5 questions sur la bioéthique

1. Qu’est-ce que la bioéthique ?

Le terme "bioéthique" est la conjugaison de deux notions issues du grec ancien : bios signifiant la vie et éthos en référence à la morale, aux mœurs. Initialement employé dans un sens très large, ce terme a été délimité aux questions soulevées par l’émergence de nouvelles pratiques médicales à la fin des années 1970. Avec les progrès rapides des biotechnologies, la bioéthique s’est rapidement focalisée sur l’humain et, ce faisant, sur les questions éthiques soulevées par leur application à l’homme.

La bioéthique peut ainsi se définir comme un « ensemble de recherches, de discours et de pratiques, généralement pluridisciplinaires, ayant pour objet de clarifier ou de résoudre des questions à portée éthique suscitées par l’avancement et l’application des technosciences biomédicales » (Gilbert Hottois).

La bioéthique est née et s’est ancrée sur quatre grands principes : le respect de l’autonomie du de la personne, de la bienfaisance, de la non-malfaisance et de la justice. Ces principes, formulés dans le rapport Belmont de 1979 portant sur la recherche sur l’être humain, vont être progressivement étendus à l’ensemble de la pratique médicale sous l’influence d’un ouvrage intitulé Principles of Biomedical Ethics. Ce dernier exercera une influence considérable sur le développement de la bioéthique nord-américaine puis européenne.

2. Quelles sont les dates clés de la bioéthique au niveau international ?

La révélation des expériences perpétrées dans les camps nazis a fait prendre conscience de la nécessité d’encadrer à l’échelle internationale, l’expérimentation sur l’humain :

 En 1947, le code de Nuremberg impose en dix points les règles que doivent satisfaire les recherches sur l’être humain pour être considérées comme acceptables, en particulier la règle du consentement libre et éclairé.

 En 1964, la déclaration d’Helsinki prolonge ce mouvement en définissant les règles applicables à la recherche sur l’être humain. Elle précise que les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet.

 Dans les années 1970, les premiers comités d’évaluation indépendants des projets de recherche sont mis en place dans les hôpitaux américains et des centres de recherche et de formation en bioéthique sont créés.

 En 1979, le rapport Belmont formule les principes fondateurs de la bioéthique actuelle : bienfaisance, autonomie, justice.

 Dans les années 1980, les premiers comités consultatifs nationaux d’éthique voient le jour.

 En 1993, un Comité international de bioéthique (CIB) est créé à l’UNESCO, qui adoptera trois déclarations :
      >> la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme en 1997
      >> la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines en 2003
      >> la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme en 2005

 En 1997, la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, est adoptée sous l’égide du Conseil de l’Europe. Elle fut ratifiée par la France le 13 décembre 2011.

3. Qu’est-ce que le droit bioéthique ?

Les grands principes éthiques ont été traduits en règles juridiques. La bioéthique est ainsi régie par des lois qui accompagnent, encadrent, autorisent, limitent ou permettent d’impulser les transformations dans notre société.

L’Europe est marquée par une certaine divergence des droits nationaux en matière bioéthique, celle-ci tenant à la marge d’appréciation laissée à chaque Etat sur ces questions et à la diversité des considérations éthiques selon l’histoire et la culture propre à chaque pays notamment. Trois grands principes constituent toutefois un socle commun à tous : le principe de dignité, le principe de liberté et le principe de solidarité.

Au niveau européen, la convention d’Oviedo de 1997 demeure à ce jour le seul instrument juridique contraignant pour les Etats l’ayant signée et ratifiée. Elle vise à garantir la dignité et le respect des droits fondamentaux de la personne à l’égard des applications de la biologie et de la médecine. Elle consacre notamment le droit au respect de la vie privée impliquant la protection des informations relatives à la santé de la personne, la non‐discrimination en raison du patrimoine génétique, le principe de liberté de la recherche scientifique, la protection des personnes se prêtant à une recherche, le consentement des personnes préalablement à toute intervention clinique. Elle interdit la constitution d’embryons humains aux fins de recherche et de faire du corps humain, ou de ses parties, une source de profit.

4. Quelles sont les spécificités des lois de bioéthique en France ?

La France structure sa réflexion dès les années 70, précipitée par la naissance du premier enfant conçu par fécondation artificielle. Pionnière en la matière, elle est le premier pays à instituer une instance à vocation permanente en 1983, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) qui va jouer un rôle de premier plan dans la construction du droit français de la bioéthique. L’année 1994 est marquée par l’adoption des trois premières lois de bioéthique, cadre légal qui sera régulièrement révisé pour s’adapter aux nouveaux enjeux posés par les avancées de la science et de la médecine.

Ces trois premières lois de bioéthique portent plus précisément :

 sur le traitement des données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé - (loi n° 94-548 du 1er juillet 1994)
 sur le respect du corps humain - (loi n° 94-653 du 29 juillet 1994)
 sur le don, l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation et le diagnostic prénatal -(loi n° 94-654 du 29 juillet 1994)

Trois grands principes gouvernent le droit français de la bioéthique :

 La dignité qui recouvre des principes consacrés dans le code civil (primauté de la personne humaine, respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, absence de caractère patrimonial du corps humain, de ses éléments et de ses produits, inviolabilité et intégrité de l’espèce humaine). Ce principe de dignité se traduit, par exemple, par la gratuité et l’anonymat des dons de gamètes, de produits sanguins, d’organes et tissus et tout autre produit ou élément issu du corps humain.
 La solidarité qui peut être illustrée par le don altruiste. Le principe de solidarité implique également d’entendre la souffrance exprimée par certains (en lien, par exemple, avec un désir d’enfant qui ne peut aboutir). Il s’exprime en outre au travers de l’assurance maladie obligatoire (solidarité entre bien portants et malades) et de l’égalité d’accès aux soins.
 La liberté qui vise à préserver la part de vie privée et donc l’autonomie de l’individu dans ses choix. Elle suppose, par exemple, la possibilité d’exprimer un consentement personnel réellement libre et éclairé.

Les lois de bioéthique en France en quatre dates clés

1994
Les lois de bioéthique de 1994 recouvrent à la fois l’affirmation des principes fondamentaux de respect du corps humain introduits aux articles 16 à 16-9 du code civil, les règles d’organisation de secteurs d’activités médicales en plein développement tels que ceux de l’assistance médicale à la procréation (AMP) ou des greffes ainsi que des dispositions relevant du domaine de la santé publique ou de la protection des personnes se prêtant à des recherches médicales.

2004
Le cadre bioéthique est modifié une première fois par la loi du 6 août 2004 dont les principales dispositions sont :
 l’interdiction du clonage humain
 l’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires avec autorisations à titre dérogatoire pendant cinq ans de recherches lorsqu’elles sont "susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs"
 l’élargissement des dons d’organes en vue de greffe à la famille élargie du receveur et à la personne vivant avec le receveur depuis deux ans au moins ;
 la création de l’Agence de la biomédecine et des espaces de réflexion éthique ;
 l’octroi au CCNE du statut d’autorité indépendante ;
 une clause de révision à 5 ans des dispositions bioéthiques.

2011
La révision de la loi du 6 août 2004 intervient avec la promulgation de la loi 7 juillet 2011 relative à la bioéthique dont les principales innovations sont :
 l’autorisation du don croisé d’organes intervenant en cas d’incompatibilité entre proches ;
 une nouvelle définition des modalités et des critères permettant d’autoriser les techniques d’assistance médicale à la procréation et d’encadrer leur amélioration ;
 le maintien de l’interdiction, avec des dérogations sous certaines conditions, de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ;
 l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne et l’obligation d’information, en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave susceptible de mesures de prévention ou de soins, des membres de la famille du patient, par ce dernier ou par le corps médical ;
 une clause de révision des dispositions bioéthiques dans un délai maximal de 7 ans, précédée d’un débat public sous formes d’États généraux confiés au CCNE ;
 la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, 1997).

2021
La 3ème révision des lois de bioéthique a donné lieu à la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique dont les apports majeurs sont :
 L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules
 L’ouverture de l’autoconservation de gamètes sans motif médical
 Un droit d’accès aux origines personnelles des enfants nés d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
 Pour la greffe, l’élargissement de la liste des donneurs potentiels et des possibilités de don croisé
 L’encadrement de l’activité d’enseignement médical et de recherche à partir de dons du corps humain
 L’assouplissement de la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires
 Le renforcement de l’information et de la participation à la décision de prise en charge pour les enfants présentant une variation du développement génital

En savoir plus :

 Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique - (Légifrance)
 Bioéthique, biomédecine : pourquoi & comment encadrer la médecine ? - (Agence de la biomédecine)
 Loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique - (Vie-publique)

5. Quelles sont les prochaines étapes en matière bioéthique ?

Depuis l’entrée en vigueur de la dernière loi bioéthique du 2 août 2021, différents textes permettant son application ont été pris par le gouvernement, dont les principaux, dans le champ de l’assistance médicale à la procréation, concernent :

 Les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation (décret n°2021-1243 du 28 septembre 2021)

 Les modalités d’autorisation des activités d’autoconservation des gamètes pour raison non médicale (décret n°2021-1933 du 30 décembre 2021)

 L’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur (décret n°2022-1187 du 25 août 2022)

Conformément aux clauses de révision en matière bioéthique, la loi du 2 août 2021 prévoit, dans son article 41, qu’elle sera examinée par le Parlement dans un délai maximal de sept ans à compter de sa promulgation. En outre, il est prévu que son application fasse l’objet d’une évaluation, au plus tard le 2 août 2025, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Par ailleurs, un débat national sur la fin de vie a été initié en septembre 2022. A cette fin, une convention citoyenne pilotée par le Comité économique, social et environnemental (CESE), rendra ses conclusions au printemps 2023. Ce débat de grande ampleur pourrait, le cas échéant, conduire à une révision du cadre législatif en vigueur.

En savoir plus :

 Encadrement juridique international dans les différents domaines de la bioéthique - (Agence de la biomédecine)

 Bioéthique, biomédecine : pourquoi & comment encadrer la médecine ? - (Agence de la biomédecine)