La place de l’hygiène des mains et des produits hydro-alcooliques dans la prévention de la transmission des infections

Argumentaire scientifique de la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SFHH)

Un impact sur la transmission des infections

En établissement de santé :

L’hygiène des mains est un élément-clef de la lutte contre les infections associées aux soins et la transmission d’agents pathogènes. Dès 1962, Edward Mortimer avait mis en évidence le rôle des mains des soignants dans la transmission de germes pathogènes, en l’occurrence des staphylocoques chez les nouveaux-nés. Une étude de Didier Pittet parue dans The Lancet en Octobre 2000, a évalué le lien entre l’observance de l’hygiène des mains et le taux d’infections nosocomiales. Ces études ont montré sur une période de 4 ans que le taux d’infections diminuait, ainsi que le taux de transmission de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline quand l’hygiène des mains augmentait. Ce résultat a notamment été observé grâce à une campagne continue de promotion de l’hygiène des mains comportant la mise en place de produit hydro-alcoolique (PHA). Plus récemment, parallèlement à l’augmentation de la consommation des PHA et de l’observance des gestes d’hygiène des mains, de nombreuses études ont observé une diminution du nombre d’infections nosocomiales et de bactéries multi résistantes aux antibiotiques.

Dans la communauté :

Un bon respect de l’hygiène quotidien des mains à l’eau et au savon permet de réduire la transmission des infections. Ces multiples expériences participent au faisceau d’arguments en faveur d’une relation causale entre une stratégie d’hygiène des mains avec la place privilégiée des PHA et son impact sur la maîtrise du risque infectieux.

On lave des mains sales, on les désinfecte par friction pour les soins : une recommandation universelle

La friction hydro-alcoolique (FHA) est la technique d’hygiène des mains priorisée en situation de soins (établissements de santé, exercice libéral, domicile, urgence extrahospitalière). Dès décembre 2001, le Comité Technique National des Infections Nosocomiales rappelait que l’hygiène des mains devait reposer sur la friction avec un produit hydro-alcoolique (PHA) « en remplacement du lavage des mains ». Cette place de la FHA est également retrouvée dans le guide « Hygiène des mains » rédigé sous l’égide de la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H), les recommandations nord-américaines de 2002 [7], ainsi que le guide de l’Organisation Mondiale de la Santé, support du défi mondial pour la sécurité des patients « des mains propres sont des mains sûres ; un soin propre est un soin plus sûr » qui reprennent ce même message : « … l’hygiène des mains est considérée comme la plus importante [des mesures de prévention de la transmission des infections]. … l’amélioration de cette pratique se révèle être une tâche difficile et complexe… Il est recommandé de frictionner les mains de préférence avec un produit hydro-alcoolique pour l’antisepsie de routine… ».

La FHA est validée dans les situations de prise en charge de tout patient, entrant ainsi dans le cadre des « Précautions standard » comme moyen de prévention de la transmission croisée, notamment en établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux comme ceux hébergeant des personnes âgées dépendantes. Dans toutes les recommandations, l’hygiène des mains, en particulier par FHA, est ainsi présentée comme une recommandation forte, avec un niveau de preuve scientifique fort (cotation Ib pour les recommandations nord-américaines ou celles de l’OMS).

Une technique efficace

Il est prouvé que la FHA est la méthode la plus efficace en termes d’élimination de la flore portée sur les mains. Les principes actifs (alcools) de ces produits hydro-alcooliques ont une excellente activité in vitro, bactéricide y compris sur les bactéries multirésistantes aux antibiotiques (comme Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, …) fongicide et virucide sur les virus enveloppés (Herpès simplex virus, HIV, virus de la grippe, virus respiratoire syncytial, virus de l’hépatite B) et à un degré moindre sur les virus nus. Il faut signaler une amélioration constante des produits et une augmentation du nombre de produits virucides sur l’ensemble des virus.

La réduction de la contamination des mains, quel que soit le PHA testé, est toujours supérieure à celle d’un lavage des mains, fait avec un savon antiseptique ou un savon doux, à temps de contact égal.

Il est nécessaire lors du choix de produits de vérifier l’activité antimicrobienne des produits in vivo et in vitro en se référant aux normes en vigueur. Le respect de ces normes, avec le temps de friction qui y est associé, est repris dans la Liste Positive des Désinfectants éditée par la SF2H, outil d’aide pour le choix, par les établissements de santé, d’un produit hydro alcoolique. Un site professionnel sur les désinfectants et produits mains, Prodhybase® permet également de consulter l’ensemble des caractéristiques des produits et résultats de normes.

La SF2H recommande de ne plus utiliser les savons antiseptiques en établissement de soins, pour les gestes d’hygiène des mains. Des PHA permettent de répondre à quasiment toutes les situations de désinfection des mains. L’élimination des souillures et la présence d’ectoparasites (gale par exemple) ou de formes bactériennes sporulées (Clostridium difficile par exemple) nécessitent le recours préalable à un lavage avec un savon doux.
En dehors des soins, seul le lavage simple des mains pour les gestes d’hygiène des mains au quotidien est recommandé dans la vie courante, dans les écoles, etc. [communiqué SF2H de juillet 2009].

Une méthode avec une bonne tolérance cutanée

En situation de soins, le recours très fréquent au lavage des mains est un facteur important d’irritation cutanée ; il a été rapporté jusqu’à 25% de mauvaise tolérance cutanée. Il est prouvé que l’utilisation de PHA améliore autant la sécheresse cutanée mesurée objectivement que la sensation subjective de sécheresse ou d’irritation.

Le choix d’un produit adapté avec le respect d’une bonne technique, favorisant une bonne tolérance, permet ainsi d’obtenir une meilleure observance de la désinfection des mains.

Des conditions de réalisation de la FHA à bien respecter

Comme pour tout geste d’hygiène des mains, plusieurs pré-requis doivent être observés ; les mains et poignets doivent être débarrassés de tous bijoux, bracelets ou montre, y compris l’alliance. Il a été prouvé que le port de bijoux, y compris une alliance lisse, d’une montre au poignet ou de bracelets est associé à des contaminations persistantes des mains. De même, des épidémies ont été associées à des écarts quant aux recommandations relatives aux ongles longs ou portant des décorations ou du vernis. Le port de faux ongles a clairement été associé à des épidémies. Tous ces artifices diminuent l’efficacité du geste d’hygiène des mains. Ces arguments appuient la recommandation « tolérance zéro pour les bijoux ».
La FHA doit également être réalisée sur des mains macroscopiquement propres et sèches. Pour être efficace, elle requiert l’absence de souillures organiques qui inactiveraient leur principe actif.

La FHA requiert une application soigneuse sur l’ensemble des mains et poignets avec une dose de produit suffisante pour garantir la couverture des mains et des poignets et le respect du temps de contact efficace. La gestuelle a été argumentée dans les dernières recommandations SF2H 2009.
La friction doit être réalisée à distance du lavage des mains, car la réalisation d’une FHA immédiatement après lavage diminue l’activité et augmente les intolérances.

Tous ces éléments militent en faveur d’un protocole spécifique pour réaliser une bonne FHA, enseignée aux professionnels de santé (formation initiale et continue) et évaluée. L’éducation du patient, de sa famille lorsqu’elle participe aux soins, est également importante. Enfin, l’éducation à l’hygiène des mains dès le plus jeune âge devrait être favorisée.

Une stratégie pour améliorer l’observance

En situation de soins

Il est clairement prouvé que l’observance de l’hygiène des mains ne reposant que sur le lavage était très insuffisante, réalisée en moyenne moins d’une fois sur deux [1] dans de nombreuses études. Cette insuffisance est liée à de nombreux facteurs dont les attitudes ou les comportements face au risque infectieux. Une stratégie volontariste et permanente, basée sur l’accès facilité à un geste de désinfection des mains, au plus proche du soin, a prouvé son impact sur l’observance. Le temps passé pour réaliser ces gestes d’hygiène des mains, facteur déterminant de l’observance, a pu être réduit de l’ordre de 80% en implantant la friction.

Dans la communauté et en dehors des soins :

L’hygiène des mains repose sur le lavage à l’eau et au savon doux et mérite des programmes d’éducation et de promotion tant à l’école que lors de la survenue d’événements sanitaires comme la grippe ou les épidémies de gastro-entérites. Seule l’absence d’un point d’eau disponible justifie le recours à un PHA.