Bulletin Officiel n°2001-35MINISTÈRE DE L'EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITÉ
Direction générale l'action sociale
Direction de la population et des migrations
SECRÉTARIAT D'ÉTAT AU LOGEMENT
Direction générale de l'urbanisme,
de l'habitat et de la construction
Commission interministérielle
pour le logement des populations immigrées

Circulaire DPM/AC 14/ n° 2001-358 du 10 juin 2001 relative au logement des femmes décohabitant de ménages polygames et engagées dans un processus d'autonomie

PM 2 23
2327

NOR : MESH0130562C

(Texte non paru au Journal officiel)

La ministre de l'emploi et de la solidarité, la secrétaire d'Etat au logement, le délégué général de la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées, à Mesdames et messieurs les préfets de département Depuis la loi n° 93-1072 du 24 août 1993, le législateur a entendu proscrire très fermement l'existence d'une polygamie effective sur le sol français en demandant aux préfets de refuser la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour au ressortissant étranger polygame et à ses conjoints autres que le premier.
S'agissant des familles polygames ayant été admises au séjour avant l'entrée en vigueur de la loi précitée et pour lesquelles l'administration a compétence liée pour refuser le renouvellement des cartes de résidents, la circulaire du ministre de l'intérieur du 25 avril 2000 a prévu, en raison de l'ancienneté de présence de ces familles en France, l'octroi de cartes de séjour temporaires et portant soit la mention « visiteur », soit la mention « salarié » ou « actif non salarié ». Le renouvellement de ces titres est assujetti au fait que les intéressés s'engagent dans un processus de rupture de leurs liens polygamiques.
Dans ce contexte, le gouvernement a défini, dans le cadre d'une circulaire du ministre de l'intérieur en date du 25 avril 2000, une politique reposant sur l'accès à l'autonomie des épouses dans un processus de sortie du régime matrimonial polygame.
Cette autonomie implique très concrètement que les épouses qui quitteront leur conjoint soient en mesure d'assumer pleinement un rôle de chef de famille monoparentale dans toutes ses composantes : éducation des enfants, gestion du budget, liens avec les services administratifs, etc.
L'accès à un logement séparé s'avère être une condition nécessaire pour une autonomie effective.
A la demande de la ministre de l'emploi et de la solidarité et du secrétaire d'Etat au logement, une réflexion a été conduite par le secrétariat de la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI) en liaison avec des associations de soutien aux femmes issues de l'immigration et avec le mouvement HLM. De ces réflexions sont ressorties les orientations suivantes que nous vous demandons de mettre en oeuvre.

1. Le dispositif administratif

La difficulté de mener à bien des actions durables d'autonomie et de décohabitation, le lien entre ces actions et la problématique du droit au séjour nécessitent que soit assurée, sous la responsabilité de l'un de vos collaborateurs directs, une étroite coordination des différents services ou partenaires impliqués :

Pour cela, vous pourrez soit mettre en place une instance spécifique, soit vous appuyer sur les dispositifs existants, notamment sur la commission chargée de l'élaboration du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD).
Quelle que soit l'option retenue, il importe que cette question de sortie de la polygamie soit suivie avec attention.
L'instance, qu'elle soit spécifique ou rattachée à un dispositif déjà existant, assurera le relais avec les procédures classiques existantes sur le département : PDALPD, etc. Elle identifiera les situations, les répercutera et en assurera le suivi et la prise en compte par les dispositifs de droit commun relatifs au logement, à l'accompagnement social et à la formation, notamment linguistique, en vue de faciliter l'insertion des personnes concernées.
Elle établira annuellement en fin d'exercice un bilan de l'état d'avancement, des leviers et des obstacles rencontrés pour faire aboutir sa mission mais aussi des statistiques (non nominatives) et des typologies de cas rencontrés. Elle définira les conditions et les moyens de la médiation entre les familles entrées dans un processus de décohabitation ainsi que les processus concrets pouvant conduire à l'autonomie des femmes.
Elle adressera ce bilan annuel à la Commission Interministérielle pour le Logement des Populations Immigrées au plus tard le 31 décembre de chaque exercice.

2. L'accès à un logement autonome

L'élaboration des accords collectifs départementaux avec les organismes, et celle des programmes locaux de l'habitat ou des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées devront prendre en compte l'analyse de ces situations et répondre aux besoins ainsi identifiés.
En cohérence avec la circulaire commune relative à l'accès au logement des femmes en grande difficulté du 8 mars 2000, signée de la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle et du secrétaire d'Etat au logement, le contingent préfectoral devra être mobilisé pour les familles engagées dans un processus de décohabitation et se heurtant à la non-disponibilité de logements.

2.1. Le parc locatif social

Sauf cas exceptionnel, et d'après les premières estimations, les femmes qui décohabitent ont en général 4 à 5 enfants, aussi le parc classique (type T4-T5) répond-il aux besoins.
Vous ne rechercherez des solutions spécifiques, en dehors du parc classique, que dans les cas exceptionnels qui le justifieraient, afin de ne pas affaiblir le message de l'intégration et de ne pas inciter à la reproduction du régime de la polygamie.
Il convient donc de s'appuyer sur l'offre classique existante en proposant aux femmes concernées des logements ordinaires du parc locatif social correctement intégrés dans l'environnement urbain afin de faciliter leur autonomie en termes de transports, d'accès aux lieux de formation, de travail et aux équipements scolaires et de garde d'enfants.

2.2. La résidence sociale

Toutefois, une transition peut se révéler nécessaire. Elle pourra se traduire par un accueil temporaire en résidence sociale où le gestionnaire est investi d'une mission de gestion locative sociale et où les femmes et leurs enfants pourront plus facilement trouver l'accompagnement social nécessaire pour les préparer à un nouveau mode de vie.
Là où le contexte le justifiera, ces résidences devront prévoir d'accueillir ce type de public en relation avec le PDALPD.
En région Ile-de-France, la SONACOTRA a engagé un programme ambitieux de création de résidences sociales. D'autres opérateurs de résidences sociales pourront être mobilisés selon des modalités adaptées (protocole d'accord, convention-cadre, etc.).
Il convient de réaffirmer le caractère transitoire de ce logement afin de préparer à l'accès au droit commun. Ce principe doit se traduire concrètement par une recherche de logement définitif lors du séjour en résidence sociale et la prise en compte des demandes correspondantes si nécessaire dans les accords collectifs départementaux.

3. La mise en place d'une médiation locative

La réussite de l'ensemble du processus repose sur la capacité des acteurs sociaux à suivre et à soutenir les femmes décohabitant et leurs enfants. De la qualité, de la continuité du suivi social et de l'accompagnement social dépend la réussite d'une politique qui doit être crédible, comprise et acceptée, afin notamment d'apporter des garanties suffisantes, en terme d'accompagnement social des familles, aux bailleurs et aux collectivités locales.
Un accompagnement social significatif et inscrit dans la durée est nécessaire et déterminant pour que les orientations définies par le gouvernement puissent être respectées et produire les effets attendus.

3.1. Les partenaires

En région Ile-de-France, vous vous appuierez prioritairement sur le GIP Habitat et Interventions sociales, qui, fort de son expérience dans le relogement des familles sub-sahéliennes, pourra dans le cadre de conventions départementales assurer un rôle de médiation locative :

Hors la région Ile-de-France, ce rôle du GIP-HIS pourra revenir à des associations.

3.2. Les financements mobilisables

Le financement de ces actions doit prioritairement être recherché dans le droit commun (FSL pour les aides à l'accès et à l'accompagnement social lié au logement, aide à la médiation locative au bénéfice des associations intervenantes).
Toutefois, le FAS pourra intervenir, dans le cadre des crédits qui lui sont alloués, en appui d'actions spécifiques et déterminantes dans le processus d'intégration de ces familles.

La directrice générale
de l'action sociale
Mme Léger

Le directeur de la population
et des migrations
M. Gaeremynck

Le directeur général de l'urbanisme,
de l'habitat et de la construction
M. Delarue

Le délégué général de la commission interministérielle
pour le logement des populations immigrées
M. Rebuffel