Biosurveillance

La population générale est exposée, souvent à faibles voire très faibles doses, à une multitude d’agents chimiques et de contaminants de l’environnement, par inhalation (air intérieur, air extérieur, aérosols, poussières…), contact cutané (cosmétiques, produits d’entretien…) ou ingestion (aliments, matériaux au contact des aliments, eau, poussières…).
La plupart de ces polluants sont présents de façon ubiquitaire dans l’environnement et sont susceptibles d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine : composés cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR), perturbateurs endocriniens, sensibilisants… Ils font généralement l’objet de réglementations (contrôle, interdiction, restriction, autorisation…) et, pour certains, d’une surveillance dans les milieux (eaux, aliments, air…). Certains polluants peuvent persister plusieurs années dans l’environnement, même après avoir été interdits, et continuer à exposer la population via les différents milieux dans lesquels ils sont présents (eau, air, sol et alimentation).
La biosurveillance, qui mesure la présence dans l’organisme (ou imprégnation) de substances chimiques ou polluants issus de notre environnement, est un outil essentiel de santé publique pour évaluer notre exposition et les impacts sur notre santé.

La connaissance des expositions de la population aux substances chimiques et autres polluants de l’environnement est essentielle pour évaluer les risques sanitaires encourus et pour suivre l’efficacité des politiques publiques visant à les réduire. Cependant, au vu du caractère ubiquitaire des polluants pouvant contaminer les aliments, les produits de consommation multiples, les milieux environnementaux (eau, air, sol…), il est très difficile d’évaluer de façon précise l’exposition de la population à ces substances par leur mesure dans les différents milieux. Les études de biosurveillance en population générale permettent, en complément des mesures environnementales, d’estimer de façon directe l’exposition biologique interne (ou imprégnation) de la population aux différents polluants. Ces études contribuent également à mieux connaitre l’exposome, c’est à dire toutes les expositions auxquelles est soumis un individu pendant sa vie entière (prenant en compte les expositions environnementales aux agents chimiques, physiques, biologiques et les facteurs socio-économiques).

Qu’est que la biosurveillance ?

La biosurveillance est la mesure des niveaux de concentration dans l’organisme (ou imprégnation) de substances chimiques (et de leurs produits de dégradation) et de polluants présents dans notre environnement. Cette mesure se fait par le dosage de biomarqueurs dans des prélèvements biologiques de sang, d’urine, de cheveux, ou encore de lait maternel. Cette méthode permet d’avoir une bonne estimation de l’exposition interne des individus aux substances chimiques et autres polluants (ex : métaux), toutes voies d’exposition confondues.
La biosurveillance permet également de prendre en compte les différences physiologiques selon les individus (respiration, métabolisme, âge…) ainsi que les facteurs associés au comportement et aux activités de chacun (hygiène de vie, usage de produits de consommation…).

Quels sont les objectifs des études de biosurveillance ?

La production de données d’imprégnation de la population aux substances chimiques et autres polluants permet de répondre à plusieurs objectifs :
 décrire les niveaux d’imprégnation de la population et suivre leur évolution ;
 estimer les expositions internes des individus toutes voies confondues ;
 connaître les expositions auxquelles sont soumises les populations et identifier d’éventuels groupes à risque (sur-imprégnés), de modes de vie à risque ou encore des zones géographiques à plus fortes expositions ;
 élaborer des valeurs de référence des niveaux d’imprégnations en vue de mettre en place des actions de gestion spécifiques auprès des populations les plus imprégnées, notamment celles vivant sur des sites pollués ;
 évaluer l’impact sanitaire selon les niveaux d’imprégnation mesurés grâce à la construction, lorsque que cela est possible, de valeurs sanitaires permettant de savoir à partir de quel niveau d’imprégnation il existerait un risque pour la santé ;
 définir des mesures de prévention et de gestion des risques adaptées (contrôle, interdiction, restriction d’usage, recommandations…) ;
 vérifier l’efficacité des politiques publiques (par exemple concernant les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les métaux lourds…) et les renforcer le cas échéant ;
 faire évoluer les politiques nationales et européennes relatives aux substances chimiques (contrôle, interdiction, restriction d’usage…).

La répétition des enquêtes de biosurveillance permet de suivre dans le temps l’évolution des niveaux d’imprégnation et d’évaluer l’efficacité des mesures de gestion et de prévention visant à réduire les expositions.

Enfin, les données relatives à l’imprégnation de la population générale française contribuent, grâce à la mise en place de collaboration avec les agences sanitaires et instituts de recherche au niveau national et international, au développement de l’expertise sur l’évaluation des risques sanitaires associés aux expositions aux agents chimiques et autres polluants.

La biosurveillance est donc un outil essentiel à la santé publique et environnementale permettant de mieux connaitre les expositions de la population aux substances chimiques et contaminants de l’environnement, d’estimer les expositions internes des individus toutes voies confondues (ingestion, inhalation, cutanée), de surveiller leurs évolutions et de définir des mesures de prévention et de gestion des risques adaptées.

Le programme national de biosurveillance

La biosurveillance a été inscrite dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoyant dans son article 32 l’élaboration d’un deuxième plan national santé environnement (PNSE) comportant notamment un programme de « biosurveillance ». Le deuxième PNSE 2009-2013 prévoyait une action 43 intitulée : « Lancer un programme pluriannuel de biosurveillance de la population française couplé à une enquête de santé plus large et incluant le dosage des polluants émergents », et le PNSE 3 2015-2019 consacrait sa deuxième partie aux enjeux de la connaissance des expositions, de leur effets et des leviers d’actions pour les réduire, avec une large part consacrée à la biosurveillance. Le PNSE 4 2021-2025 prévoit actualisation des résultats du programme national de biosurveillance ainsi que le développement d’infrastructures (plateformes analytiques…) en support à la biosurveillance des populations et des écosystèmes grâce à un programme de recherche PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche).

Le programme national de biosurveillance, piloté par Santé publique France (SpF) depuis 2010, a été mis en place dans le but d’estimer l’imprégnation de la population française à différentes substances présentes dans l’environnement. Il s’est appuyé sur deux principales études :

 le volet périnatal du programme national de biosurveillance. Il a été mis en œuvre sur un échantillon de plus de 4 000 mères incluses dans la cohorte Elfe pour lesquelles des prélèvements biologiques, réalisés en maternité, étaient disponibles en quantités suffisantes. Cette étude a permis de décrire les niveaux d’imprégnation par différents biomarqueurs, dont certains agents cancérigènes ou potentiellement cancérigènes, notamment des pesticides, de femmes enceintes ayant accouché en France continentale en 2011. Les résultats de cette étude ont été publiés dès décembre 2016 et jusqu’en 2019. Ils concernent les niveaux d’imprégnation par des polluants organiques : le bisphénol A, les phtalates et les pesticides mesurés dans les urines, et les concentrations sériques en dioxines, furanes, polychlorobiphényles (PCB), retardeurs de flamme bromés et composés perfluorés.

Certains de ces polluants organiques, dont des perturbateurs endocriniens, ont été retrouvés chez près de la totalité des femmes enceintes ayant participé à l’étude. Les concentrations mesurées sont néanmoins légèrement inférieures à celles observées dans les études antérieures, notamment l’étude ENNS (étude nationale nutrition santé) réalisée entre 2006 et 2007.

 Consulter les résultats du volet périnatal du programme de biosurveillance : tome 1, tome 2, tome 3.

 L’étude ESTEBAN (Environnement, SanTé, Biosurveillance, Activité physique, Nutrition).
Cette étude, portée par Santé publique France, est une enquête transversale de biosurveillance couplée avec des examens de santé et un volet nutritionnel. Le volet biosurveillance a permis la description et le suivi des niveaux d’exposition de la population (1000 enfants de 6 à 17 ans et 4000 adultes âgés de 18 à 74 ans) résidant en France continentale, pour une centaine de substances, y compris certains agents cancérigènes ou potentiellement cancérigènes et des pesticides. Les résultats de cette étude ont été publiés entre 2019 et 2021.

Consulter les résultats de l’étude ESTEBAN publiés :

 en septembre 2019 sur les produits du quotidien (bisphénols, phtalates, perfluorés, parabènes, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés),
 en mars 2020 sur le plomb,
 en juin 2021 sur les métaux et métalloïdes (arsenic, cadmium, mercure, cuivre, chrome, nickel…),
 en décembre 2021 sur les pesticides, PCB, dioxines et furanes.

En complément de ces deux principales études, des études spécifiques de biosurveillance sont également menées :

 Etude d’imprégnation chez des riverains de zones agricoles :

Santé publique France et l’Anses ont lancé le 19 octobre 2021 l’étude PestiRiv, première étude de grande ampleur visant à mieux connaître et comprendre l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de cultures viticoles. L’étude est inédite en termes de sources d’exposition prises en compte (air, alimentation, activité professionnelle et usages domestiques), de diversité des échantillons collectés conjointement (air ambiant, air intérieur, poussières, urines, cheveux, aliments autoproduits) et de maillage territorial, avec 6 régions viticoles couvertes. Les mesures seront réalisées auprès de 3 350 personnes, elles permettront d’identifier de manière objective les sources qui contribuent le plus à l’exposition aux pesticides et d’adapter les mesures de prévention.

 Etudes de biosurveillance aux Antilles :

Dans le cadre du plan chlordécone, l’étude KANNARI a été menée en 2013-2014 en Guadeloupe et en Martinique. Elle comportait un volet " imprégnation " dont les objectifs étaient de décrire l’imprégnation de la population antillaise par la chlordécone et d’autres composés organochlorés (PCB, HCH, HCB, DDT, DDE) et de quantifier les déterminants des niveaux d’imprégnation par la chlordécone. SpF a publié les résultats de ce volet en octobre 2018.

Dans le cadre du plan chlordécone IV, une nouvelle étude KANNARI 2 sur la surveillance de l’évolution de l’imprégnation des populations guadeloupéennes et martiniquaises par la chlordécone et d’autres polluants de l’environnement est en cours de préparation.

Poursuite des études de biosurveillance :

Les études de biosurveillance vont continuer à être menées afin de suivre l’évolution de l’exposition de la population aux divers contaminants de l’environnement, au niveau national dans le cadre du futur programme national de biosurveillance en cours d’élaboration par SpF, en lien avec les cinq ministères chargés de la santé, de l’environnement, du travail, de l’agriculture et de la recherche, et au niveau européen dans le cadre du partenariat PARC (European Partnership for the Assessment of Risk from Chemicals) qui sera lancé en mai 2022 dans les suites du programme européen HBM4EU (Human biomonitoring for Europe).

Pour en savoir plus :

 Site internet de Santé publique France et travaux sur la biosurveillance et le dossier « Expositions environnementales : les principales études de biosurveillance et d’imprégnation menées par Santé publique France »

L’initiative européenne de biosurveillance, HBM4EU

La Commission européenne a lancé une initiative européenne de biosurveillance au travers du programme Horizon 2020, avec un appel à projet publié le 14 octobre 2015, auquel la France, en lien avec 25 autres pays, a participé.

Cette initiative avait pour principal objectif la construction d’un dispositif de biosurveillance européen pérenne en vue d’harmoniser les protocoles d’études entre les pays, de partager les données disponibles, de construire un réseau de laboratoires, et de compléter par des études ciblées les données d’exposition de la population européenne à différentes substances chimiques.

Ce projet comportait également des objectifs de recherche et d’amélioration des connaissances sur les liens entre imprégnation et impact sur la santé, dans le but de développer des outils pour la gestion des risques liés aux substances chimiques et in fine de renforcer les réglementations européennes sur ces substances.

La participation de la France à cette initiative a permis de développer une véritable dynamique entre les nombreux acteurs français concernés :
 les instituts de recherche : Institut national de la santé et la recherche médicale (INSERM), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;
 les agences sanitaires (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et SpF) ;
 l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), ainsi que ;
 les ministères chargés de la recherche, du travail, de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

Santé publique France a été très impliqué dans ce programme HBM4EU.

Retrouvez l’ensemble des résultats issus du programme HBM4EU → rubriques « Publications et Oneline Library »

Partenariat PARC « European Partnership for the Assessment of Risks from Chemicals »

Le projet HBM4EU sur la biosurveillance humaine se termine et sera prolongé en 2022 dans le cadre du partenariat européen PARC sur l’évaluation des risques liés aux substances chimiques avec notamment la prise en compte de leurs impacts sur les écosystèmes.

PARC s’inscrit dans Horizon Europe. Son objectif est de venir en appui à la mise en œuvre de la stratégie de la Commission européenne sur les substances chimiques mais aussi de l’European green deal (pacte vert pour l’Europe).

PARC sera plus large qu’HBM4EU : en plus d’un volet sur la biosurveillance, il comportera un volet sur le danger (toxicologie, développement de nouvelles méthodes) et la prise en compte d’une dimension environnement.

PARC va permettre le développement d’outils d’évaluation des risques, pour la population générale et les travailleurs, mais aussi l’amélioration des liens entre les différentes réglementations.

La finalité de PARC est d’améliorer :
 les évaluations des risques des produits chimiques en Europe,
 l’efficacité et la transparence des évaluations des risques et leur mise en œuvre dans la réglementation.

Santé publique France a copiloté un « work package » sur la surveillance des expositions afin de préparer ce futur projet européen PARC. L’Anses, coordinateur du partenariat, et ses partenaires dont Santé publique France, se sont impliqués avec plus d’une trentaine d’institutions d’expertise et de recherche en Europe pour préparer la stratégie et le programme de travail soumis à la Commission européenne en 2021 dans le cadre du prochain programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » (2021-2027).