Bulletin Officiel n°2003-27

Observations du Gouvernement sur le recours dirigé
contre la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit

AM 1
2008

NOR : CSCL0306699X

(Journal officiel du 3 juillet 2003)

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs, d'un recours dirigé contre la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, adoptée le 10 juin 2003.
Les requérants articulent, à l'encontre des articles 5, 6, 7, 18, 25, 26 et 34 de la loi, différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

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L'article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a déjà précisé les conditions de mise en oeuvre de cet article de la Constitution et livré, en particulier, les trois enseignements suivants.
En premier lieu, le Parlement peut, en vertu de l'article 38, habiliter le Gouvernement à intervenir en toute matière qui relève du domaine de la loi (décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999), sous les seules réserves du domaine attribué par la Constitution à la loi organique (décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982) et du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale (décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999). Ainsi, contrairement à ce que paraît suggérer la saisine à titre liminaire, la circonstance que le Parlement investirait le Gouvernement d'une habilitation portant sur de nombreux domaines ne saurait être considérée comme contraire aux prévisions de l'article 38 de la Constitution.
En deuxième lieu, l'article 38 doit certes être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par ordonnances, ainsi que leur domaine d'intervention (décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986). Mais ces précisions peuvent résulter des termes mêmes de la loi, ou des indications données par le Gouvernement lors du dépôt du projet de loi d'habilitation, figurant notamment dans l'exposé des motifs, ou bien encore de la teneur des débats parlementaires, notamment des déclarations faites par le Gouvernement devant le Parlement (décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986). En outre, le Gouvernement n'est pas tenu de faire connaître au Parlement par avance le contenu des ordonnances qu'il prendra (décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999).
En troisième lieu, la loi d'habilitation ne saurait avoir pour objet ou pour effet de dispenser le Gouvernement agissant par voie d'ordonnance du respect des principes constitutionnels (décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982 ; décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision n° 95-370 DC du 30 décembre 1995). Mais pour autant, la loi d'habilitation n'est pas tenue de rappeler expressément au Gouvernement qu'il lui est nécessaire de respecter ces principes ; ce respect s'impose naturellement au Gouvernement sous le contrôle du Conseil d'Etat (décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999).
Au cas présent, la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit satisfait pleinement à ces exigences constitutionnelles, ainsi qu'il va être exposé à propos des différents articles critiqués par la saisine adressée au Conseil constitutionnel.

I. - Sur l'article 5

A. - L'article 5 de la loi déférée habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans le respect de la transparence et de la bonne information du public, les mesures nécessaires pour rendre compatibles avec le droit communautaire les dispositions législatives relatives à la passation des marchés publics, les mesures permettant de clarifier les règles applicables aux marchés passés par certains organismes non soumis au code des marchés publics, les mesures permettant d'alléger les procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales.
Selon les auteurs de la saisine, ces dispositions méconnaîtraient les dispositions des articles 38 et 88-4 de la Constitution, parce qu'elles auraient pour effet d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives communautaires qui ne sont pas encore adoptées. L'habilitation donnée au Gouvernement serait de ce fait imprécise et priverait le Parlement des pouvoirs qu'il tient de l'article 88-4 de la Constitution. Les auteurs de la saisine soutiennent, en outre, que l'habilitation donnée pour « alléger les procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales » serait imprécise et contraire aux articles 38 et 72 de la Constitution. Elle porterait encore atteinte au principe d'égalité, en ce qu'elle diminuerait les exigences de mise en concurrence et de publicité, et à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B. - Ces griefs ne pourront être retenus.
1. En premier lieu, il faut relever que le champ de l'habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement a été déterminé avec suffisamment de précision et que sa finalité a été, de même, indiquée avec la précision requise. Elle vise à permettre la transposition par voie d'ordonnance de directives communautaires identifiées et connues du Parlement, selon une méthode qui a déjà été utilisée à plusieurs reprises.
Les transpositions concernées par cette habilitation comportent trois volets : il s'agit d'abord de compléter la transposition des directives communautaires « marchés publics » existantes pour les personnes publiques et privées non soumises au code des marchés publics et auxquelles les directives s'appliquent dès lors qu'elles peuvent être qualifiées de « pouvoirs adjudicateurs ». Il s'agit ensuite de transposer deux directives élaborées à la suite de l'accord sur les marchés publics de 1997, à savoir la directive 97/52/CEE modifiant les trois directives relatives aux marchés de travaux, de fournitures et de services et la directive 98/04/CEE modifiant la directive relative à la passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications ; ces deux directives doivent encore être transposées pour les personnes soumises à des obligations de mise en concurrence qui ne relèvent pas de l'application du code des marchés publics. En tant qu'il habilite le Gouvernement à transposer ces directives, l'article 5 de la loi déférée ne peut être jugé contraire à l'article 38 de la Constitution.
Il est vrai que le troisième volet de transposition porte, pour sa part, sur des directives qui n'ont pas encore été définitivement adoptées par les instances communautaires. Ces deux projets de directives - l'un fusionnant les trois directives relatives aux marchés de travaux, de fournitures et de services, l'autre relatif aux marchés des secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - ont cependant déjà été adoptés conjointement par la Commission européenne et par les Etats membres sous la forme d'un accord politique conclu à la fin de l'année 2002. Ils ont été votés en première lecture par le Parlement européen et sont actuellement en cours de deuxième lecture devant cette institution.
Ainsi, même si la procédure d'adoption n'a pas encore été menée à son terme, le contenu de ces projets de directives était, pour l'essentiel, stabilisé à la date à laquelle le Parlement a décidé d'habiliter le Gouvernement à les transposer par voie d'ordonnance. Les contours de l'habilitation étaient ainsi déterminés avec une précision suffisante. Dans ces conditions, il apparaît que le champ de l'habilitation comme sa finalité satisfaisaient aux exigences résultant de l'article 38 de la Constitution.
En tout état de cause, il convient d'observer que le Gouvernement ne fera pas usage de l'habilitation ainsi conférée par anticipation : il ne prendra pas d'ordonnance avant l'adoption définitive des directives. Et s'il advenait que les directives ne soient finalement pas adoptées, l'habilitation donnée sur ce point ne serait pas mise en oeuvre.
2. En deuxième lieu, le grief tiré de l'article 88-4 de la Constitution ne pourra qu'être écarté comme inopérant.
Cet article impose, en effet, au Gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative. Ces dispositions visent à garantir l'information du Parlement sur les projets d'actes communautaires, au stade initial de leur transmission au Conseil de l'Union européenne, et à mettre chaque Assemblée à même de voter des résolutions sur ces projets. Ces résolutions, sans porter atteinte aux prérogatives que le Gouvernement tient de la Constitution (décision n° 92-314 DC du 17 décembre 1992), peuvent avoir une incidence sur la position française dans la négociation communautaire et, ainsi, sur le déroulement de la procédure d'adoption des actes communautaires.
Mais si l'article 88-4 de la Constitution s'insère ainsi dans la phase préalable à l'adoption des directives, il est en revanche dépourvu d'incidence sur la phase ultérieure de transposition des directives en droit français. Dès lors, l'invocation de l'article 88-4 à l'appui d'un recours dirigé contre une loi habilitant le Gouvernement à transposer des directives est inopérante.
Au demeurant, on peut indiquer que les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution ont été pleinement respectées à propos des deux directives qui n'ont pas à ce jour été définitivement adoptées par les instances communautaires. Les propositions de directive du Parlement européen et du Conseil portant respectivement coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, de services et de travaux (2000/0175COD) et coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie et des transports (2000/0177COD) ont, en effet, été transmises par le Gouvernement au Parlement le 24 juillet 2000. Ces deux textes ont d'ailleurs fait l'objet d'un examen par la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale le 6 novembre 2002 et par la Délégation pour l'Union européenne du Sénat le 24 janvier 2001.
3. En troisième lieu, s'agissant de l'habilitation donnée au Gouvernement par le 3° de l'article 5, le grief d'imprécision ne peut pas davantage être retenu.
Cette disposition a été introduite, en première lecture, par le Sénat avec un avis favorable du Gouvernement. Elle visait à simplifier certaines exigences de la procédure de passation des marchés spécifiques aux collectivités territoriales, en particulier celle d'une double délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité lors de la passation d'un marché. Ainsi qu'il a été indiqué par M. Etienne Blanc, dans le rapport du 21 mai 2003 qu'il a présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale, l'objectif de la modification est de permettre au responsable exécutif de la collectivité territoriale de signer un marché ou un acte s'y rapportant dès lors que ce marché ou cet acte a fait l'objet d'une décision de la commission d'appel d'offres - dans laquelle les différentes tendances politiques de l'organe délibérant sont représentées - et que l'assemblée délibérante a décidé d'engager l'opération concernée, sans avoir besoin d'une autre délibération autorisant à signer le marché. Cette mesure de simplification avait, par ailleurs, déjà été évoquée par M. Jacques-Alain Benisti, député, à l'occasion de l'audition par la commission des lois, le 25 mars 2003, du ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire et du secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Il s'agit ainsi d'une mesure ciblée visant à introduire à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, et non dans le code des marchés publics, une précision nouvelle permettant à l'assemblée délibérante, lorsque tel est bien son souhait et qu'elle estime être suffisamment informée sur le marché qui va être lancé, d'autoriser l'exécutif par une seule et même délibération à engager une procédure de passation de marché et à signer ce marché après que la commission d'appel d'offres aura fait son choix de l'offre économiquement la plus avantageuse pour la collectivité. Le domaine comme la finalité de l'habilitation ainsi conférée apparaissent, dans ces conditions, avoir été suffisamment précisés par les termes de la loi et les débats parlementaires. La disposition ne porte, en outre, par elle-même aucune atteinte à des principes constitutionnels, notamment pas au principe d'égalité ou aux principes résultant de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Pour le surplus, il sera fait observer que le grief tiré de la libre administration des collectivités territoriales apparaît inopérant. Il a été jugé que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, chacune d'elles le fait dans des conditions prévues par la loi (par exemple décision n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000). Il en résulte, dès lors que l'objet même de l'article 38 de la Constitution est d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures qui relèvent du domaine de la loi, que l'article 72 de la Constitution ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la loi d'habilitation.
Par ailleurs, on peut relever que les règles relatives aux conditions de passation des marchés publics de l'Etat ressortissent à la compétence réglementaire (décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002) et que le Gouvernement tient de l'habilitation donnée par le décret du 12 novembre 1938 compétence pour étendre ces règles aux collectivités territoriales, moyennant les ajustements nécessaires, ainsi qu'il a été encore récemment jugé par le Conseil d'Etat (CE Ass. 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, n° 233372). Cette habilitation n'est pas remise en cause par l'habilitation donnée par le 3° de l'article 5 de la loi déférée dont l'objet et le champ sont différents.

II. - Sur l'article 6

A. - L'article 6 de la loi déférée habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour modifier la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et créer de nouvelles formes de contrats pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions. La loi précise que ces dispositions devront déterminer les règles de publicité et de mise en concurrence, de transparence et de contrôle quant au mode de rémunération, à la qualité des prestations et au respect des exigences de service public. Ces dispositions pourront étendre et adapter les dispositions du I de l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, des articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'Etat et des articles L. 1311-2 et L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions devront enfin prévoir les conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats en cause.
Les sénateurs auteurs du recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les articles 38, 72 et 72-1 de la Constitution, faute en particulier de préciser la finalité de l'habilitation, et qu'elles porteraient atteinte au principe d'égalité et au principe de continuité des services publics.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
1. En premier lieu, le Gouvernement entend souligner que le législateur a précisé la finalité et le domaine d'intervention de l'habilitation qu'il demandait au Parlement avec la précision requise par l'article 38 de la Constitution. Le recours reconnaît, d'ailleurs, la précision du champ de l'habilitation, tel qu'il résulte des termes mêmes de l'article 6 de la loi déférée. La triple finalité de l'habilitation - à savoir modifier la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique, créer de nouvelles formes de contrats et, en tant que de besoin, étendre les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi d'orientation et de programmation pour la justice - ressort également clairement du texte de la loi comme des éléments qui ont été avancés au cours des débats parlementaires.
En vertu de cette habilitation, le Gouvernement entend essentiellement, ainsi qu'il a été précisé lors des débats notamment au cours de l'examen par le Sénat en première lecture le 6 mai 2003, créer un nouveau régime juridique destiné à s'appliquer à des contrats qui, pour l'heure, ne présentent pas le caractère de délégations de service public ni ne relèvent clairement du code des marchés publics. Il est, en effet, des formes de relations contractuelles qui n'entrent aujourd'hui, de façon certaine, dans aucune de ces deux catégories de contrats publics et pour lesquelles les montages apparaissent à la fois complexes et fort peu encadrés. Certaines de ces relations contractuelles font l'objet d'une réglementation : tel est le cas, par exemple, de certaines conventions domaniales ou des baux emphytéotiques, s'agissant des collectivités territoriales ; mais, le plus souvent, aucune réglementation n'apparaît clairement applicable, avec pour conséquence une insécurité juridique préjudiciable aux personnes publiques comme aux entreprises contractantes. C'est pour combler ce vide juridique que le Gouvernement a demandé au Parlement de l'habiliter à déterminer, par ordonnance, les règles applicables à cette catégorie de contrats.
Des expériences conduites dans plusieurs pays européens depuis une dizaine d'années donnent des illustrations de contrats de ce type. Après avoir largement adopté le modèle français des concessions, ces pays se sont en effet engagés dans des formes contractuelles nouvelles habituellement désignées par l'appellation générique de « partenariats public-privé ». Ces contrats ont pour objet de faire appel à l'initiative et au financement privés pour réaliser des équipements nouveaux ou mettre à disposition des moyens ou services destinés à assister les autorités administratives dans l'exercice de leurs missions. Conçus et gérés selon les règles applicables au secteur privé, ces équipements et services sont mis à la disposition des administrations selon un cahier des charges élaboré pour les besoins du service public.
Dans ces conditions, eu égard à la précision des termes de la loi et à la teneur des débats parlementaires, le grief tiré de l'absence de précision de l'habilitation ne pourra qu'être écarté.
2. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit à propos de l'article 5 de la loi déférée, l'invocation de l'article 72 de la Constitution est inopérante à l'encontre d'une loi qui, conformément à ce qu'autorise l'article 38 de la Constitution, a précisément pour objet d'habiliter le Gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi. En outre, la circonstance que le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution - et non l'article 72-1 de la Constitution - laisse désormais la possibilité au législateur ou au pouvoir réglementaire de permettre aux collectivités territoriales de déroger à titre expérimental à des dispositions législatives ou réglementaires ne fait pas obstacle à ce que le législateur habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre des mesures relevant du domaine de la loi.
3. En troisième lieu, l'habilitation conférée au Gouvernement ne conduit pas, contrairement à ce qui est soutenu, à méconnaître le principe d'égalité ou les exigences de continuité du service public.
Outre qu'il appartiendra aux ordonnances de respecter l'ensemble des principes constitutionnels applicables, on peut remarquer que le législateur a souhaité marquer que les ordonnances devront déterminer les règles de publicité et de mise en concurrence relatives au choix du ou des cocontractants, ainsi que des règles de transparence et de contrôle relatives au mode de rémunération du ou des cocontractants, à la qualité des prestations et au respect des exigences du service public. En posant expressément ces conditions, le législateur a veillé à instituer des garanties appropriées, permettant de s'assurer du respect d'exigences de valeur constitutionnelle que sont le principe d'égalité devant les charges publiques, la nécessité des dépenses publiques et du consentement à ces dépenses ou la continuité du service public. Les garanties instituées s'inscrivent directement dans la ligne de celles qui ont été relevées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2002-460 DC du 22 août 2002 et n° 2002-461 DC du 29 août 2002.
Enfin, il faut, en tout état de cause, souligner que les garanties exigées en matière de transparence feront que cette nouvelle catégorie de contrat s'écartera de l'opacité qui pouvait entourer les anciens marchés d'entreprise de travaux publics (METP). Ainsi qu'il a été précisé au cours des débats parlementaires, il sera, en effet, exigé de distinguer précisément entre la part de financement qui revient à l'investissement lié à la construction, celle qui porte sur l'exploitation ou la maintenance et celle relative aux frais financiers. La loi a, en outre, prévu l'accès des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans à ces nouveaux contrats.

III. - Sur l'article 7

A. - L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour abroger les dispositions devenues sans objet et adapter les dispositions obsolètes, élargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques, simplifier les démarches des usagers et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt, clarifier la formulation d'actes administratifs relative à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt.
Les parlementaires saisissants critiquent ces dispositions en soutenant que l'habilitation ne serait pas suffisamment précise, qu'elle ne permettrait pas de garantir le respect du principe d'égalité, du principe des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
En premier lieu, contrairement à ce que soutient le recours, le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement a été limitativement et précisément déterminé. Les textes susceptibles d'être modifiés par voie d'ordonnance sont certaines dispositions législatives du code général des impôts et du livre des procédures fiscales. Le Gouvernement pourra, par ordonnance, faire disparaître des textes des dispositifs fiscaux, ou des procédures, devenus sans objet ou adapter des dispositions obsolètes ; il pourra également clarifier la formulation de certains actes administratifs relatifs à l'assiette et au recouvrement de l'impôt et réduire le nombre ou l'ampleur de formalités de déclarations ou de paiement. Ce domaine d'intervention est déterminé avec suffisamment de précision par les termes mêmes de la loi d'habilitation.
L'article 7 habilite aussi le Gouvernement à modifier les règles permettant d'opter pour certains régimes fiscaux spécifiques et déterminant les modalités de ces options. Là encore, les termes retenus par le législateur déterminent précisément le champ d'intervention de l'ordonnance. A titre d'exemple, on peut indiquer que le Gouvernement envisage dans certains domaines, notamment en matière de TVA, de remplacer des autorisations administratives par de simples mécanismes d'option des contribuables. Le champ de cette habilitation, qui fait référence aux mécanismes d'option, est ainsi circonscrit et sa finalité, qui est de simplifier la situation des contribuables et d'améliorer leurs relations avec l'administration fiscale, a été clairement énoncée. Il apparaît, dans ces conditions, que l'habilitation donnée par l'article 7 de la loi déférée satisfait aux exigences constitutionnelles de précision de la finalité et du champ d'intervention des ordonnances.
En second lieu, il faut rappeler, ainsi qu'il a été dit de façon liminaire, que si les ordonnances devront naturellement respecter les principes à valeur constitutionnelle, la loi d'habilitation n'était pas tenue d'en faire la réserve expresse. Ainsi, la circonstance que l'article 7 n'ait pas rappelé que le Gouvernement devra respecter le principe des droits de la défense ne saurait affecter la constitutionnalité de cet article.

IV. - Sur l'article 18

A. - L'article 18 habilite le Gouvernement, afin de faciliter l'accomplissement des formalités requises des candidats et d'alléger les modalités d'organisation des élections, à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale, notamment pour simplifier les démarches à accomplir pour participer à la campagne radiotélévisée des élections législatives et pour aménager les modalités de contrôle des comptes de campagne.
Selon les sénateurs requérants, l'habilitation donnée sur ces deux points par l'article 18 de la loi déférée serait trop imprécise, eu égard aux exigences constitutionnelles du pluralisme, et elle ne garantirait pas le respect du principe d'égalité et du principe de la contradiction.
B. - Ces critiques seront écartées.
L'article 18 définit avec une précision suffisante la finalité comme le domaine d'intervention des ordonnances qu'il habilite le Gouvernement à prendre s'agissant de l'organisation des élections. En particulier, les termes retenus par le 1° et le 6° de l'article 18, critiqués par la saisine, exposent avec précision le champ de l'habilitation conférée : simplifier les démarches imposées aux partis politiques pour leur permettre de participer à la campagne radiotélévisée des élections législatives et aménager les modalités de contrôle des comptes de campagne.
Il faut observer, s'agissant de la campagne radiotélévisée des élections législatives, que les conditions de fond pour être admis à participer à la campagne ne figurent pas dans le champ de l'habilitation. Seule la procédure est concernée : elle sera allégée en dispensant les partis de l'obligation qui leur est faite actuellement de constituer un dossier comportant les attestations de rattachement d'au moins 75 candidats et en substituant à cette procédure une procédure plus souple et mieux étalée dans le temps. Cette modification entendra résoudre certaines difficultés qui sont apparues lors de l'organisation des dernières élections législatives générales. S'agissant des modalités de contrôle des comptes de campagne, les modifications envisagées visent à simplifier certaines formalités imposées aux candidats en termes de dépôt et de présentation des comptes de campagne, à apporter certaines modifications rédactionnelles.
Enfin, il faut rappeler que, pas davantage que précédemment, le législateur n'était tenu, en adoptant l'article 18, de rappeler expressément que les ordonnances ne sauraient porter atteinte aux principes constitutionnels de pluralisme, d'égalité ou des droits de la défense.

V. - Sur l'article 25

A. - L'article 25 habilite le Gouvernement, afin d'alléger les formalités résultant de la législation du travail et de la formation professionnelle, à prendre par ordonnance toutes mesures pour harmoniser les seuils d'effectifs qui déterminent l'application de certaines dispositions du droit du travail ainsi que le mode de calcul des effectifs, pour harmoniser les délais applicables aux procédures de licenciement, pour harmoniser et simplifier les procédures de licenciement applicables aux salariés mis à disposition d'une filiale étrangère, pour harmoniser les durées de la période de protection contre le licenciement des candidats aux élections professionnelles et des anciens représentants du personnel, pour harmoniser les conditions dans lesquelles le chef d'entreprise peut se faire assister lors des réunions des comités d'entreprise, pour harmoniser les procédures relatives à certains congés, pour alléger les contraintes de tenue de registres, pour permettre le remplacement du chef d'entreprise ou son conjoint ou son collaborateur ou associé, pour adapter les obligations d'élaboration du document d'évaluation des risques, pour réformer le régime des fonds d'assurance formation de l'artisanat, moderniser certaines procédures de déclaration fiscale relative au paiement de cotisations de formation professionnelle, d'harmoniser les modes d'exercices de l'activité des associations et entreprises de service aux personnes physiques à leur domicile, pour abroger diverses dispositions du code du travail devenues obsolètes ou sans objet, pour étendre et simplifier le recours au titre emploi-service, pour adapter le régime applicable au travail en temps partagé, pour permettre aux entreprises organisées sur une durée collective supérieure à 35 heures de mensualiser la rémunération des heures supplémentaires.
Les auteurs du recours soutiennent que ces dispositions seraient trop imprécises, eu égard au fait que le droit du travail est un droit de protection des salariés, et que cette imprécision emporterait des difficultés au regard du principe d'égalité.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra retenir ce grief.
Contrairement, en effet, à ce qu'affirme sur ce point la brève argumentation de la requête, les dix-sept rubriques de l'article 25 habilitant le Gouvernement à alléger les formalités résultant de la législation relative au travail et à la formation professionnelle déterminent avec suffisamment de précision la finalité et le domaine de l'habilitation : les matières concernées sont déterminées par les termes mêmes de la loi avec une grande précision et la finalité de l'intervention par voie d'ordonnance est à chaque fois indiquée.
On peut relever, en particulier, qu'il ressort de l'exposé des motifs et des travaux parlementaires que l'harmonisation des seuils d'effectifs ne permettra que de regrouper des seuils très proches et de clarifier le mode d'expression de ces seuils. L'habilitation donnée au Gouvernement est particulièrement précise.

VI. - Sur l'article 26

A. - L'article 26 de la loi déférée habilite, dans le domaine du droit du commerce, le Gouvernement à prendre par ordonnance, notamment, des mesures instituant une procédure accélérée pour l'examen par le Conseil de la concurrence des affaires inférieures à un seuil déterminé et relever le seuil du chiffre d'affaires des entreprises soumises au contrôle des opérations de concentration.
Les sénateurs saisissants critiquent cette habilitation en soutenant, s'agissant du seuil des concentrations, qu'elle ne serait pas suffisamment précise et qu'elle serait susceptible de porter atteinte au principe du pluralisme et de la liberté de communication. Ils soutiennent, en outre, que l'habilitation pour instituer une procédure accélérée devant le Conseil de la concurrence ne garantirait pas le caractère contradictoire de la procédure, le contrôle juridictionnel et les droits de la défense.
B. - Cette argumentation n'est pas fondée.
Le 10° de l'article 26 habilite le Gouvernement à relever le seuil du chiffre d'affaires des entreprises soumises au contrôle des opérations de concentration. Par ses termes mêmes, il énonce avec suffisamment de précision le domaine, au demeurant très limité, de l'habilitation donnée sur ce point au Gouvernement. La finalité de l'habilitation est de simplifier les procédures et de diminuer les charges pesant sur les entreprises ; l'ordonnance conduira ainsi à relever le seuil de contrôle des concentrations.
S'agissant de la procédure accélérée devant le Conseil de la concurrence, on peut se borner à rappeler que la loi d'habilitation n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement de respecter les principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense ou du droit au recours. La loi d'habilitation ne saurait, dès lors, être jugée contraire à la Constitution du seul fait qu'elle n'a pas formellement exprimé ces réserves.

VII. - Sur l'article 34

A. - L'article 34 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter, notamment, les dispositions relatives à la définition, à l'administration, à la protection et au contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics, à l'authentification des actes passés par ces personnes publiques, au régime des redevances et des produits domaniaux ainsi que celles relatives à la réalisation et au contrôle des opérations immobilières poursuivies par ces collectivités, afin de les simplifier, de la préciser, de les harmoniser, d'améliorer la gestion domaniale et de les codifier.
Les requérants soutiennent que cette habilitation excède, par son ampleur, le champ de l'article 38 de la Constitution et méconnaît l'article 72 de la Constitution, qu'elle ne permet pas de garantir que les principes et règles de valeur constitutionnelle applicables à la matière seront respectés.
B. - Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
L'article 34 habilite le Gouvernement à modifier, compléter et codifier les dispositions relatives à certaines matières, notamment celle relative aux domaines public et privé de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. Cette habilitation diffère, dans sa portée, de celle qui est donnée par l'article 33 de la loi déférée, laquelle autorise le Gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative de codes selon la méthode, aujourd'hui éprouvée, de la codification à droit constant (voir à cet égard la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999).
L'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 34 lui permettra, en effet, de modifier les règles applicables à la matière considérée plus largement que dans le cadre de la codification à droit constant. Il sera en mesure de procéder à des adaptations ou modifications plus substantielles que les seules autorisées dans le cadre de la codification à droit constant, à savoir celles qui sont nécessaires au respect de la hiérarchie des normes ou à la cohérence rédactionnelle des textes codifiés. Les adaptations plus substantielles permises par l'habilitation donnée à l'article 34 permettront d'harmoniser et de moderniser des textes souvent anciens, d'intégrer les apports de la jurisprudence, de simplifier des réglementations diverses et de mettre à disposition des usagers comme de l'administration des corps de règles modernisées garantes d'une meilleure gestion.
Pour autant, une telle habilitation ne saurait être jugée contraire à l'article 38 de la Constitution dès lors que, comme pour toute habilitation, le domaine d'intervention des ordonnances comme leur finalité ont été indiqués avec suffisamment de précision.
En l'espèce, les termes du 2° de l'article 34 déterminent avec précision le champ de l'habilitation conférée au Gouvernement et la finalité de l'habilitation a été exposée de façon suffisamment précise au Parlement, ainsi qu'il ressort et des termes de la loi et de l'exposé des motifs qui accompagnait le dépôt du projet de loi. L'article 34 énonce ainsi qu'il appartient au Gouvernement de simplifier, préciser, harmoniser, d'améliorer la gestion domaniale et de codifier les dispositions relatives aux domaines public et privé. L'exposé des motifs indiquait que le Gouvernement entendait s'inspirer des conclusions d'un groupe de travail interministériel présidé par M. Querrien pour constituer un corps de règles législatives en matière domaniale communes ou spécifiques à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, sous la forme d'un code des propriétés publiques, que ce nouveau code se substituerait à la partie législative de l'actuel code du domaine de l'Etat et intégrerait d'autres textes non codifiés comme des constructions jurisprudentielles. Il avait aussi été précisé que le Gouvernement envisageait de moderniser la définition des domaines public et privé, immobilier et mobilier, à partir des critères dégagés par la jurisprudence, avant d'établir les règles relatives à la constitution, à l'administration, à l'occupation, à l'utilisation de ces domaines et que l'habilitation permettrait en outre de moderniser les principes applicables aux redevances domaniales, suivant en cela les recommandations d'un récent rapport de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.
Ces précisions montrent à l'évidence que l'habilitation qui a été donnée par le Parlement au Gouvernement pour adopter la partie législative de ce futur code des propriétés publiques satisfait aux prescriptions de l'article 38 de la Constitution. Cette habilitation ne saurait, en outre, être jugée contraire à l'article 72 de la Constitution : les règles en cause relèvent de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution et c'est précisément l'objet de l'article 38 de la Constitution que de permettre au Parlement d'habiliter le Gouvernement à intervenir, pendant une période limitée, dans le domaine de la loi. On doit, enfin, redire que les ordonnances devront respecter les principes de valeur constitutionnelle applicables ; on ne peut, dès lors, reprocher à la loi déférée de ne pas l'avoir explicitement rappelé.

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En définitive, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.