Bulletin Officiel n°2001-16

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992

SS 7
1116

NOR : MESX0100030R

(Journal officiel du 22 avril 2001)

Monsieur le Président,
La mutualité joue un rôle majeur dans notre vie sanitaire et sociale. Composantes essentielles de la protection sociale complémentaire, les mutuelles protègent plus d'un Français sur deux et gèrent plus de mille trois cents réalisations sanitaires et sociales.
La présente ordonnance a pour objet de moderniser les règles applicables au secteur mutualiste et d'assurer la transposition des directives assurances dans le code de la mutualité.
Ainsi que l'a souligné le rapport remis par M. Michel Rocard au Premier ministre, il est possible de transposer ces directives tout en confortant les valeurs de solidarité et de démocratie sociale qui sous-tendent les trois lois fondamentales qui ont régi ce secteur depuis un siècle :
- la loi du 1{er avril 1898 relative aux sociétés de secours mutuels ;
- l'ordonnance n° 45-2456 du 19 octobre 1945 portant statut de la mutualité ;
- la loi n° 85-773 du 25 juillet 1985 portant réforme du code de la mutualité.
A cette fin, il est apparu souhaitable de moderniser les principes communs qui régissent le fonctionnement de l'ensemble des groupements mutualistes, quel que soit le type d'activités qu'ils pratiquent (opérations d'assurance ou gestion de réalisations sociales), et de transposer en droit interne le principe de spécialité sans altérer les solidarités institutionnelles du mouvement mutualiste.
Six orientations principales ont été retenues pour la rédaction de cette ordonnance :
1° Ce texte reconnaît la spécificité de l'acte d'adhésion à un organisme mutualiste qui permet de participer au fonctionnement de la mutuelle et de nouer avec celle-ci des relations contractuelles qui sont définies collectivement par l'assemblée générale des mutualistes, seule habilitée à modifier les garanties offertes ou le taux de cotisation. Cette particularité mutualiste mérite d'être protégée lorsque le terme « mutuelle » est indûment utilisé par des opérateurs commerciaux peu scrupuleux ;
2° Il consacre des principes mutualistes qui s'imposent aux mutuelles et unions gestionnaires de réalisations sanitaires et sociales et particulièrement à celles offrant des couvertures complémentaires santé, fondés sur l'absence de sélection médicale, l'absence d'individualisation des cotisations en fonction de l'état de santé et le caractère viager de la garantie, dès l'adhésion à la mutuelle, principes qui animent déjà, en pratique, la vie mutualiste ;
3° Il met en oeuvre le principe de spécialité en prévoyant la création de structures mutualistes dédiées soit aux opérations d'assurance, soit à la gestion des réalisations sanitaires et sociales, tout en ménageant les liens entre ces structures. Conformément aux orientations dégagées par le rapport Rocard, en concertation avec la Commission européenne, il ouvre aux mutuelles pratiquant des opérations d'assurance complémentaire santé la possibilité d'offrir à leurs membres participants, par l'intermédiaire de leurs réalisations sanitaires et sociales, des prestations en nature présentant un caractère accessoire et soumises aux règles prudentielles des directives assurances ;
4° Il améliore la transparence financière des organismes mutualistes en rendant l'assemblée générale, organe souverain, destinataire des informations comptables et financières nécessaires à leur contrôle ;
5° Il met en place un véritable statut de l'élu mutualiste en prévoyant l'indemnisation, dans des conditions de parfaite transparence, des pertes de gains professionnels subies par les administrateurs qui continuent ou cessent d'exercer en totalité ou en partie leur activité professionnelle. Il réglemente également les cumuls de mandat et fixe des limites d'âge ;
6° Il redéfinit le rôle des fédérations. Celles-ci assureront la représentation des intérêts matériels et moraux de leurs membres. Elles pourront également mettre en oeuvre des actions en matière de santé et de prévention des risques sociaux. Elles ne pourront plus pratiquer directement des opérations d'assurance, mais pourront créer des unions dédiées soit à la réassurance, soit à la gestion de systèmes fédéraux de garantie. Ces derniers veilleront au bon fonctionnement des mutuelles adhérentes et se substitueront aux mutuelles défaillantes pour le paiement des prestations dues aux membres participants.
La plupart de ces mesures, annoncées par la ministre de l'emploi et de la solidarité lors du centenaire de la loi de 1898 sur la mutualité, sont issues d'une large concertation avec le mouvement mutualiste. A l'issue de la refonte du code de la mutualité, le mouvement mutualiste disposera ainsi d'un cadre juridique modernisé qui lui permettra d'assurer pleinement son rôle d'acteur de la protection sociale complémentaire solidaire.

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L'article 1er de l'ordonnance approuve la nouvelle rédaction de la partie législative du code de la mutualité, composée de six livres qui comprennent à la fois certaines dispositions actuellement en vigueur, et de nouveaux articles réformant en profondeur le régime juridique des organismes mutualistes.
Le livre Ier porte sur l'objet des mutuelles et sur les règles de fonctionnement communes à l'ensemble des organismes mutualistes, quelle que soit leur activité (opérations d'assurance ou gestion des réalisations sociales). Ce livre comporte cinq chapitres.
Le chapitre Ier, relatif à l'objet des mutuelles, introduit des dispositions nouvelles rendues nécessaires par les directives assurances et modernise les dispositions actuelles du code de la mutualité.
En ce qui concerne les dispositions nouvelles issues du droit communautaire, ce chapitre élargit le domaine d'intervention des mutuelles dans le champ des activités assurantielles. Il introduit également le principe de spécialité défini à l'article 8 (b) de la directive 73/239/CE du 24 juillet 1973. Il introduit donc la séparation des activités d'assurance de celles de gestion de réalisations sanitaires et sociales, dans des mutuelles dédiées (art. L. 111-3 et L. 111-4), tout en préservant des liens institutionnels entre les deux types de structures. Il ouvre également aux mutuelles pratiquant des opérations vie et capitalisation la faculté de pratiquer des opérations maladie et incapacité invalidité, conformément à l'article 13 de la directive 79/267/CE du 5 mars 1979. Enfin, il reconnaît aux mutuelles dédiées à l'assurance complémentaire santé la faculté de verser, dans certaines limites, des prestations en nature (III de l'article L. 111-1).
Le chapitre Ier redéfinit le rôle des fédérations et leur donne la possibilité de créer des systèmes fédéraux de garantie (art. L. 111-5 et L. 111-6).
Le chapitre II consacre les principes mutualistes qui s'imposent à l'ensemble des organismes mutualistes et assure la protection du terme « mutuelle » en cas d'utilisation frauduleuse de ce label (art. L. 112-1 à L. 112-2).
Le chapitre III affirme le rôle souverain de l'assemblée générale en matière de constitution, de fusion, de scission et de dissolution (art. L. 113-1 à L. 113-4).
Le chapitre IV traite des règles de fonctionnement communes à l'ensemble des mutuelles, unions et fédérations. Il comporte sept sections respectivement consacrées aux thèmes suivants.
La section 1 définit l'adhésion aux organismes mutualistes et les droits et obligations de leurs membres (art. L. 114-1 à L. 114-3).
La section 2 énumère les mentions qui devront figurer dans les statuts des mutuelles, des unions et des fédérations (art. L. 114-4 à L. 114-5).
La section 3 affirme la primauté de l'assemblée générale en vue d'assurer une complète transparence financière des organismes mutualistes à l'égard de leurs membres participants et honoraires (art. L. 114-6 à L. 114-15).
La section 4 traite du rôle et du fonctionnement du conseil d'administration (art. L. 114-16 à L. 114-20).
La section 5 améliore le fonctionnement démocratique des organismes mutualistes en définissant précisément les conditions dans lesquelles les administrateurs et, le cas échéant, le directeur général exercent leurs fonctions : limitation du cumul de mandats, limite d'âge, conventions réglementées. Elle dote également les administrateurs mutualistes d'un véritable statut destiné à les indemniser de leurs éventuelles pertes de gains professionnels et à verser une rémunération à ceux d'entre eux qui exercent des fonctions assimilables à celles exercées par les « mandataires sociaux » dans les sociétés commerciales (art. L. 114-21 à L. 114-37).
La section 6 relative aux dispositions financières et comptables renforce le contrôle interne des organismes mutualistes en leur imposant de nommer des commissaires aux comptes qui exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (art. L. 114-38 à L. 114-46).
La section 7 regroupe les sanctions pénales réprimant les infractions aux dispositions des chapitres Ier à IV (art. L. 114-47 à L. 114-55).
Le chapitre V reprend les règles particulières fixées par l'actuel code de la mutualité pour les organismes mutualistes à caractère professionnel : mutuelles d'entreprise, mutuelles à caractère interprofessionnel et mutuelles de militaires.
Le livre II concerne exclusivement les mutuelles et unions dédiées aux opérations d'assurance et de capitalisation. Il comprend deux titres respectivement consacrés aux règles de fonctionnement applicables aux groupements mutualistes pratiquant des activités d'assurance (titre I{er) et aux règles régissant les relations de ces groupements avec leurs membres participants et honoraires (titre II).
Le titre I{er comporte trois chapitres :
Le chapitre I{er porte sur l'accès à l'activité d'assurance et sur les conditions à remplir par les groupements mutualistes qui sollicitent un agrément leur permettant d'intervenir en libre établissement et en libre prestation de services dans l'ensemble des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen. Il transpose en droit interne les règles des directives assurances et, conformément au principe posé par l'article 3 de la directive 73/239/CE, dispense du respect des règles prudentielles les groupements mutualistes qui ont conclu une convention de substitution avec un autre groupement mutualiste qui pratique des opérations de même nature.
Le chapitre II concerne le fonctionnement des groupements mutualistes pratiquant des activités d'assurance. Il comporte quatre sections respectivement consacrées au régime financier, comptable, à la création de succursales dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, aux règles particulières en matière de fusion, scission et liquidation spéciale des entreprises d'assurance, et aux « sûretés » qui grèvent l'actif mobilier (privilèges) et immobilier (hypothèque) des groupements mutualistes qui font l'objet d'une procédure de liquidation spéciale suite à un retrait d'agrément.
Le chapitre III instaure les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations prévues par le livre II.
Le titre II comporte six chapitres qui fixent le nouveau cadre juridique régissant les engagements contractuels pris par les organismes mutualistes pratiquant des opérations d'assurance et de capitalisation à l'égard de leurs membres participants et honoraires (art. L. 221-1 à L. 226-1).
Le livre III contient les dispositions régissant les mutuelles consacrées exclusivement à la gestion des réalisations sanitaires et sociales. Il comporte deux titres concernant respectivement la constitution et le fonctionnement de ce type d'organisme et son champ d'intervention. Le régime juridique de ces organismes mutualistes reprend les dispositions existantes du code de la mutualité en assouplissant les règles régissant leur création. En effet, ces groupements acquièrent la personnalité morale lorsqu'ils satisfont à trois conditions : tenue d'une assemblée générale constitutive, respect des règles d'activités applicables à leur champ d'intervention et inscription au registre national des mutuelles.
Le livre IV concerne les organes administratifs de la mutualité. Il comporte trois titres respectivement consacrés :
- au Conseil supérieur de la mutualité, qui se voit assigner de nouvelles missions consultatives notamment en matière d'agrément, de bonnes pratiques applicables à l'activité et au fonctionnement des mutuelles et de gestion du registre national des mutuelles ainsi qu'aux comités régionaux de coordination de la mutualité qui remplacent les comités départementaux et élisent les représentants des organismes mutualistes au Conseil supérieur de la mutualité (titre I{er) ;
- à l'incitation à l'action mutualiste, qui reprend les dispositions existant dans l'actuel code de la mutualité concernant les missions et les conditions de fonctionnement du fonds national de solidarité et d'action mutualistes (titre II) ;
- au fonds de garantie destiné à indemniser les assurés mutualistes en cas d'insolvabilité d'une mutuelle ou d'une union pratiquant des opérations d'assurance et qui intervient à titre subsidiaire, après l'intervention des systèmes fédéraux de garantie (titre III).
Le livre V concerne le contrôle des mutuelles par une autorité administrative indépendante, dénommée commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. Cette dernière exercera un contrôle sur l'ensemble des groupements mutualistes quelle que soit leur activité (assurances ou gestion de réalisations sociales ou systèmes fédéraux de garantie) et disposera de pouvoirs identiques à ceux de la commission de contrôle des assurances sur les groupements pratiquant des activités d'assurance. Elle disposera également, sur les mutuelles dédiées aux réalisations sanitaires et sociales, de pouvoirs identiques à ceux qui lui sont reconnus par le code actuel : nomination d'administrateurs, transfert d'un établissement sanitaire ou social à un autre organisme mutualiste, liquidation de l'établissement (art. L. 510-10).
Le livre VI précise que les dispositions du code de la mutualité sont d'ordre public et qu'en l'absence de dispositions législatives contraires, ses modalités d'application sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'article 2 prescrit le remplacement des références aux dispositions abrogées par l'article 4 par les références correspondantes du code de la mutualité.
L'article 3 abroge les dispositions du code actuel.
L'article 4 précise les conditions d'entrée en vigueur du code de la mutualité.
L'article 5 prévoit les dispositions transitoires.
Les articles 6 et 7 comprennent des dispositions relatives aux entreprises d'assurance régies par le code des assurances et aux institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale qui sont dotées d'une nouvelle procédure de liquidation spéciale et d'un fonds de garantie propre au secteur paritaire et instituent une taxe visant à financer les frais de contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. En outre, l'article 6 (XXXI) vise à remédier à un précontentieux avec la Commission, portant sur l'obligation de rédiger les contrats d'assurance en langue française. Les dispositions proposées s'attachent à concilier le respect du droit communautaire, la protection du consommateur et la défense de la langue française. Ce même article (XXXII) tire les conclusions de l'invalidation de la fiche signalétique des contrats d'assurance par la Cour de justice des Communautés européennes.
Enfin, l'article 8 de l'ordonnance consacre le caractère viager des couvertures complémentaires en matière d'assurance santé, souscrites à titre individuel ou collectif facultatif auprès de l'un des trois intervenants de la protection sociale complémentaire.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.