L’antibiorésistance : pourquoi est-ce si grave ?

L’usage abusif et trop souvent incorrect des antibiotiques a contribué au développement et à la dissémination de bactéries qui sont devenues résistantes aux antibiotiques. Cette résistance se développe lorsqu’une bactérie se transforme et développe des mécanismes de défense, diminuant ou annulant l’action des antibiotiques qui la combattent.

La découverte des anti-infectieux, et des antibiotiques en particulier, a constitué un extraordinaire progrès qui a permis de prolonger la durée de vie des êtres humains. Cette formidable invention est aujourd’hui victime de son succès : la résistance aux antibiotiques devient progressivement un problème majeur de santé publique pour la France et dans le monde entier.

L’antibiorésistance : qu’est-ce que c’est ?



L’antibiorésistance est le phénomène qui consiste, pour une bactérie, à devenir résistante aux antibiotiques. Les bactéries exposées aux antibiotiques évoluent et développent des mécanismes de défense qui leur permettent d’échapper à leur action. Ce phénomène touche aussi bien les bactéries à l’origine des infections (bactéries pathogènes) que les bactéries généralement inoffensives qui sont naturellement présentes sur notre corps (bactéries dites commensales), chez les animaux (de compagnie ou de production de denrées) et dans l’environnement. Lorsque la résistance s’est développée chez l’une ou l’autre de ces espèces bactériennes, elle peut être transmise à d’autres espèces, et ainsi contribuer à l’expansion du phénomène et à sa diffusion. Les antibiotiques deviennent ainsi inefficaces et ne peuvent plus nous soigner contre des infections à bactéries résistantes.

Les antibiotiques peuvent-ils soigner des infections produites par des bactéries résistantes ?

Les antibiotiques prescrits habituellement par le médecin (dits « de première ligne ») peuvent ne pas être efficaces contre des infections provoquées par des bactéries résistantes, il faut alors avoir recours à des antibiotiques plus puissants, heureusement encore généralement disponibles.
Cependant, il peut arriver que des antibiotiques efficaces viennent à manquer pour traiter certaines infections, aboutissant à des situations où il n’existe plus aucun traitement possible ; on parle alors « d’impasse thérapeutique ».

L’antibiorésistance, quelle en est la cause ?

Le fait d’avoir utilisé de manière très importante et à plusieurs reprises des antibiotiques en santé humaine et animale est responsable de l’augmentation des résistances bactériennes aux antibiotiques, faisant craindre des impasses thérapeutiques de plus en plus fréquentes.

En effet, les antibiotiques agissent non seulement sur la bactérie responsable de l’infection à soigner, mais ils agissent aussi sur les bactéries utiles à notre organisme. Toutes les bactéries risquent de ce fait de développer de nouveaux mécanismes de résistance aux antibiotiques. Plus on prend d’antibiotiques, plus le risque s’accroît de faire émerger des bactéries résistantes qui rendent les traitements antibiotiques ultérieurs moins efficaces pour le patient et pour la collectivité.

L’antibiorésistance n’est pas un phénomène nouveau. Depuis la découverte de la pénicilline, chaque nouvelle génération d’antibiotiques a vu apparaître des mécanismes de résistance lui correspondant. Les premières résistances à la pénicilline apparaissent en 1940. Les premières bactéries multi-résistances (BMR) apparaissent, elles, dans les années 1970, tandis que les bactéries hautement résistantes (BHRe) surgissent dans les années 2000.

Source : Résistance aux antibiotiques – Santé publique France (santepubliquefrance.fr)



Aujourd’hui, de nouvelles résistances bactériennes se multiplient, en ville, comme à l’hôpital, et poussent les médecins à utiliser des antibiotiques toujours plus puissants, lorsqu’ils existent. L’usage répété de ceux-ci contribue aussi à renforcer l’émergence de résistances en milieu hospitalier.

L’antibiorésistance, comment se développe-t-elle ?

Source : Cinq raisons de s’inquiéter de la résistance aux antimicrobiens (RAM) - Consilium (europa.eu)



Une bactérie peut échapper à l’action d’un antibiotique, du fait d’une mutation génétique, spontanée ou favorisée par l’exposition aux antibiotiques. La résistance est alors inscrite dans ses gènes.

En se multipliant, la bactérie va transmettre sa résistance aux antibiotiques à sa descendance.

Plus souvent, les mécanismes de résistance se transmettent par l’ADN d’une bactérie à une autre. C’est par ce mécanisme qu’une résistance apparue chez une bactérie de l’environnement ou qui infecte l’animal peut se transmettre à une bactérie qui infecte l’homme.

L’antibiorésistance : les chiffres

Deux récentes études ont estimé le nombre d’infections dues à des bactéries résistantes. Pour la première, du centre européen de prévention et contrôle des maladies (ECDC), les infections à bactéries résistantes touchent plus de 120 000 cas par an en France, et sont associées à plus de 5500 décès. La deuxième, une étude française de 2019, estime les bactéries résistantes responsables de plus de 130 000 infections en 2016 en France.

Source : Résistance aux antibiotiques – Santé publique France (santepubliquefrance.fr)



En Europe, 35 000 personnes meurent chaque année d’infections résistantes aux antibiotiques.
L’impact sur la santé de ces infections résistantes est comparable à celui de la grippe, de la tuberculose et du VIH/SIDA réunis.

Source : Cinq raisons de s’inquiéter de la résistance aux antimicrobiens (RAM) - Consilium (europa.eu)



Selon des projections récentes de l’OCDE, les infections résistantes aux traitements antibiotiques pourraient tuer quelque 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie entre 2015 et 2050 si l’on ne redouble pas d’efforts pour enrayer l’antibiorésistance. En France, d’ici 2050, on estime que 238 000 personnes mourront des suites de l’antibiorésistance.

Impact économique de l’antibiorésistance

Outre le coût en pertes humaines, le coût financier des soins pour la société s’élèverait à plus de 1,5 milliards d’euros en Europe et plus de 55 milliards de dollars aux Etats-Unis. Dans le monde entier, l’antibiorésistance pourrait coûter plus de 100 000 milliards de dollars.

Selon l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), la surconsommation d’antibiotique en France engendre une dépense supplémentaire pour le système de santé français, par rapport à nos voisins européens, qui varie de 70 à 440 millions d’euros par an, selon le scénario retenu (scénario 1 : Consommation moyenne d’antibiotiques mesurée en ville dans l’ensemble des pays européens, scénario 2 : Consommation moyenne des 12 pays européens les plus développés, scénario 3 : Consommation moyenne des trois pays les plus « vertueux », en termes de consommation antibiotique).

Une étude française de 2018 confirme ces chiffres. L’antibiorésistance aurait entraîné un coût global de 109,3 millions d’euros à la France en 2015.

Pour les pays les plus pauvres, l’antibiorésistance serait susceptible de provoquer d’ici 2050 un impact financier comparable à la crise financière de 2008 selon une étude de la Banque mondiale publiée en 2016. Les projections économiques de la banque mondiale indiquent que le PIB mondial pourrait diminuer chaque année de 1,1 à 3,8 %, en raison de l’impact de cette crise sanitaire sur le commerce mondial, le coût des soins de santé et sur l’élevage.

Des ressources financières et des moyens humains supplémentaires devront être engagées pour traiter les patients souffrant de résistance aux antibiotiques (matériel, coût de la prise en charge, traitements…). Les complications engendrées par l’antibiorésistance pourraient coûter en moyenne jusqu’à 3,5 milliards dollars par an dans les 33 pays considérés si rien n’est fait pour intensifier la lutte contre les « superbactéries » et en France, d’ici 2050, le coût des soins de santé pourraient atteindre 11,3 milliards de dollars selon la récente étude de l’OCDE.

L’antibiorésistance : des conséquences au niveau mondial

L’antibiorésistance est un grave problème de santé publique mondial, qui progresse extrêmement rapidement, et qui s’accélère depuis les années 2000. La résistance aux antibiotiques menace notre mode de vie actuel et compromet toutes les avancées que la médecine a effectuées depuis plus de 70 ans. Si les habitudes de surconsommation d’antibiotiques ne sont pas stoppées, l’antibiorésistance pourrait devenir l’une des principales causes de mortalité dans le monde.

Depuis la découverte de la pénicilline, le premier antibiotique, la médecine a fait des progrès considérables en matière de chirurgie complexe, de greffes d’organes, de néonatalogie ou de réanimation. Toutes ces interventions deviendraient impossibles si l’antibiorésistance se développait davantage, car le risque infectieux provoqué par chaque geste médical serait trop élevé.

Elle remettrait en question la capacité à soigner les infections, même les plus courantes, que ce soit en médecine de ville, hospitalière ou vétérinaire, de même qu’elle majorerait le risque lors d’interventions médicales où les antibiotiques sont indispensables pour réduire les risques infectieux associés (chimiothérapies, chirurgie…).

Les conséquences de l’inefficacité des antibiotiques sont multiples :

  • des maladies plus longues et plus difficiles à soigner ;
  • des complications de la maladie ;
  • des consultations médicales supplémentaires ;
  • une utilisation de médicaments plus puissants et plus chers pour arriver à soigner ;
  • des risques plus élevés lors d’interventions médicales, pour lesquelles
    les antibiotiques sont indispensables pour réduire les risques infectieux ;
  • des décès causés par des infections bactériennes jusqu’alors faciles à traiter.

En connaissant à nouveau un monde sans antibiotiques, les sociétés humaines reviendraient 70 années en arrière, lorsqu’on mourait encore d’infections bactériennes aujourd’hui devenues banales .

On trouve des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques dans la plupart des infections comme par exemple, les infections de la peau, des méningites, les infections sexuellement transmissibles, les infections urinaires ou les infections des voies respiratoires comme des pneumonies.

Pour en savoir plus

Santé Publique France :
 Dossier "Résistance aux antibiotiques"
 Publication "Consommation d’antibiotiques et résistance aux antibiotiques en France : soyons concernés, soyons responsables"

Résistance aux antibiotiques et perception des français
En novembre 2017, l’IFOP a réalisé un sondage « les français et la résistance aux antibiotiques » qui révèle qu’un français sur deux connaît mal ou pas du tout cette notion. Ces derniers ne perçoivent pas encore la problématique dans sa globalité (l’impact des antibiotiques dans l’élevage, les résidus environnementaux ou encore le traitement des animaux domestiques) et surtout le phénomène n’est pas une préoccupation majeure à leurs yeux. »