Bulletin Officiel n°2001-52

Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002

SS 1 13
3498

NOR : CSCL0105250X

(Journal officiel du 26 décembre 2001)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adoptée le 4 décembre 2001, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Les requérants invoquent, à l'encontre de ce texte, de nombreux moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I. - Sur les critiques dirigées contre l'ensemble de la loi

A. - Les auteurs des recours adressent à plusieurs dispositions de la loi déférée des critiques qui, selon les sénateurs, mettent en cause la constitutionnalité du texte dans son ensemble.
Certaines de ces critiques concernent des transferts de charges au profit du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Selon les requérants, ces transferts porteraient atteinte à l'équilibre financier de la sécurité sociale, et plus précisément à celui de la branche maladie, ainsi qu'à l'équilibre du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Les sénateurs mettent également en cause la contribution, prévue par l'article 42, de la branche maladie au financement du plan « BIOTOX ». Ils critiquent, de même, les dispositions des articles 59 et 68 prévoyant que les excédents de la branche famille pour 2000 abonderont le fonds d'investissement pour la petite enfance et le fonds de réserve des retraites. S'agissant de ce dernier, ils contestent aussi l'article 67, qui lui affecte des recettes précédemment destinées à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
Les députés et sénateurs requérants mettent ensuite en cause la sincérité des prévisions de recettes par catégorie, figurant à l'article 16, et des objectifs de dépenses énoncés à l'article 69. S'agissant des premières, ces évaluations ne tiendraient pas compte de l'évolution de la situation économique et reposeraient sur des recettes hypothétiques. Les sénateurs contestent, en particulier, le fait que la réévaluation des prévisions ne porte que sur la contribution sociale de solidarité des sociétés. S'agissant des dépenses, l'article 69 ne prendrait pas en compte les mesures prévues par les articles 59 et 68, ce qui se traduirait par une fausse amélioration du solde. Les requérants considèrent en outre que la prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) du congé de paternité de devrait pas apparaître dans les objectifs de dépenses de la branche famille, lequel serait surestimé. Selon les auteurs des deux saisines, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) serait, à l'inverse, sous-estimé.
Enfin, les sénateurs, auteurs du second recours, contestent les prévisions révisées pour 2001, figurant aux articles 17, 70 et 72. Ils font en particulier grief au Gouvernement de ne pas avoir réévalué suffisamment les prévisions de recettes.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1. S'agissant des transferts de charges, le recours des sénateurs repose sur des prémisses contestables, dans la mesure où l'argumentation sur laquelle il s'appuie revient à postuler que l'équilibre de chacune des branches - voire celui des organismes concourant au financement de la sécurité sociale - constituerait une condition de la conformité à la Constitution des dispositions introduites dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Or cette thèse ne découle ni de la lettre de la loi constitutionnelle du 22 février 1996, ni des débats qui en ont précédé l'adoption. Sans doute le rétablissement de l'équilibre des comptes sociaux constitue-t-il un objectif que le constituant a entendu prendre en compte. Sans doute aussi le débat auquel donne lieu, chaque année, la loi de financement est-il de nature à permettre que soient réunies les conditions d'un retour à l'équilibre. Mais l'on ne saurait, pour autant, critiquer utilement des dispositions contenues dans une telle loi au seul motif que leur impact sur l'une des branches ou sur l'un des organismes concourant au financement de la sécurité sociale serait négatif.
Le moyen tiré d'une atteinte à l'équilibre, notamment à celui des branches, est donc inopérant.
En tout état de cause, on observera que le régime général demeure globalement excédentaire : ni le projet de loi initial - ainsi que le montre le tableau figurant page 30 de son annexe C -, ni le texte issu du débat parlementaire ne remettent en cause cet excédent.
2. En ce qui concerne la sincérité des prévisions, les différentes critiques contenues dans les recours appellent les trois séries d'observations suivantes :
a) S'agissant en premier lieu des évaluations de recettes, il est nécessaire de bien distinguer ce qui relève des débats d'experts ou de l'appréciation politique de ce qui peut mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale au regard du principe de sincérité.
Les chiffres retenus par le Gouvernement peuvent évidemment faire l'objet de débats mais, au plan juridique, seule une surévaluation manifeste, certaine et volontaire des prévisions dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions, pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité.
Or, tel n'est pas le cas, le Gouvernement s'étant fondé sur des projections étayées par des travaux d'experts, cohérentes avec celles du projet de loi de finances pour 2002 et présentées à la commission économique de la nation du mois de septembre.
Le principe de sincérité s'applique ici à un exercice de prévision qui est marqué par des aléas importants. Il s'agit en effet d'évaluer, avant que l'année soit achevée, les recettes de l'ensemble de l'année suivante ; à ce titre, la prévision des recettes pour l'année 2002 comporte encore plus d'incertitudes que celle de recettes de l'année en cours.
Les hypothèses macro-économiques retenues dans le rapport économique, social et financier (RESF) associé au projet de loi de finances pour 2002 tablent sur une croissance française de 2,3 % en 2001 et 2,5 % en 2002, avec la possibilité d'un point bas à 2,1 % en 2001 et à 2,25 % en 2002 compte tenu des incertitudes notamment liées aux attentats du 11 septembre. La masse salariale du secteur marchand progresserait de 5,8 % en 2001 et de 5,0 % en 2002, avec une croissance de l'emploi salarié de 2,8 % en 2001 et de 1,7 % en 2002 et une croissance des salaires nominaux par tête de 2,9 % cette année et de 3,3 % l'an prochain.
Ces hypothèses rejoignaient celles de l'ensemble des prévisionnistes au début du mois de septembre. A cette date, le consensus des prévisionnistes internationaux (« Consensus Forecast ») envisageait ainsi une croissance française de 2,4 % en 2001 et de 2,5 % en 2002.
Par ailleurs, les dernières prévisions disponibles publiées au cours des deux derniers mois confortent jusqu'à présent ces projections. Certains résultats sont même meilleurs que ce qui était envisagé :