologie médicale, prévu par le décret n° 94-1049 du 2 décembre 1994 relatif au contrôle de qualité des analyses de biologie médicale prévu par l'article L. 761-14 du code de la santé publique.
« En cas d'urgence, l'autorisation peut être suspendue par le préfet pour une durée de trois mois. En ce cas, l'avis de la commission consultative compétente doit intervenir dans un délai de deux mois.

« Section 3
« Conditions de communication des résultats

« Art. R. 145-15-14. - Le compte rendu d'analyse de biologie médicale commenté et signé par un praticien responsable agréé conformément à l'article R. 145-15-6 doit être adressé exclusivement au praticien prescripteur des examens génétiques.
« Le médecin prescripteur ne doit communiquer les résultats de l'examen des caractéristiques génétiques qu'à la personne concernée, ou à celle titulaire de l'autorité parentale s'il s'agit d'un mineur et à son représentant légal s'il s'agit d'un majeur sous tutelle. La communication des résultats doit se faire, dans le cadre d'une consultation médicale individuelle, sous une forme claire et appropriée suivant les dispositions de l'article 35 du décret du 6 septembre 1995 précité portant code de déontologie médicale.
« La personne concernée peut refuser que les résultats de l'examen lui soient communiqués : dans ce cas, le refus doit être consigné par écrit dans le dossier du malade.
« Exceptionnellement, pour des raisons légitimes et dans l'intérêt du patient, lorsque celui-ci présente des symptômes, le médecin prescripteur apprécie l'opportunité de ne pas communiquer les résultats de l'examen des caractéristiques génétiques à la personne concernée ou à celle titulaire de l'autorité parentale s'il s'agit d'un mineur et à son représentant légal s'il s'agit d'un majeur sous tutelle.

« Section 4
« Conditions de conservation des documents

« Art. R. 145-15-15. - Le consentement écrit et les doubles de la prescription de l'examen des caractéristiques génétiques et des comptes rendus d'analyses de biologie médicale commentés et signés sont conservés par le médecin prescripteur dans le dossier médical de la personne concernée pendant une durée de trente ans, dans le respect du secret professionnel.
« Les comptes rendus d'analyses de biologie médicale et leur commentaire explicatif sont conservés par les laboratoires d'analyses de biologie médicale mentionnés à l'article R. 145-15-11 pendant une durée de trente ans.
« Dans tous les cas, l'archivage de ces résultats doit être effectué dans les conditions de sécurité et de confidentialité.

« Section 5
« Commission consultative nationale en matière d'examens
des caractéristiques génétiques à des fins médicales

« Art. R. 145-15-16. - Il est institué auprès du ministre chargé de la santé une commission consultative nationale en matières d'examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales. Elle est chargée de donner un avis motivé sur :
« 1° Les demandes d'autorisation prévues à l'article R. 145-15-11 ; cet avis tient compte notamment de la compétence et de l'expérience des responsables, des locaux et de l'équipement définis à l'article R. 145-15-12 ;
« 2° Les renouvellements d'autorisation de ces activités et les retraits d'autorisation dans les mêmes conditions qu'au 1° ci-dessus et en tenant compte, le cas échéant, du volume d'activités et de la qualité des résultats obtenus ;
« 3° Les demandes d'agrément des praticiens responsables prévues à l'article R. 145-15-7, dans les conditions précisées à l'article R. 145-15-9 ;
« 4° Les renouvellements et les retraits d'agrément dans les conditions prévues aux articles R. 145-15-7 et R. 145-15-8.
« La commission participe au suivi et à l'évaluation du fonctionnement des laboratoires autorisés. Elle peut également donner des avis sur les conditions de prescription et de réalisation des examens de biologie mentionnés à l'article R. 145-15-2.
« Art. R. 145-15-17. - La commission est constituée :
« 1° De six membres de droit :
« a) Le directeur général de la santé ou son représentant ;
« b) Le directeur des hôpitaux ou son représentant ;
« c) Le directeur des affaires civiles et du sceau ou son représentant ;
« d) Le président du Conseil national de l'ordre des médecins ou son représentant ;
« e) Le président du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ou son représentant ;
« f) Le directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ou son représentant ;
« 2° De neuf personnalités qualifiées :
« a) Deux biologistes ayant une expérience particulière dans la réalisation d'examens de biologie moléculaire concourant à l'examen des caractéristiques génétiques des personnes ou à l'identification par empreintes à des fins médicales ;
« b) Deux biologistes ayant une expérience particulière dans la réalisation d'examens de cytogénétique ;
« c) Quatre praticiens cliniciens ayant une expérience particulière en génétique médicale, dont un spécialiste en génétique médicale ;
« d) Une personne compétente dans les domaines éthique ou juridique.
« Art. R. 145-15-18. - Le président et les personnes qualifiées sont nommés pour trois ans reenouvelables par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Le remplacement d'un membre en cas de cessation des fonctions en cours de mandat s'effectue dans les mêmes conditions que pour sa nomination et pour la durée du mandat restant à accomplir.
« Tout membre désigné, absent à plus de trois séances consécutives sans motif légitime, peut être remplacé dans les mêmes conditions que pour sa nomination et pour la durée du mandat restant à courir.
« Art. R. 145-15-19. - La commission ne peut se prononcer que si la moitié au moins de ses membres sont présents ; toutefois, quand le quorum n'est pas atteint à une réunion, le même ordre du jour est reporté à une réunion ultérieure tenue dans un délai d'un mois ; les délibérations prises lors de cette deuxième réunion sont valables quel que soit le nombre des membres présents.
« La commission se prononce à la majorité des voix des membres présents ; en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Art. R. 145-15-20. - Toutes les personnes qui participent, même à titre occasionnel, aux travaux de la commission sont tenues au secret professionnel.
« Tout membre de la commission qui a un intérêt personnel direct ou indirect dans une affaire soumise à l'examen de la commission doit en faire la déclaration écrite au directeur général de la santé qui en informe le président. Ce membre ne peut être désigné comme rapporteur et ne peut participer ni aux débats ni au vote sur cette affaire. En cas de non-respect de cette règle, le ministre chargé de la santé procède au remplacement de ce membre. »

Art. 2. - Les laboratoires d'analyses de biologie médicale ainsi que les praticiens réalisant des analyses définies à l'article R. 145-15-2 à la date de publication du présent décret disposent, à compter de cette date, d'un délai de six mois pour déposer une demande d'autorisation et d'agrément. Ils peuvent poursuivre les activités visées par le présent décret jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur demande.
Art. 3. - La ministre de l'emploi et de la solidarité, le garde des sceaux, ministre de la justice, et la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 23 juin 2000.

Lionel Jospin

Par le Premier ministre :

La ministre de l'emploi et de la solidarité,
Martine Aubry
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Élisabeth Guigou
La secrétaire d'Etat à la santé
et aux handicapés,
Dominique Gillot