Bulletin Officiel n°2003-46MINISTÈRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES
Direction générale de la santé

Avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, section maladies transmissibles, relatif aux recommandations de prévention de la transmission du virus influenza aviaire A/H7N7 à l'homme (séance du 16 mai 2003)

SP 4 445
3557

NOR : SANP0330588V

(Texte non paru au Journal officiel)

Considérant d'une part :
- l'épizootie d'influenza aviaire sévissant actuellement dans certaines régions des Pays-Bas et de Belgique depuis fin février 2003, due à un nouveau sérotype du virus influenza de type A/H7N7 ;
- la transmission documentée de ce virus de la volaille à l'homme (83 cas humains rapportés à la date du 25 avril 2003 aux Pays-Bas), dont un cas mortel chez un professionnel exposé ;
- la transmission inter-humaine documentée pour 3 cas intra-familiaux aux Pays-Bas ;
- la transmission aux porcs documentée par tests sérologiques ;
- que la transmission se fait essentiellement par contamination aérienne directe, mais qu'elle peut se faire par voie indirecte (mains sales, fèces des animaux, objets contaminés par les déjections animales) ;
- qu'il n'existe actuellement pas de vaccin contre la souche A/H7N7 ;
- qu'il existe chaque année un vaccin grippal commercialisé protégeant contre la grippe humaine, dont la composition est actualisée chaque année selon les dernières souches humaines circulantes ;
- que le titre des anticorps contre le virus de la grippe humaine peut ne plus être protecteur après six mois ;
- qu'il existe des antiviraux ayant une activité sur les virus influenza de type A ;
- que, parmi les antiviraux efficaces, l'oseltamivir a l'avantage d'avoir à la fois une autorisation de mise sur le marché pour le traitement prophylactique et le traitement curatif et un rapport bénéfices/risques satisfaisant ;
- qu'il a été montré par le passé que des réassortiments génétiques entre différentes souches du virus influenza A d'origine aviaire, porcine ou humaine pouvaient donner naissance à de nouveaux sous-types s'installant chez l'homme avec une forte virulence, phénomène à l'origine des pandémies de grippe observées au XXe siècle ;
- qu'il existe donc un risque théorique de réassortiment génétique entre le virus influenza aviaire responsable de l'épizootie infectant l'homme et d'autres souches de virus influenza A humain et notamment avec les souches circulant actuellement chez l'homme (A/H3N2 pour l'année 2002-2003) (avis d'experts) ;
- que la vaccination anti-grippale de l'année en cours protège ainsi la personne vaccinée contre les virus influenza humains circulant mais ne la protège pas contre le virus influenza aviaire A/H7N7.
Considérant d'autre part :
- les données présentées par les centres nationaux de référence de la grippe, le réseau du groupe régional d'observation de la grippe (GROG), l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), le groupe de travail de la cellule de lutte contre la grippe, la direction générale de l'alimentation (DGAL) ;
- que tout cas de suspicion d'influenza aviaire doit faire l'objet d'un signalement sans délai aux autorités sanitaires (DDASS, ministère de la santé) ou à l'Institut de veille sanitaire ;
- que les mesures ci-dessous sont destinées à protéger les personnes travaillant, intervenant ou résidant dans une exploitation avicole contaminée ou dans la zone de protection définie par les services vétérinaires autour de l'élevage contaminé, et ne se substituent pas aux mesures à prendre pour éviter la dissémination du virus dans l'environnement (voir la réglementation du ministère de l'agriculture sur la bio-sécurité environnementale) (1).
Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France recommande :
- qu'une information, relative aux mesures de prévention de contamination humaine par le virus influenza aviaire A/H7N7 en cas de survenue de cas d'influenza aviaire dans un élevage, soit diffusée dès maintenant auprès des professionnels des élevages avicoles et mixtes (avicoles et porcins) ;
- que les mesures suivantes soient mises en oeuvre dès l'apparition d'une suspicion légitime (2) de cas animal ou de cas humain.

1. Le respect strict des mesures d'hygiène décrites ci-dessous,
moyen essentiel de prévention et de protection humaine

- renforcer les mesures d'hygiène habituelles (à la sortie du bâtiment : lavage et désinfection des bottes, lavage au savon et rinçage des mains) par le port de surcombinaisons ou surblouses à usage unique, masques de protection respiratoire (au moins de niveau FFP2), lunettes ou visière de protection, charlotte, gants et sur-bottes à usage unique. Les protections individuelles jetables doivent être retirées dès la sortie du bâtiment contaminé. Elles sont jetées dans un sac poubelle qui sera hermétiquement fermé et éliminées selon les recommandations des services vétérinaires.


2. La mise en place d'une chimioprophylaxie (mesure de protection individuelle visant à prévenir l'infection par le virus influenza aviaire dans la population humaine)
Chimioprophylaxie par oseltamivir des populations cibles.
Les populations cibles sont :

  • toutes les personnes travaillant ou résidant dans l'exploitation avicole ou mixte contaminée ;

  • tous les professionnels intervenant directement (abatteurs, équarrisseurs, vétérinaires...) dans l'élevage contaminé ;
  • toutes les personnes travaillant ou résidant dans une exploitation avicole ou mixte (avicole et porcine)
  •  (3) situées dans la zone de protection définie par les services vétérinaires autour de l'élevage contaminé (4) ;

    La prescription se fait dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) (à dose prophylactique). Elle n'est donc pas réalisée chez les enfants de moins de 13 ans, vis-à-vis desquels les mesures d'hygiène doivent donc être renforcées.
    La chimioprophylaxie débute dans les 48 heures après l'exposition au risque de contamination :


    3. Les mesures de protection collective visant à limiter au maximum le risque de réassortiment génétique viral (5) dans la population humaine
    Vaccination des populations cibles par le vaccin humain inactivé (circulant) de la saison en cours.
    Les populations cibles sont :

  • toutes les personnes travaillant ou résidant dans l'exploitation avicole contaminée ;

  • tous les professionnels intervenant directement (abatteurs, équarrisseurs, vétérinaires...) dans l'élevage contaminé ;
  • toutes les personnes travaillant ou résidant dans une exploitation avicole ou mixte (avicole et porcine) (3) située dans la zone de protection définie par les services vétérinaires autour de l'élevage contaminé (4) ;
  • tous les professionnels intervenant directement (abatteurs, équarrisseurs, vétérinaires...) dans les exploitations avicoles ou mixtes (avicole et porcine) (3) située dans la zone de protection définie par les Services vétérinaires autour de l'élevage contaminé (4).
  • Une re-vaccination est recommandée à toutes les personnes ayant été vaccinées lors de la campagne de vaccination antigrippale 2002-2003 et appartenant aux populations cibles définies ci-dessus.
    La vaccination se fait dans le cadre de l'AMM. Elle n'est donc pas réalisée chez les enfants de moins de 6 mois, vis-à-vis desquels les mesures d'hygiène doivent donc être renforcées. Une information par les professionnels de santé auprès des populations ciblées par la vaccination précisera l'objectif de cette vaccination, qui n'est pas une mesure de protection individuelle contre la souche aviaire.

    4. La prise en charge des malades et des personnes contact

    Tout cas suspect ou confirmé (cf. annexe), provenant d'une zone affectée par l'influenza aviaire ou ayant visité un élevage contaminé ou ayant été en contact avec une personne infectée, reçoit un traitement curatif de 5 jours par oseltamivir selon l'AMM (dose curative, dès l'âge de 1 an) sur prescription médicale.
    Il n'y a pas lieu de mettre en place des mesures d'isolement. Cependant, il est souhaitable que le malade limite ses déplacements et ses contacts, en particulier avec des sujets à haut risque médical (maladies chroniques cardio-respiratoires) ou avec des animaux réceptifs (oiseaux, porcs).
    Les sujets contacts du cas reçoivent une prophylaxie d'une durée de 10 jours conformément aux données de l'AMM (dose prophylactique). Ils ne font pas l'objet de mesures de quarantaine.
    Il n'y a pas lieu de traiter les contacts des sujets contacts.
    Ces recommandations sont valables pour la situation d'alerte actuelle de niveau 0 phase 3 du plan de pandémie grippale de l'OMS. Elles seront ré-évaluées en cas d'aggravation de la situation et de nouvelles données issues de l'expérience clinique.
    Cet avis ainsi que son annexe ne peuvent être diffusés que dans leur intégralité, sans ajout, ni suppression.

    ANNEXE
    DÉFINITIONS

    Influenza aviaire (hautement pathogène : HP) (source : Directive européenne 92/40/CEE, et Journal officiel : arrêté du 8 juin 1994) : infection des volailles causée par tout virus influenza de type A ayant un indice de pathogénicité par voie intraveineuse (IPIV) supérieur à 1,2 (chez le poulet EOPS âgé de 6 semaines) ou toute infection causée par des virus influenza de type A et de sous-type H5 ou H7 pour lesquels le séquençage des nucléotides a prouvé la présence d'acides aminés basiques multiples au niveau du site de coupure de l'hémagglutinine.
    Cas humain suspect d'influenza (grippe) aviaire à virus influenza A/H7N7 : patient présentant une conjonctivite (larmoiement ou rougeur oculaire ou douleur oculaire ou sensation de brûlure ou de démangeaison oculaire ou sécrétion purulente ou photophobie) ou les signes cliniques d'une grippe (au moins un des symptômes suivants : toux ou rhinorrhée ou mal de gorge ou myalgie ou céphalées associé à une fièvre d'apparition brutale) et ayant eu des contacts dans les 3 jours précédant la maladie avec des animaux infectés (volailles, porcs) ou ayant eu un contact direct avec un malade ayant été lui-même en contact avec des animaux infectés (volailles, porcs).
    Cas humain confirmé d'influenza (grippe) aviaire à virus influenza A/H7N7 : cas suspect chez qui le virus H7N7 a été détecté.
    Personne contact : toute personne ayant eu un contact direct avec le cas dans un espace clos, dans les 5 jours suivant la date des premiers signes d'un cas adulte ou dans les 7 jours, si le cas est un enfant.
    (1) Plan d'urgence pestes aviaires, notes de service DGAL/SDSPA n° 2001-8097 et DGAL/SDSPA n° 2001-8114.
    (2) Suspicion légitime : présence chez les volailles, en dehors d'un contexte épizootique, de symptômes évocateurs d'influenza aviaire associés à une réaction sérologique positive vis-à-vis du sous-type H7 ou, dans un contexte épidémiologique évocateur, présence de symptômes évocateurs d'influenza aviaire, sans attendre les résultats de la sérologie.
    (3) Dans un 2e temps après évaluation du risque, la conduite à tenir pourra être étendue aux élevages strictement porcins.
    (4) Le périmètre de protection, dont le rayon est de 3 kilomètres, est défini par la directive européenne 92/40/CEE. A l'intérieur de cette zone, des mesures spécifiques et renforcées de bio-sécurité et de contrôles sont mises en oeuvre. La décision d'abattage préventif des élevages avicoles de cette zone est prise par le ministère de l'agriculture après avis du groupe d'experts ad hoc.
    (5) Echange de matériel génétique entre le virus grippal humain circulant dans l'année avec le virus influenza aviaire, à l'origine du risque d'adaptation du virus influenza aviaire chez l'homme qui permettrait ensuite à un tel virus de diffuser sur un mode pandémique.