Bulletin Officiel n°2000-28Direction de l'action sociale

Circulaire DAS/TS 1 n° 2000-2355 du 8 juin 2000 relative à la lutte
contre la maltraitance et à la formation des travailleurs sociaux

AS 3 32
2016

NOR : MESA0030284C

(Texte non paru au Journal officiel)

Textes de références :
Loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance (article 4) ;
Décret du 9 décembre 1991 relatif à la formation des professionnels concernés par la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et la protection de l'enfance ;
Article 434-3 et 226-14 du nouveau code pénal ;
Article 80 du CFAS ;
Circulaire DAS n° 98-275 du 5 mai 1998.

La ministre de l'emploi et de la solidarité à Madame et Messieurs les préfets de régions (direction régionale des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de départements (direction départementale des affaires sanitaires et sociales [pour information]) Prévenir et lutter contre la maltraitance aussi bien envers les enfants qu'envers les personnes adultes vulnérables doit constituer une priorité de l'action des pouvoirs publics.
Si la prise de conscience du phénomène de la maltraitance est récente en ce qui concerne les personnes âgées ou les personnes handicapées et nécessite une politique spécifique, la politique en faveur de l'enfance maltraitée, elle, a déjà fait l'objet de plusieurs instructions.
Elle a été considérablement renforcée par les lois du 10 juillet 1989 et du 17 juin 1998.
Les actions de dépistage se sont intensifiées et un ensemble de dispositions légales prévoit à la fois l'obligation, pour toute personne ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à un mineur de 15 ans, d'en informer les autorités judiciaires ou administratives, et autorise dans ces circonstances, la levée du secret professionnel.
Les travailleurs sociaux sont ainsi au coeur du processus de signalement des situations de mauvais traitements à enfants. Ils participent à l'évaluation des informations, le plus souvent dans le cadre d'un protocole commun d'évaluation coordonné par les services de l'ASE du conseil général.
Cette coordination est d'autant plus nécessaire que l'afflux de signalements à l'autorité judiciaire peut conduire à un engorgement des services préjudiciable au bon fonctionnement de la justice. Il peut, à terme, nuire au repérage et au traitement des situations de maltraitance les plus graves. Il faut de ce fait promouvoir l'évaluation pluridisciplinaire des situations des enfants et des familles avant la saisine de l'autorité judiciaire.
Il convient que les professionnels de l'action sociale et socio-éducative soient les plus efficaces possible dans le repérage et l'évaluation des situations de maltraitance à enfant dans une dynamique de réflexion pluri-partenariale et pluridisciplinaire permettant une analyse la plus objective possible de la situation et des solutions proposées.
La loi du 10 juillet 1989 prévoit que les travailleurs sociaux reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de répondre aux cas d'enfants maltraités et de prendre les mesures nécessaires de prévention et de protection.
Le décret du 9 décembre 1991 pris en application de cette loi fixe les thèmes que doivent aborder ces formations :

  • la définition et les causes des mauvais traitements à l'égard des enfants ;

  • les moyens de repérer les cas d'enfants maltraités ;
  • le cadre juridique et institutionnel de la protection de l'enfance en France ;
  • les modalités d'intervention des services chargés de la prise en charge des enfants maltraités et de leur famille ;
  • la prévention des mauvais traitements à l'égard des enfants ;
  • les techniques d'évaluation des actions de prévention des mauvais traitements et de protection des enfants maltraités.
  • Ces différents thèmes doivent être abordés dès l'organisation des cursus de formation initiale et leur approfondissement doit être favorisé dans le cadre des formations continues. Ils feront également l'objet de réflexions entre les divers partenaires dans le cadre de l'élaboration des schémas régionaux de formation et sont pris en compte dans les travaux du conseil supérieur du travail social.

    1. Les formations initiales conduisant aux diplômes d'Etat
    en travail social

    Il vous appartient de veiller à la bonne application des dispositions offertes par l'organisation pédagogique des formations.
    En effet, les formations répondent dans leur organisation théorique et pratique et par leurs contenus aux problématiques évoquées.
    Il convient de sensibiliser les centres de formation à la réactualisation des connaissances au regard des politiques nouvelles.
    Les programmes nationaux de formation annexés aux textes réglementaires régissant les formations sociales contiennent pour la plupart et de façon systématique pour les professions en contact avec les enfants (professions socio-éducatives, assistants du service social, éducateurs de jeunes enfants) des enseignements sur les institutions, sur les dispositifs institutionnels de protection de l'enfance et sur les droits de l'enfant.
    Au-delà du minimum requis dans les programmes nationaux, les centres de formation abordent le sujet de la maltraitance dans leur projet pédagogique, que vous approuvez, lequel met en application et actualise le programme national. Ces projets pédagogiques sont adaptables et laissent une place aux innovations tant sur le plan des contenus théoriques que sur le plan pratique (choix des lieux de stage). Les formations initiales des travailleurs sociaux offrent des contenus non exhaustifs. Elles permettent d'intégrer la prise en compte des nouvelles orientations et des nouvelles politiques publiques, dont les problématiques de la maltraitance.
    Depuis le décret de 1991, les formations ont fait l'objet d'un renforcement des connaissances au travers d'unités pluridisciplinaires de formation validées au niveau des épreuves des diplômes d'Etat.
    Pour les formations concernant les fonctions éducatives et sociales, elles concernent plus précisément les systèmes de protection sociale, la connaissance des pathologies familiales et individuelles, les unités de formation à la santé, l'éducation sanitaire et la protection médico-sociale. Elles intègrent les questions relatives à l'accueil et au suivi des enfants victimes de maltraitance qui sont abordées à la fois au travers des enseignements théoriques de psychologie, de droit et de sociologie et par les stages sur le terrain.
    Pour tous, les travailleurs sociaux, la question des signalements est systématiquement abordée. Elle est toujours liée à une approche éthique du travail social.
    En outre, des approfondissements sont demandés aux étudiants sur des problématiques rencontrées au cours de leurs stages. Une unité de formation de spécialisation permet de réaliser des travaux théoriques et pratiques en lien avec le stage long sur des thèmes retenus - celui de la maltraitance peut donc y figurer. Ces réflexions sont évaluées par le centre de formation, sur le terrain et elles font partie du dossier présenté pour l'examen final.
    Le thème retenu pour le mémoire constituant une épreuve du diplôme d'Etat peut également être choisi en lien avec la problématique de stage et peut donc traiter de ce sujet.
    L'ensemble des travailleurs sociaux impliqués dans l'accompagnement des publics dits « fragilisés », enfants, adultes, personnes âgées dépendantes ou handicapées qu'ils soient au domicile ou en établissement, devront à terme être concernés par cette problématique.

    2. La formation continue

    La formation initiale, qui demeure « généraliste », est cependant toujours confrontée à la question des besoins spécifiques tant il n'est pas possible à un futur professionnel d'être opérationnel sur toutes les questions rencontrées dès son entrée dans la vie active. La formation continue doit donc permettre de se former tout au long de sa vie professionnelle et de prendre en compte les nouvelles questions sociales.
    Le plus souvent fondée sur les besoins des employeurs, elle doit compléter les formations initiales et permet de réactualiser les connaissances de professionnels diplômés depuis plusieurs années. Elle a aussi pour but de réinterroger les pratiques et d'apporter des méthodologies renouvelées.
    La maltraitance est un sujet présent dans les stages de formation continue suivis par les travailleurs sociaux qu'elle soit évoquée de façon exclusive ou intégrée dans des problématiques plus larges telles que « prostitution, exploitation sexuelle » ou « violence et travail social ».
    Certaines formations continues sont d'ores et déjà garanties par une qualification nationale : délégués à la tutelle, éducation à la vie ou conseil conjugal et familial. Les certificats nationaux de compétences (CNC) sont fixés par voie réglementaire et les centres qui les dispensent doivent détenir un agrément spécifique.
    Les DRASS ont également la possibilité de labelliser certaines actions de formation permanente pour accompagner des orientations et des textes de loi comme elles ont pu être amenées à le faire pour l'autisme, le Sida et la formation des personnels (annexe 24).
    Dans ce cadre, au niveau régional, les meilleurs projets sont retenus, en fonction des ressources des centres, des axes de formation et des financements prévus. Ce rôle qui vous est dévolu a permis d'avoir un impact sur la formation continue et de donner aux professionnels et aux financeurs une reconnaissance attendue.
    A l'instar de ces exemples, il convient d'engager une même mise en oeuvre dans le champ de la maltraitance. Vous voudrez bien me rendre compte des résultats constatés.

    3. Les schémas régionaux des formations

    En outre, la question de la maltraitance, sous tous ses aspects et pour toutes les catégories de population concernées, pourra, dans le cadre des schémas régionaux de formation, faire l'objet d'une réflexion et d'une prise en compte particulière tant en formation initiale qu'en formation continue, en rappelant leur nécessaire articulation.
    Vous voudrez bien impliquer les centres de formation les professionnels et les employeurs dans cette réflexion.

    4. Les travaux du conseil supérieur
    du travail social (C.S.T.S.)

    Enfin je vous indique que les travaux engagés par le CSTS dans son actuel mandat apportent une contribution à la réflexion concernant les questions de la maltraitance au travers de deux groupes de travail.
    Un groupe élabore un rapport sur la déontologie et l'éthique, lesquelles ne peuvent se dissocier de l'exercice professionnel des travailleurs sociaux et constituent des notions prévalentes lorsqu'il s'agit des enfants et des personnes vulnérables victimes de sévices. Un autre groupe de travail concerne la « violence », dont la violence faite aux usagers. Il analysera à partir d'une enquête de terrain les questions de violence et du travail social.
    Les rapports sont attendus par la Ministre chargée de l'emploi et de la solidarité et la ministre déléguée à la famille et l'enfance. Ils ne manqueront pas de dégager des orientations qui permettront d'enrichir la réflexion des acteurs. Les rapports intermédiaires sont d'ores et déjà disponibles sur le site Internet du ministère.

    Le directeur de l'action sociale,
    P. Gauthier