Les médicaments pédiatriques

En Europe, plus de 50% des médicaments prescrits aux enfants et adolescents n’ont pas fait l’objet d’une évaluation et d’une autorisation d’administration spécifiques à ces classes d’âge. L’étroitesse du marché visé et la difficulté à mener des travaux de recherche chez l’enfant n’incitent pas en effet les entreprises pharmaceutiques à engager des essais cliniques dans ces classes d’âge. Or, plus de 20% des Européens en 2010 sont des enfants, représentant plus de 100 millions de personnes.

Pour certaines maladies ou certains troubles, notamment les pathologies graves, les enfants ne bénéficient pas de traitements adaptés à leur âge. Les médecins sont donc souvent amenés à prescrire aux enfants des médicaments conçus pour les adultes en adaptant de manière empirique la posologie (en divisant la dose préconisée pour l’adulte) ou le mode d’administration (en écrasant un comprimé par exemple).

Les conséquences peuvent être graves car les organes, le métabolisme et le système immunitaire évoluent régulièrement de la naissance à l’adolescence. Chaque tranche d’âge présente donc des caractéristiques physiologiques, biologiques et pharmacologiques qui lui sont propres, susceptibles de modifier le mode d’action d’un médicament.

Vers des médicaments adaptés à l’enfant

Il s’est donc avéré nécessaire de mener des études spécifiques chez l’enfant pour prendre en compte les paramètres physiologiques particuliers aux tranches d’âge concernées et évaluer les effets à long terme.

Ces études sont indispensables pour assurer non seulement une efficacité mais aussi une sécurité maximales des médicaments destinés à l’enfant.

Or, les entreprises pharmaceutiques sont peu enclines à développer des médicaments pédiatriques pour plusieurs raisons. D’une part l’étroitesse du marché : l’investissement nécessaire est très lourd et la rentabilité n’est pas assurée si la maladie est peu fréquente. D’autre part, les travaux de recherche nécessaires au développement du médicament pédiatrique, notamment les essais cliniques, se heurtent à des difficultés d’ordre technique (formulations et appareils non adaptés à chaque catégorie d’âge pédiatrique), logistique (participation de l’enfant aux essais) et éthique (l’enfant est une personne vulnérable).

C’est dans cette optique qu’a été adopté le règlement européen (CE) n°1901/2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique ; il comporte des incitations financières pour les industriels mais également des obligations et un cadre de développement des études afin de s’assurer que ces médicaments font l’objet de recherches éthiques d’une grande qualité.

L’entrée en vigueur du règlement européen

Le règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique vise à :

  • faciliter le développement et l’accessibilité des médicaments à usage pédiatrique ;
  • assurer que ces médicaments font l’objet de recherches éthiques d’une grande qualité et qu’ils sont dûment autorisés en vue d’un usage en pédiatrie ;
  • améliorer les informations disponibles sur l’usage de médicaments au sein des diverses populations pédiatriques.

Entré en vigueur le 26 janvier 2007, le Règlement européen (CE) n°1901/2006) impose notamment aux entreprises pharmaceutiques l’obligation de déposer auprès du Comité européen Pédiatrique (PDCO) créé spécifiquement à l’Agence Européenne du Médicaments, un Plan d’Investigation Pédiatrique (PIP).
Il s’agit d’un programme de recherche et de développement complet. La firme y présente l’ensemble des mesures pharmaceutiques, précliniques et cliniques envisagées dans l’optique de démontrer la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament chez la population pédiatrique, en vue de son autorisation de mise sur le marché national ou européen.

En contrepartie, les firmes bénéficient de mesures de protection accrues après la mise en œuvre du développement approuvé dans le cadre d’un PIP. Ce système s’applique :
 aux nouveaux produits en cours de développement, afin que les développements pédiatriques soient inclus dans le plan de développement global du nouveau principe actif.
 aux médicaments déjà autorisés, y compris ceux n’étant plus couverts par un brevet.

Deux bases de données ont été mises en place dans le cadre de ce règlement européen pour améliorer l’accès à une information de référence :
 Base des médicaments autorisés en pédiatrie en Europe (Eudrapharm)
 Base européenne des essais cliniques en pédiatrie (EUDRACT).

En savoir plus sur les principales mesures du règlement pédiatrique européen

Le rôle de l’ANSM en France

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) joue en France un rôle important dans le développement des médicaments destinés aux enfants. Elle est chargée d’améliorer la prise en charge thérapeutique de l’enfant et de veiller à la sécurité des médicaments qui lui sont administrés. Dans ce cadre, elle évalue, entre autres :
 les Plans d’investigation pédiatriques (PIP) ;
 les essais cliniques chez l’enfant ;
 les demandes d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) ;
 les demandes d’Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) des médicaments chez l’enfant ;
 les demandes de recommandations temporaires d’utilisation chez l’enfant (RTU) chez l’enfant ;
 les appels d’offres en relation avec les développements thérapeutiques pédiatriques ;
 les avis scientifiques portant sur des questions pédiatriques ;
 les préparations hospitalières à usage pédiatrique et les besoins thérapeutiques pédiatriques, ainsi que les informations à usage pédiatrique.

L’ANSM s’est dotée d’une entité en charge des médicaments pédiatriques afin d’élaborer une réflexion stratégique sur les actions à mettre en place au niveau national. Elle a pour rôle d’évaluer les PIP, de répondre aux questions d’expertise scientifiques pédiatriques et aux autres saisines émises par des instances internes ou extérieures à l’agence.

Une recherche en expansion, une offre élargie et des informations plus nombreuses

La Commission européenne a publié en juin 2013 un rapport sur les progrès réalisés cinq ans après l’entrée en vigueur du règlement relatif aux médicaments à usage pédiatrique.

Plusieurs améliorations notables sont constatées :
 la recherche est de meilleure qualité et plus sûre,
 l’offre de médicaments pédiatriques sur le marché de l’Union européenne s’est élargie,
 l’information des parents et des professionnels de la santé a été renforcée.

En raison de la longueur du cycle de conception des médicaments, il faudra néanmoins attendre plusieurs années pour percevoir tous les effets de la législation.

Les points-clés du rapport :
 Fin 2012, l’Agence européenne des médicaments (EMA) avait déjà approuvé 600 plans d’investigation pédiatrique, dont 33 ont été réalisés complètement.
 Sur les 152 nouveaux médicaments mis sur le marché depuis l’entrée en vigueur du règlement, 31 ont été autorisés pour un usage pédiatrique et de nombreuses autres autorisations en pédiatrie sont attendues dans les prochaines années.
 Fin 2011, 72 nouvelles indications pédiatriques avaient été approuvées pour des médicaments déjà autorisés et 26 nouvelles formes pharmaceutiques avaient été autorisées pour usage pédiatrique.
 Depuis 2008, plus de 18 000 études pédiatriques – portant sur environ 2 200 médicaments – ont été soumises aux autorités compétentes.