Bulletin Officiel n°2000-46Direction générale de la santé

Avis de la Commission nationale de certification de l'éradication de la poliomyélite approuvé par le conseil supérieur d'hygiène publique de France le 15 septembre 2000 relatif à la conduite à tenir devant un cas de polio suspect ou confirmé ou devant un isolement de poliovirus

SP 4 435
3155

NOR : MESP0030490V

(Texte non paru au Journal officiel)

Document élaboré par l'institut de veille sanitaire : docteur Denise Antona, docteur Daniel Lévy-Bruhl ; la direction générale de la santé : docteur Roberte Manigat, docteur Martine Lequellec-Nathan et les membres du groupe de travail de la Commission nationale de certification de l'éradication de la poliomyélite : professeur Michèle Aymard, M. Damien Carlier, Mme Sylvie Dubrou, professeur Michel Dumas, docteur Nicole Guérin, docteur Bruno Lina, professeur Jean-Claude Raphaël, professeur Michel Rey, docteur Tarek Sharshar, professeur Marc Tardieu, revu par le professeur François Vachon et le professeur Jacques Frottier (CSHPF)

INTRODUCTION

Depuis 1988, un des objectifs de l'OMS pour l'an 2000 est l'éradication de la poliomyélite antérieure aiguë (PAA). Le dernier cas déclaré dans la région des Amériques remonte à octobre 1991 et la certification de l'élimination de cette maladie y a été prononcée en 1994. Dans la région européenne de l'OMS, où étaient observés en moyenne 200 cas par an dans les années 1990, quelques épidémies sont survenues ces dernières années comme aux Pays-Bas en 1992-1993, dans une communauté religieuse refusant les vaccinations, ou en Albanie en 1995-1996.
A la suite de la mise en place de journées nationales ou régionales de vaccination, seuls 7 cas ont été rapportés en 1997 pour l'ensemble de la région, 26 en 1998, tous situés en Turquie, aucun cas en 1999, ni en 2000 (à la date du 31 août 2000). Sur la base de ces données, la région européenne a engagé le processus de certification de l'élimination de la poliomyélite de la région. Dans ce cadre, chaque pays membre doit pouvoir faire la preuve de l'interruption de la circulation des poliovirus sauvages sur l'ensemble de son territoire.
En France, la surveillance de la poliomyélite repose essentiellement sur la déclaration obligatoire des cas et des décès. Le dernier cas autochtone remonte à 1989, le dernier cas déclaré en 1995 était un cas importé, tous deux concernant des adultes. Le caractère le plus souvent asymptomatique de l'infection par un poliovirus fait cependant de la surveillance des cas cliniques un mauvais indicateur de la circulation virale. Le dernier isolement de poliovirus sauvage chez un sujet n'ayant pas voyagé récemment remonte à 1989. Il semble donc que la circulation des poliovirus sauvages soit actuellement interrompue en France. Cependant la persistance de foyers endémiques dans le monde en développement, principalement en Afrique subsaharienne, dans le sous-continent indien et au Moyen-Orient, rend possible la réintroduction des poliovirus en France. C'est le principal risque à prendre en compte dans notre pays. Une surveillance permettant l'identification la plus précoce possible d'un tel phénomène est aujourd'hui nécessaire.

Rappel clinique

La poliomyélite est une infection virale aiguë consécutive à l'invasion du tractus gastro-intestinal par un poliovirus. Ce virus appartient au genre des Entérovirus, il en existe 3 types (sérotypes 1, 2 et 3). Il présente une grande affinité pour le système nerveux central, avec risque de destruction des corps cellulaires des neurones moteurs au niveau de la corne antérieure de la moelle épinière [1]. Il est extrêmement stable, et peut demeurer viable dans l'environnement pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, en fonction de la température extérieure, du degré d'humidité, de l'ensoleillement, de la concentration en matières organiques et de la présence de bactéries aérobies [2].
La transmission du virus est inter-humaine, soit directe (féco-orale ou respiratoire), soit indirecte par ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Le seul réservoir est l'homme. Dans les pays à faible niveau d'hygiène, autour d'un cas, dans un même foyer, le risque de contagion des personnes susceptibles de contracter l'infection est très élevé, avec un taux de séroconversion pouvant aller jusqu'à 100 % pour les enfants, et 90 % pour les adultes. La contagiosité est maximale dans un intervalle de 7 à 10 jours avant et après le début des signes.
L'incubation dure de 3 à 21 jours. L'infection peut s'exprimer selon une symptomatologie variée [1,3]. Dans la très grande majorité des cas (90 à 95 %), l'infection reste inapparente. Lorsqu'elle s'exprime cliniquement (4 à 8 % des infections), elle débute sous forme d'un syndrome fébrile aigu pseudo-grippal, non spécifique, sans signes d'atteinte du système nerveux central (mais l'existence de myalgies très intenses doit attirer l'attention). Dans 1 à 2 % des infections, ce syndrome s'accompagne d'une méningite lymphocytaire aseptique. Tous ces signes peuvent s'amender spontanément vers la guérison totale en une dizaine de jours, mais, dans moins de 1 % des infections, peuvent survenir, au 6e - 8e jour des paralysies flasques aiguës : classiquement asymétriques, de localisation et d'intensité variable en fonction de l'atteinte neuronale, avec une prédominance de l'atteinte des membres inférieurs par rapport aux membres supérieurs et sans troubles sensitifs objectifs. L'installation des paralysies est en général brutale en quelques heures, avec une extension ascendante, maximale en 3 à 5 jours, en climat fébrile, mettant en cause le pronostic vital quand elles concernent les muscles respiratoires et/ou de la déglutition. En zone endémique, le risque de forme paralytique va de 1 pour 1000 chez l'enfant à 1 pour 75 chez l'adulte.
Le diagnostic différentiel est extrêmement difficile dans les formes non paralytiques. Le syndrome méningé, lorsqu'il existe, n'est pas différent de celui des autres méningites virales.
Si les caractéristiques sémiologiques des paralysies suffisent le plus souvent pour évoquer le diagnostic de PAA, les diagnostics différentiels les plus fréquemment évoqués devant une paralysie flasque aiguë (PFA) sont : le syndrome de Guillain-Barré : mais, dans ce cas, le plus souvent la paralysie est symétrique, avec une évolution pouvant durer 15 jours ; dans la majorité des cas, elle s'accompagne de troubles de la sensibilité objective ; les autres signes d'accompagnement sont absents (fièvre, céphalées, nausées et vomissements). Des signes de neuropathie périphérique existent à l'EMG. L'analyse du LCR montre une protéinorachie élevée et l'absence de la pléiocytose observée en cas de poliomyélite ;
- la myélite aiguë transverse : la paralysie, le plus souvent symétrique, d'abord flasque, devient secondairement spastique, s'accompagnant de signes sensitifs et d'atteinte sphinctérienne ;
- les autres diagnostics pouvant être évoqués sont : les compressions aiguës de la moelle épinière ou de la queue de cheval, les paralysies traumatiques (dont celles liées aux injections intramusculaires), les infections dues à d'autres virus (entérovirus, arbovirus), les neuropathies diphtérique ou botulique (déficit descendant, trouble de l'accommodation évocateurs).

Rappel biologique

Les poliovirus sont des virus à ARN appartenant à la famille des Picornaviridae et au genre Entérovirus, dépourvus d'enveloppe et caractérisés par leur petite taille et une capside présentant une symétrie icosaédrique.
Après ingestion, le virus va infecter les cellules épithéliales de l'oropharynx, des amygdales, des ganglions cervicaux, de l'intestin grêle et des plaques de Peyer. La réplication virale permet la progression de l'infection par destruction des cellules infestées, le système nerveux central étant ensuite infecté à la suite de virémies.
Le diagnostic d'infection par un poliovirus repose sur les techniques suivantes :

  • isolement du virus par culture ;

  • diagnostic par PCR ;
  • diagnostic sérologique ;
  • Isolement et identification du virus par culture

    La culture cellulaire est la technique de référence pour l'isolement et l'identification des poliovirus et des autres entérovirus.
    Les poliovirus peuvent être isolés par prélèvement au niveau de la gorge et des selles. Contrairement à ce qui se passe pour d'autres entérovirus, les poliovirus sont très rarement isolés à partir du LCR.
    La recherche du poliovirus dans les selles constitue l'examen de choix. Le poliovirus peut y être retrouvé pendant 3 à 6 semaines après le début des signes, voire plus longtemps [1,2]. L'échantillon de selles doit être traité afin d'éliminer bactéries et champignons. Les cultures cellulaires sont réalisées sur des systèmes classiques : Hep2 (carcinome humain de larynx), RD (rhabdomyosarcome humain), BGM (tissu cancéreux simien), MRC5 (cellules diploïdes de fibroblastes embryonnaires humains), L. 20B (cellules de souris exprimant le gène du récepteur polio) [4, 5, 6].
    En ce qui concerne les prélèvements pharyngés, la durée d'excrétion courte (1 à 2 semaines après l'infection) et une concentration de virus 10 fois inférieure à celle observée dans les selles en font un examen moins performant, mais qui reste utile.
    L'identification permet de différencier les poliovirus des autres entérovirus et de caractériser les différentes souches de poliovirus. Elle est réalisée par neutralisation à l'aide de pools« de sérums puis de sérums monovalents. La différenciation des souches de poliovirus vaccinales et non vaccinales est basée sur la neutralisation du virus par des anticorps monoclonaux spécifiques :

    En cas d'identification d'un poliovirus, la séro-neutralisation permet donc de distinguer les souches vaccinales des souches non vaccinales, mais aussi de différencier les 3 types de virus.

    Identification du virus par PCR

    Depuis 1994, des tests d'amplification (RT-PCR semi nichée) sont utilisés en routine, essentiellement sur le LCR.
    Ils permettent :

  • le diagnostic rapide de méningite à entérovirus ;

  • la distinction entre entérovirus non polio (EVNP) et poliovirus.
  • Le principe de la différenciation moléculaire poliovirus/entérovirus-non polio est résumé dans le schéma suivant.
    Principe de la différenciation moléculaire poliovirus / entérovirus non-polio :

    Diagnostic sérologique

    Une apparition d'anticorps signant une séroconversion ou l'augmentation du titre des anticorps (x 4 ou plus) sont nécessaires pour affirmer le diagnostic. Les anticorps neutralisants apparaissant très tôt dans l'histoire de la maladie, le premier prélèvement doit donc être réalisé précocement pour pouvoir observer une augmentation du titre. Les techniques les plus utilisées sont les tests de neutralisation.

    Analyse génétique des souches

    Traçage des souches : l'extrémité 5'UTR ou la région VP1-2A est séquencée puis comparée avec les séquences d'autres souches pour établir une relation phylogénique permettant de déterminer l'origine géographique des souches. Ce traçage est possible pour toutes les souches, mais ne présente d'intérêt pratique que pour les souches non vaccinales.
    Les souches non vaccinales isolées chez l'homme sont désormais envoyées au Centre de référence Robert-Koch (Allemagne) pour en confirmer l'identification.

    Le calendrier vaccinal

    En France, l'obligation de vaccination contre la poliomyélite a été instituée par la loi n° 64-643 du 1er juillet 1964 [article L. 3111-3 du code de la santé publique (ancien article L. 7-1)]. Le calendrier vaccinal actuel inclut 3 doses de vaccin injectable inactivé à l'âge de 2, 3 et 4 mois, un premier rappel à 16-18 mois, un 2e rappel à 6 ans, un 3e à 11-13 ans et un 4e à 16-18 ans. Après cet âge, une dose de rappel est recommandée tous les dix ans tout au long de la vie. L'utilisation du vaccin polio oral est réservée aux situations épidémiques.
    A l'échelon national, depuis 1994, la couverture vaccinale à 24 mois se maintient à 97 % pour les 3 premières doses et entre 88 et 89 % pour les trois premières doses et le premier rappel (données DREES).
    Une enquête nationale effectuée en 1989 par le SESI et l'INSEE avait permis d'estimer la couverture vaccinale chez l'adulte : elle était supérieure à 80 % chez les moins de quarante ans, prouvant que les immunisations primaires et les premières doses de rappel étaient faites correctement. Mais, après quarante ans, la couverture vaccinale diminuait de façon importante (chutant à moins de 20 % chez les plus de soixante-cinq ans), montrant l'insuffisance de la pratique des rappels.

    Epidémiologie

    En France, la surveillance de la poliomyélite et de la circulation des poliovirus est basée sur :

  • la déclaration obligatoire des cas ;

  • la surveillance de la circulation du poliovirus au sein de la population par les laboratoires de virologie ;
  • la surveillance dans l'environnement.
  • *

    La déclaration obligatoire des cas

    La poliomyélite est à déclaration obligatoire depuis 1936, avec, comme critère de déclaration des cas, « poliomyélites paralytiques ou méningées ». Son incidence a chuté de façon spectaculaire après l'introduction du vaccin injectable en 1958 et du vaccin oral en 1962, de 4 109 cas en 1957 à 68 cas en 1969 (fig. 1). Au cours de ces dernières années, le nombre de cas déclarés a continué de décroître, passant de 26 cas en 1978, à 2 cas en 1989 : un poliovirus sauvage de type 1, chez un sujet de cinquante-deux ans, non vacciné, et un poliovirus sauvage de type 3 chez une fillette de sept mois, également non vaccinée. Depuis 1989, aucun cas autochtone et un seul cas importé (en 1995) ont été notifiés. La maladie devenant très rare, le diagnostic pour ce dernier cas a été tardif et l'isolement du virus a été impossible. Il s'agissait d'un sujet de 27 ans, hospitalisé pour quadriplégie avec détresse respiratoire. Il était incomplètement vacciné, et de retour récent d'une zone d'endémie. Le diagnostic a été fait par la mise en évidence d'anticorps anti polio de type 1 et une réaction PCR positive dans le liquide céphalorachidien. Le retard de la notification a considérablement gêné la réalisation de l'investigation épidémiologique.
    Onze cas de paralysie associés au vaccin polio oral (1) ont été déclarés entre 1979 et 1986. Six étaient survenus après la 1re dose vaccinale et le risque avait été évalué à 0,3 cas par million de doses administrées. En 1982, la recommandation d'utilisation préférentielle d'un vaccin injectable a donc été émise par la direction générale de la santé. Un seul cas vaccinal parmi les 11 cités est survenu depuis 1982, et aucun cas n'est survenu depuis 1986.
    Fig. 1 : La poliomyélite antérieure aiguë en France de 1949 à 1998
    Entre 1977 et 1984, 67 % des cas de poliomyélite sont survenus chez des enfants de moins de cinq ans. Les 3 types de virus étaient en cause, le type 1 étant le plus fréquent puis le type 3 et enfin le type 2.
    En revanche, depuis 1986, le type 3 est le plus fréquemment retrouvé (4 fois contre 3 fois pour le type 1) et 2 des 3 derniers cas sont survenus chez des adultes.
    La surveillance de la circulation du poliovirus au sein de la population par les laboratoires de virologie.
    Des informations sur les isolements des entérovirus réalisés dans la plupart des laboratoires de virologie hospitaliers étaient, jusqu'en 1998, disponibles à travers le réseau EPIVIR, coordonné par l'Institut de veille sanitaire (INVS). Chaque mois, ces laboratoires adressaient le bilan de leur activité virologique à l'INVS (virus identifiés, méthode d'identification, date de prélèvement, type de prélèvement, âge et sexe du patient, signes cliniques).
    L'analyse des déclarations du réseau EPIVIR a permis :

    Au cours des années 1991-1998, 77 virus ont été identifiés par ces laboratoires lors d'un syndrome de Guillain-Barré ou d'une polyradiculonévrite, quel que soit le type de prélèvement (LCR, sang, selles, urines...), dont 35 cytomégalovirus (45 %), 9 virus ourliens (12 %), 2 entérovirus non poliomyélitiques (3 %) mais aucun poliovirus.
    Au cours des années 1994-1998, 920 virus ont été identifiés lors d'un syndrome méningé, dont 392 entérovirus non poliomyélitiques (43 %) mais aucun poliovirus. Précisons cependant qu'un nombre important de méningites aseptiques ne font pas l'objet d'une recherche virologique.
    En 1995, un poliovirus de type 1, non conforme aux souches vaccinales et sauvages de référence, a été isolé dans les selles d'une fillette de quatre mois qui avait présenté des convulsions. La fillette avait été vaccinée par le vaccin polio oral à Taïwan.

    D'autre part, depuis 1996, le CNR coordonne un réseau de 9 laboratoires de CHU-CHR, le groupe des entérovirologues français (GEF). Deux de ces laboratoires participaient également au réseau EPIVIR. En 1999, sur 5572 selles analysées, la recherche d'entérovirus par mise en culture était positive pour 199 (3,6 %). De même, sur 3989 LCR prélevés dans le cadre de méningites aseptiques et analysés, 380 (9,5 %) étaient positifs pour les entérovirus par PCR. Parmi ces prélèvements, aucun poliovirus sauvage ou vaccinal n'a été isolé.
    Une surveillance active des entérovirus chez les patients hospitalisés dans les hôpitaux de Lyon, conduite depuis 1976, a montré la disparition des poliovirus alors que les entérovirus non poliomyélitiques continuent de circuler. Dans cette même ville, une surveillance des virus entériques dans 3 crèches menée de 1986 à 1993 a permis d'identifier, au cours de ces 7 années, 7 poliovirus non Sabin-like et 36 poliovirus Sabin-like. Les deux derniers poliovirus non Sabin-like ont été isolés en 1989 et étaient de type 3.
    En janvier 2000, a été mis en place un réseau élargi de laboratoires de virologie effectuant la recherche d'entérovirus : le réseau de surveillance des entérovirus (RSE). Ce réseau est coordonné par le CNR des entérovirus et l'INVS. Il est constitué du réseau GEF (renforcé, avec désormais 16 laboratoires inclus), des laboratoires ayant participé au réseau EPIVIR ainsi que de nouveaux laboratoires volontaires. Ce réseau compte un total de 44 laboratoires répartis sur le territoire métropolitain qui, chaque mois, renvoient au CNR et à l'INVS une partie de leurs données d'activité concernant les entérovirus.

    La surveillance dans l'environnement

    A Paris et ses environs, la surveillance de la circulation des poliovirus dans l'environnement est organisée depuis 1973 par le laboratoire d'hygiène de la ville de Paris, à partir des boues et des eaux d'égouts. La différenciation des souches est réalisée par le Centre national de référence des entérovirus. Cette surveillance concerne environ 9 millions d'habitants, couvre un territoire qui comprend Paris et sa périphérie, une région qui, par l'importance de ses mouvements de population et de ses caractéristiques démographiques et socio-économiques, présente un des risques les plus élevés de reprise de la circulation virale en cas d'importation de poliovirus. De plus, cette région inclut les aéroports de Paris qui, en 1999, ont accueilli 24 millions de voyageurs internationaux.
    Les résultats de cette surveillance sont corrélés avec les données de surveillance épidémiologique. Un poliovirus non Sabin-like de type 1 et un poliovirus Sabin-like de type 2 ont été identifiés en 1993 ; un poliovirus Sabin-like de type 3 a été trouvé en 1995 ; un poliovirus non Sabin-like de type 3 en 1996 ; 1 poliovirus de type 2 non Sabin-like et 3 poliovirus Sabin-like de type 3 en 1997 ; 4 souches de poliovirus Sabin-like type 1 et 2 en 1998. Aucun poliovirus n'a été identifié en 1999.
    Conduite à tenir devant un cas cliniquement suspect ou un isolement de poliovirus
    Le diagnostic de poliomyélite antérieure aiguë est une urgence, tant pour le patient en raison des conséquences fonctionnelles de la maladie, que pour son entourage, en raison des mesures de prévention à mettre en place sans attendre la confirmation du cas.
    Afin d'éviter une reprise de la circulation des poliovirus sauvages à partir d'une importation, une surveillance très sensible permettant l'identification précoce et le signalement immédiat des cas suspects et des isolements de poliovirus est nécessaire. Ces mesures sont conformes au décret du 6 mai 1999 fixant les modalités de transmission à l'autorité sanitaire des données individuelles concernant les maladies visées à l'article L. 3113-1 du Code de la santé publique (ancien art. L. 11). Ce texte stipule que la déclaration sans délai de certaines maladies contagieuses est obligatoire par le médecin ou le responsable du service de biologie, ou du laboratoire d'analyses de biologie médicale public ou privé, au médecin inspecteur de santé publique de la DDASS (MISP). Cependant, il précise également que, pour les maladies nécessitant la mise en place d'urgence de mesures de prévention individuelles et collectives et la mise en oeuvre d'investigation, un signalement doit être réalisé dès le stade de suspicion du diagnostic.
    Ce signalement a pour objectif :

  • de mettre en place, devant une suspicion clinique de poliomyélite et avant même la confirmation du diagnostic, une investigation du cas et de son entourage ;

  • de recueillir des informations permettant de rechercher l'origine de la contamination et en particulier d'orienter vers un diagnostic de polio vaccinale ou sauvage, importée ou autochtone ;
  • de s'assurer de la confirmation biologique du cas et de l'acheminement des prélèvements au CNR dans les délais et les conditions adéquates ;
  • de renforcer les mesures d'hygiène ;
  • d'assurer un rattrapage de la vaccination chez les sujets contacts.
  • Le MISP doit lui même, sans attendre, alerter les autorités sanitaires compétentes (DGS, INVS). Le cas échéant, une cellule de crise incluant la DGS, l'INVS, le CNR, le clinicien en charge du cas et un ou plusieurs membres de la commission nationale de certification de l'éradication de la poliomyélite pourra être constituée. Des modalités de communication telles qu'une conférence téléphonique permettant des échanges rapides avec l'ensemble des acteurs pourraient être mises en oeuvre.

    I. - CAS SUSPECT CLINIQUEMENT

    Formes non paralytiques : actuellement il est exceptionnel, en France, de devoir évoquer à leur sujet le diagnostic de PAA. Le diagnostic sera donc orienté en fonction du contexte épidémiologique, à savoir la résidence ou un voyage en pays d'endémie (cf. carte ci-dessous) associé ou non à une mauvaise couverture vaccinale, et du bilan biologique (en particulier l'examen de selles) mis en oeuvre sans tarder.
    Formes paralytiques : le diagnostic de poliomyélite antérieure aiguë devra être systématiquement évoqué et les recherches virologiques effectuées devant tout cas de paralysie flasque aiguë exempt de troubles sensitifs objectifs. La préexistence de douleurs dans le territoire paralysé, la présence d'une fièvre, d'une raideur méningée et d'une asymétrie du déficit moteur, la constitution rapide d'une amyotrophie renforcent cette suspicion diagnostique.
    L'apparition d'une paralysie flasque en climat fébrile est toujours une urgence diagnostique, surtout lorsqu'elle est brutale, et doit faire évoquer le diagnostic de PAA, que le contexte épidémiologique soit suggestif ou non. Le cas sera défini comme fortement suspect en cas de séjour récent en pays d'endémie (cf. carte ci-dessous) et en l'absence de vaccination.
    En cas de forte suspicion du diagnostic de poliomyélite paralytique, l'examen clinique ne devra pas faciliter les efforts musculaires et les injections intra-musculaires sont à proscrire tant que persiste la phase fébrile, afin de ne pas faciliter l'extension des paralysies. De même, et dans ce cas seulement, spécialement chez l'adulte, la ponction lombaire devrait être différée à la période d'apyrexie.

    Poliomyélite : situation dans le monde en 1999

    L'attente de la réalisation de la ponction lombaire et de l'électromyogramme ne doit en aucun cas différer les prélèvements virologiques (et notamment de selles) dès que le diagnostic de PAA est suspecté. Un éventuel électromyogramme mettrait en évidence un tracé neurogène associé parfois à des potentiels musculaires géants et une fibrillation. Contrairement aux neuropathies périphériques, il n'existe en revanche aucune altération des latences, des vitesses de conduction ni des potentiels distaux sensitifs et moteurs.

    1.1. Informations à recueillir et bilan à pratiquer chez le patient suspect

    Un signalement par téléphone à la DDASS est impératif dès le stade de suspicion du diagnostic de poliomyélite.

    Informations à recueillir pour tout patient suspect

    Statut vaccinal du cas : nombre de doses de vaccin oral ou parentéral, dates et numéro de lot ; en particulier : le patient a-t-il reçu une dose de polio oral dans les trente jours précédant le début des signes ? (ou bien quelqu'un de son entourage, dans les soixante jours précédant le début des signes ?)
    Voyages effectués dans les trente jours précédant le début des signes.
    Terrain et pathologies chroniques (en particulier notion d'immuno-dépression).

    Bilan biologique du cas suspect

    Rien ne doit différer le bilan biologique, en particulier les autres bilans complémentaires (EMG, IRM, etc.) qui même s'ils peuvent être utiles, ne doivent en aucun cas retarder la réalisation des examens biologiques.
    Recherche du virus dans les selles :
    Un premier prélèvement doit être effectué le plus tôt possible (de préférence dans les sept premiers jours après le début des signes), suivi d'un 2e prélèvement à 24-48 heures d'intervalle. Chaque échantillon doit avoir le volume d'une noix, il devra être placé dans un flacon sec, propre, hermétique, et être entreposé dans un réfrigérateur. Si un prélèvement de selles ne peut être obtenu, un écouvillonnage rectal peut être réalisé mais ce mode de prélèvement entraîne un recueil de selles de volume très restreint, ne permettant pas de conserver d'échantillon au laboratoire. Le prélèvement doit être envoyé au laboratoire du CHU/CHR le plus proche, parvenir au laboratoire en étant conservé à une température de 4-8° C, dans les 72 heures suivant le recueil. Si ce délai ne peut être respecté, le prélèvement doit être congelé à - 20° C et expédié congelé au laboratoire (4). Dans tous les cas, il doit être accompagné d'une fiche précisant : nom, prénom, âge, sexe, motif du prélèvement, statut vaccinal et signes cliniques présentés par le patient, ainsi que les nom et adresse du prescripteur. Les entérovirus isolés par les laboratoires de virologie des CHU/CHR doivent être adressés au Centre national de référence des entérovirus de Lyon pour complément d'identification (Mme le professeur Aymard, M. le docteur Lina, laboratoire de virologie CHU-Lyon, domaine Rockfeller, 8, avenue Rockfeller, 69373 Lyon Cedex 8).
    Les prélèvements nasopharyngés à des fins de mise en culture, même s'ils ne sont pas préconisés comme examen de choix par l'OMS (4), constituent un examen complémentaire utile.
    Recherche dans le LCR afin de réaliser une PCR, permettant non seulement de détecter les entérovirus, mais de faire la distinction entre entérovirus non-polio et poliovirus (il est important de conserver un 2e tube de LCR au congélateur). L'étude du liquide céphalorachidien peut être normale, montrer une hyperprotéinorachie modérée isolée ou associée à une hyper leucocytose (rappel : en cas de paralysie fébrile, ce prélèvement doit être différé tant que persiste la pyrexie).
    Recherche d'une séroconversion ou d'une augmentation significative (au moins x 4) d'anticorps neutralisants : un premier prélèvement sérologique à la recherche d'anticorps spécifiques des poliovirus doit être réalisé immédiatement et un 2e échantillon prélevé quinze jours plus tard (comme pour le LCR, il est important de conserver un tube témoin de sérum au congélateur). La sérologie pourra mettre en évidence une élévation des titres alors que culture et PCR seraient restées négatives.

    Mesures de contrôle à mettre en oeuvre immédiatement

    Devant un cas suspect de poliomyélite, il n'existe pas de mesure d'hygiène spécifique à prendre en plus du strict respect des précautions standard (2), avec désinfection simultanée de tous les objets souillés par des déjections du patient. L'élimination des déchets peut s'opérer selon les normes habituelles. Le recours à la chambre isolée n'est justifié qu'en cas de patient agité ou à l'hygiène précaire (10, 11).
    2. Conduite à tenir vis-à-vis de l'entourage du cas suspect de poliomyélite (sans attendre les résultats des tests effectués pour confirmer le cas)
    L'entourage du cas est défini comme toute personne partageant une certaine proximité avec le cas, en particulier susceptible de partager les mêmes sanitaires ; c'est-à-dire : vivant sous le même toit que le cas, fréquentant les mêmes lieux collectifs (crèches, écoles maternelles, institutions spécialisées, internats, même classe dans l'établissement scolaire), à l'exclusion des milieux professionnels.

    Informations à recueillir

    Recherche d'autres cas suspects dans l'entourage du cas.
    Vérification du statut vaccinal de l'entourage, afin de s'assurer que le calendrier vaccinal est effectivement à jour, c'est-à-dire que chacun a effectivement reçu le nombre de doses vaccinales nécessaires à son âge tel que prévu par le calendrier vaccinal. Cette vérification du statut vaccinal doit inclure la recherche d'antécédents de vaccination avec un vaccin polio oral, dans les deux mois précédents.

    Bilan à réaliser

    Prélèvement systématique, chez toute personne vivant sous le même toit que le cas suspect, de deux échantillons de selles, effectué de façon contemporaine aux examens réalisés pour le cas. Dans l'éventualité d'un cas fréquentant une crèche ou une maternelle, les prélèvements seront aussi pratiqués chez toutes les personnes fréquentant le même établissement que le cas.
    S'il s'agit d'un cas fortement suspect, les prélèvements concerneront l'ensemble des sujets dans l'entourage du cas, tel que défini plus haut.

    Mesures de contrôle à mettre en oeuvre immédiatement

    Mise à jour du statut vaccinal de l'entourage avec le vaccin polio injectable (CTV du 23 mars 2000).

    II. - Cas confirmé ou isolement de poliovirus
    en laboratoire

    En cas de confirmation du diagnostic par culture, le virus isolé par les laboratoires de virologie des CHU/CHR sera typé sur place et/ou par le Centre national de référence des entérovirus de Lyon si la technique n'est pas disponible localement. Toutes les souches doivent être adressées au CNR pour la différenciation entre les souches, vaccinales Sabin-like, sauvages et non Sabin-like.

    1. S'il s'agit d'un poliovirus vaccinal ou d'une paralysie post-vaccinale
    (définie par la présence de poliovirus Sabin-like dans les selles) :
    Informations à recueillir

    Il n'y a pas lieu de poursuivre les investigations, mais si cela n'a pas déjà été fait lors du bilan initial autour du cas suspect, il faut vérifier le statut vaccinal du cas et de l'entourage, et s'assurer de l'absence de sujets à risque (en particulier immunodéprimés).

    Bilan à réaliser

    Dans le cas de sujets immunodéprimés (cas et/ou entourage du cas) ou de paralysie post-vaccinale, un examen de contrôle des selles sera effectué au bout de six semaines pour vérifier la disparition du portage.

    Mesures de contrôle à mettre en oeuvre immédiatement

    Mise à jour du statut vaccinal du cas et de l'entourage avec le vaccin polio injectable, si cette mesure n'a pas déjà été prise au stade de la suspicion du cas (CTV du 23 mars 2000).
    Surveillance des sujets à risque.

    2. S'il s'agit d'un poliovirus sauvage ou non Sabin-like
    Informations à recueillir

    Une étude de l'histoire récente du cas afin de préciser le caractère autochtone ou importé du virus est nécessaire : voyage récent en pays d'endémie, contact avec une personne ayant récemment voyagé en pays d'endémie.
    Investigation au niveau de tout l'entourage à la recherche de personnes ayant effectué un voyage récent en pays d'endémie, de personnes présentant des signes cliniques récents ou actuels pouvant faire évoquer une PAA.

    Bilan à réaliser

    Un examen virologique des selles (deux prélèvements à 24 heures d'intervalle) de toute personne de l'entourage tel que défini plus haut, c'est-à-dire ayant partagé une certaine proximité avec le cas, ayant partagé les mêmes sanitaires, ayant vécu sous le même toit que le cas, fréquenté les mêmes lieux collectifs (crèches, écoles maternelles, institutions spécialisées, internats, même classe dans l'établissement scolaire), à l'exclusion des milieux professionnels. Dans le contexte de la France, pays avec un haut niveau d'hygiène, une bonne couverture vaccinale et une interruption documentée de la circulation du virus, la recherche active d'une transmission du virus à l'entourage est justifiée pour pouvoir distinguer la survenue d'un cas sporadique isolé d'une éventuelle épidémie, qui, si elle survenait, ferait alors discuter l'administration de vaccin polio oral, tel que préconisé dans le calendrier vaccinal.
    Recherche du virus dans le milieu extérieur par un laboratoire spécialisé, dans les environs de la résidence du cas (eaux usées, de surface).

    Mesures de contrôle à mettre en oeuvre immédiatement

    Qu'il s'agisse d'un cas clinique ou d'un isolement biologique, il faudra prendre les mesures suivantes (en sus de la prise en charge clinique éventuelle) :