SANT4 - Bulletin Officiel N°2007-4: Annonce N°73


Direction générale de l’action sociale

Sous-direction des politiques d’insertion
et de lutte contre les exclusions
Bureau lutte contre les exclusions


Circulaire DGAS/1A/LCE no 2007-90 du 19 mars 2007 relative à la mise en oeuvre d’un principe de continuité dans la prise en charge des personnes sans-abri

NOR :  SANA0730183C

Date d’application : immédiate.
Références :
        Loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
        Relevé de décisions du 8 janvier 2007 signé de M. Borloo (Jean-Louis), ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
        Référentiel national « Accueil, Hébergement, Insertion » (2005).
La ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité auprès du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement à Madame et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]).
    L’article 1er de la loi instituant le droit au logement opposable dispose que « le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ».
    Parallèlement, à la suite des mesures relatives à l’hébergement d’urgence que j’ai annoncées le 27 décembre 2006, le relevé de décisions signé le 8 janvier 2007 par M. Borloo (Jean-Louis), ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, a posé le principe suivant :
    « Toute personne accueillie dans un centre d’hébergement d’urgence devra se voir proposer, en fonction de sa situation, une solution pérenne, adaptée et accompagnée si nécessaire, dans le parc public social, dans le parc privé conventionné, dans un CHRS, un CADA, un LogiRelais (résidence hôtelière à vocation sociale), une maison relais ou un hébergement de stabilisation. »
    L’article 4 de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dispose que :
    « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »
    La présente instruction précise les modalités de mise en oeuvre du principe de continuité de l’hébergement pour les personnes sans-abri accueillies dans les structures d’urgence, jusqu’à ce qu’une proposition d’orientation leur soit faite.
    Le principe de continuité dans la prise en charge des personnes sans-abri :
    Le respect de ce principe implique :
    1.  Que cesse toute notion de durée maximale de séjour dans les structures d’hébergement d’urgence, qu’il s’agisse de places dédiées dans des centres conventionnés ou de places dédiées dans des CHRS. Seule la proposition d’orienter vers une structure pérenne commandera désormais la durée de séjour en hébergement d’urgence.
    2.  Qu’un entretien d’évaluation/orientation soit organisé systématiquement avec la personne concernée. Cet entretien pourra être mené par une équipe pluridisciplinaire permettant, le cas échéant, la prise en compte de la situation de santé. Si besoin, il pourra être complété par des examens propres à détecter des difficultés de santé qui nécessitent une prise en charge appropriée en lien avec les structures spécialisées. Il doit permettre l’orientation vers une solution d’hébergement stable, une structure de soins ou un logement, adaptée à sa situation. Tant que cette orientation n’a pas eu lieu, la personne concernée doit pouvoir rester hébergée dans le même centre d’accueil, dans le même lit. L’accompagnement engagé lors de cet entretien peut utilement être concrétisé dans un document écrit - sous une forme appropriée.
    Que la structure n’est affranchie de cette exigence que si la personne décide de son plein gré de quitter la structure ou ne s’y présente pas pendant une période fixée par le règlement intérieur de la structure, refuse l’entretien, adopte des comportements dangereux envers les personnes accueillies ou le personnel. Cette disposition pourra utilement être retranscrite dans le règlement intérieur.
    1.  Que pour toute orientation, temporaire ou permanente, un suivi social adapté soit assuré avec l’accord de la personne. Ce suivi doit pouvoir être coordonné avec le suivi social de droit commun. Il doit pouvoir s’étendre également aux problématiques de santé, notamment aux soins psychiatriques.
    Mise en oeuvre et suivi :
    La mise en oeuvre du principe de continuité doit être précisée selon les conditions d’accueil en hébergement d’urgence ; deux cas de figure peuvent se présenter :
    -  lorsqu’il n’est pas fixé de règles de durée de séjour, la loi implique avant tout la mise en oeuvre d’un suivi adapté, en accord avec la personne ; une orientation vers une structure adaptée doit être proposée dans les meilleurs délais. A cette fin, et si malgré l’élargissement des horaires de fonctionnement des centres, décidé le 27 décembre 2006, un accompagnement interne suffisant ne peut être mis en place, la formalisation d’une coopération avec des services extérieurs au centre, en priorité de droit commun, devra être recherchée afin d’éviter aux personnes accueillies des parcours itératifs sans autre perspective que la seule mise à l’abri. Ceci concerne notamment des petits accueils en milieu rural, des abris de nuit traditionnels et des hébergements hivernaux où l’accompagnement et le suivi font souvent défaut.
    -  lorsqu’il est fixé des règles de durée de séjour, variables selon les structures, les conditions dans lesquelles une personne peut renouveler son séjour à l’issue d’une admission pour une période déterminée devront être réexaminées en fonction du principe de continuité. A défaut de proposition d’orientation dans les conditions indiquées par la loi, le renouvellement de la prise en charge doit être la règle.
    A noter que l’hébergement en hôtel ne saurait constituer une solution d’hébergement ou de logement stable. Hors les résidences hôtelières à vocation sociale, le recours ponctuel à ce mode d’hébergement doit être limité aux seules situations d’urgence. En tout état de cause, les personnes concernées doivent être réorientées dans les meilleurs délais vers le dispositif d’hébergement.
    L’entretien social : cadre dans lequel la personne hébergée fait valoir son droit à continuer d’être hébergée dans le même centre d’hébergement d’urgence, si tel est son souhait.
    Le principe de continuité implique très clairement un droit de la personne à être maintenue en hébergement d’urgence, à défaut de proposition ou jusqu’à une orientation proposée dans les conditions indiquées ci-dessus, à l’issue d’une période d’admission à durée déterminée.
    Il suffit pour cela que la personne en exprime le souhait dans le cadre d’un entretien qui doit lui être proposé et que son comportement ne soit pas dangereux envers les personnes accueillies ou le personnel.
    Pour que ce droit soit effectivement mis en oeuvre, vous veillerez à ce que les conditions dans lesquelles se tiennent les entretiens ne soient pas dissuasives. Il va de soi que le réexamen chaque jour de la situation de la personne selon les normes d’un entretien social approfondi serait tout à la fois ingérable pour la structure et pénalisant pour la personne. Pour que la procédure ait du sens et réponde à sa finalité, il importe qu’un laps de temps intervienne entre deux entretiens. Autrement dit la fixation d’une durée d’accueil très courte est à proscrire. Dans le même esprit est à proscrire la règle consistant à fixer une durée maximale de séjour sur une période donnée (exemple : suite à un hébergement accordé pour une période maximale de quinze jours, un nouvel hébergement ne peut être accordé qu’à l’issue d’une période de deux mois). Un tel mode d’hébergement par séquence contredirait le principe de continuité.
    L’entretien social : cadre dans lequel il est proposé à la personne hébergée une orientation dans un hébergement ou un logement adapté.
    Dans toute la mesure du possible, dès le premier entretien, il doit être proposé une orientation vers une solution d’hébergement stable, une structure de soins ou un logement adapté. Telle est, outre la mise à l’abri, la finalité de l’hébergement d’urgence.
    Bien entendu l’orientation proposée doit être présentée et discutée de telle sorte qu’elle soit de nature à véritablement susciter l’adhésion de la personne. De même la personne doit pouvoir avoir l’assurance de bénéficier d’un accompagnement et d’un suivi jusqu’ à ce que la transition soit effective. Il s’agit de bâtir avec la personne le début d’un parcours évitant les ruptures de prise en charge. Le projet d’orientation, dans toute la mesure du possible, devra résulter d’un travail d’équipe pluridisciplinaire.
    En conséquence la capacité des centres d’hébergement d’urgence à effectuer un diagnostic, une orientation et, le cas échéant, un accompagnement devra être renforcée soit en interne, soit au travers de partenariats formalisés au sein du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion, en particulier avec les accueils de jour, soit par le recours aux services sociaux de droit commun.
    Difficultés éventuelles dans la mise en oeuvre du principe de continuité de la prise en charge des personnes sans abri.
    Dans le contexte actuel d’absence de fluidité suffisante entre les différents dispositifs d’hébergement et de logement, notamment dans certaines grandes villes où la pression de la demande d’hébergement est importante, la mise en oeuvre du principe de continuité pourrait soulever des difficultés en termes de disponibilités d’accueil à l’échelon territorial.
    Il conviendra d’appréhender précisément ces difficultés, en mettant en place un système de veille. Néanmoins, elles ne doivent pas être surestimées par avance. Rappelons qu’il est partout constaté depuis longtemps qu’un grand nombre de personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence tournent d’un centre à l’autre. Le fait que ces personnes, si elles le désirent, puissent désormais séjourner plus longtemps dans une même structure, n’est pas a priori de nature à entraîner mécaniquement une hausse globale de la demande.
    L’expérience impulsée par certaines associations qui, depuis plusieurs années, pratiquent un accueil sans limitation de durée, illustre le fait qu’un important turn-over spontané persiste même quand est disponible une offre d’accueil de longue durée.
    Par ailleurs, dans la mise en oeuvre du dispositif de veille, il conviendra de tenir compte des éléments suivants :
    -  la mise en oeuvre de cette circulaire intervient alors que les crédits destinés à la pérennisation des places d’urgences hivernales vous ont été intégralement délégués. Cela vous permettra d’adapter le dispositif d’urgence et le cas échéant de le redimensionner selon l’impact de la présente circulaire ;
    -  la mise en oeuvre du principe de continuité doit s’accompagner du maintien d’un volant de places d’urgence immédiatement accessibles. Il est rappelé que la loi de lutte contre les exclusions de 1998 a institué un dispositif de veille sociale dans chaque département au sein duquel le rôle du 115 est essentiel ; le référentiel national de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion adopté en 2005 a précisé que les 115 doivent disposer dans l’exercice de leur mission d’un volant de places dédiées qu’ils gèrent directement et/ou dans le cadre de partenariats avec l’ensemble des opérateurs.
    Il reste que certaines personnes demeurent néanmoins réticentes à s’adresser à l’hébergement d’urgence. Aussi, l’effort engagé pour le développement et la consolidation du travail des équipes mobiles, des services d’accueil et d’orientation, des 115 comme des accueils de jour, doit être poursuivi afin de favoriser l’entrée des personnes à la rue dans un parcours d’insertion.
    L’application du principe de continuité entraînera d’autant moins l’embolisation de l’hébergement d’urgence que la mise en oeuvre de ce principe va s’insérer dans l’ensemble des mesures destinées à élargir le parc de logements et d’hébergements adaptés que constitue le plan d’action renforcé en direction des personnes sans-abri.
    Le Plan d’action renforcé en direction des personnes sans-abri :
    Le Plan vise à construire un dispositif nouveau composé de places d’hébergement restructurées et de solutions nouvelles d’hébergement et de logements :
    -  6 000 places d’hébergement de stabilisation par transformation de places d’urgence ;
    -  4 500 places de CHRS, notamment par transformation de places d’urgence ;
    -  9 000 places de maisons relais, s’ajoutant aux 3 000 places actuellement installées ;
    -  1 600 places mises à disposition sur le programme LogiRelais ;
    -  3 000 logements du parc social public prioritairement proposés aux publics sortant de CHRS ;
    -  4 000 logements dans le parc privé conventionné essentiellement au profit de personnes sortant de CHRS.
    Cela correspond à un total de 27 100 places de solutions pérennes, dont majoritairement des places nouvelles et 10 500 places d’urgence transformées.
    Par ailleurs l’article 2 de la loi du 5 mars précitée fixe des objectifs chiffrés pour les communes en matière d’hébergement d’urgence sous peine de pénalités financières.
    Ces objectifs quantitatifs sont doublés d’objectifs qualitatifs :
    -  les horaires d’ouverture dans les centres d’hébergement d’urgence sont d’ores et déjà pour partie étendus. Cette extension se poursuivra dans le courant de l’année 2007 ;
    -  des expérimentations sont encouragées (prise en charge des personnes accompagnées d’animaux, habitat adapté, location d’appartements dans le parc privé par des associations) ;
    -  une action de soutien aux métiers de l’urgence est conduite (groupe de travail engagé avec les associations et les organismes de la formation).
    Ces nouvelles places ou solutions de logement doivent permettre de desserrer la pression sur les structures d’urgence et d’insertion et de recréer de la fluidité.
    L’amplification de l’effort sur l’offre de logement social
    Le plan d’action renforcé en direction des personnes sans-abri s’insère lui-même dans une politique ambitieuse de relance du logement social entamée par le plan de cohésion sociale (article 87 de la loi no 2005-32 du 18 janvier 2005), assortie d’objectifs supplémentaires portant à 117 000 la création de logements sociaux en 2007 dont 80 000 logements très sociaux -20 000 au moins étant financés dans le cadre des prêts locatifs aidés d’intégration- (article 21 de la loi du 5 mars 2007) et de la mise en oeuvre de la garantie des risques locatifs qui doit permettre la mise sur le marché de 200 000 logements dans le parc privé social (article 28 de la même loi).
    Le suivi de la mise en oeuvre du principe de continuité :
    Il est rappelé que le référentiel national de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion dispose que dans chaque département doit exister un comité départemental de la veille sociale. Ce comité qui rassemble les pouvoirs publics et les opérateurs concernés, a pour mission, entre autre, d’assurer la cohérence et la complémentarité des interventions de l’ensemble des acteurs de terrain, de repérer les dysfonctionnements et de proposer les adaptations nécessaires. Ce comité devra être réuni régulièrement dans la période qui vient, afin d’entretenir un dialogue constant sur la mise en oeuvre des différents volets du Plan d’action renforcé pour les sans-abri et notamment sur les difficultés éventuelles rencontrées dans la mise en oeuvre du principe de continuité.
    Dans chaque département, les services déconcentrés mettront en place un système de veille destiné à évaluer la mise en oeuvre de la présente circulaire et son impact sur le dispositif d’hébergement d’urgence, afin notamment de prendre toute mesure nécessaire à l’ajustement du dispositif. Localement, la FNARS -et le Samu social à Paris- devront être étroitement associés à ce mécanisme de veille.
    Au plan national le comité de suivi de la mise en oeuvre du Plan d’action renforcé en direction des sans-abri devra également être informé du suivi de l’application du principe de continuité.
    Vous voudrez bien rendre compte à la direction générale de l’action sociale (sous-direction des politiques d’insertion et de lutte contre les exclusions - Bureau de la lutte contre les exclusions) des éventuelles difficultés de mise en oeuvre de cette circulaire.
    Grâce à votre implication et celle de vos équipes, le plan d’action renforcé pour les personnes sans abri se met en place et modifie profondément l’accueil en urgence. Je sais pouvoir compter sur votre engagement pour faire de ce principe une réalité.

La ministre déléguée à la cohésion sociale
et à la parité auprès du ministre de l’emploi,
de la cohésion sociale et du logement,
C.   Vautrin