Des patients enseignants au cœur des territoires

Objectifs résumés
Création d’un groupe de patients enseignants issus du territoire d’une CPTS (Châteauroux & Co) pour coanimer les enseignements décentralisés destinés aux étudiants de 3ème cycle du DUMG de TOURS. Afin de promouvoir la démocratie sanitaire dans une zone éloignée de l’université, il a été proposé au groupe de patients partenaires de la CPTS de se lancer dans cette expérience en s’appuyant sur une formation adaptée aux compétences requises et aux moyens existants.

Le porteur de projet

Coordonnées de la structure :

CPTS Châteauroux & Co
65 rue Montaigne
CHATEAUROUX 36000
Type de structure :
Association et organisation professionnelle

Coordonnées du contact :

PHILIPPE Laurence
Qualité : Médecin généraliste Présidente de la CPTS
Téléphone professionnel : 06 33 55 50 97
Courriel professionnel : laurence.philippe3@wanadoo.fr
Courriel fonctionnel (différent du courriel professionnel) : cptschateaurouxandco@gmail.com

Contexte

L’origine
En région Centre Val de Loire, plus de la moitié des enseignements destinés aux futurs médecins généralistes ont lieu en dehors des murs de l’université, grâce à un pool de médecins chargés d’enseignements répartis sur l’ensemble de la région et coordonnés par le DUMG de Tours.
L’une de ces médecins a eu l’idée de profiter de la dynamique de sa CPTS, dans laquelle une fiche action est dédiée au partenariat avec les usagers, pour proposer au DUMG une expérimentation de coanimation d’enseignement avec des patients partenaires issus de son territoire.
Pour mener à bien ce projet, après constitution d’un COPIL, une formation originale destinée aux futurs patients enseignants volontaires a été élaborée en s’appuyant sur la description des compétences et les expériences antérieures d’autres universités françaises et canadiennes. Cette formation a sollicité des moyens humains et financiers de la CPTS auxquels ont contribué certains de ses partenaires (CODES, IFSI…).

La finalité
Les objectifs sont multiples :
 Le premier rejoint celui de l’ensemble des programmes d’enseignements des professionnels de santé associant des patients : mieux prendre en compte la perspective du patient et développer chez les étudiants l’Approche Centrée Patient.
 Le second est de favoriser l’implication des usagers et des patients partenaires d’un territoire donné, malgré l’existence de freins (éloignement de l’université, absence de moyens pour financer des formations lointaines, maladies chroniques des patients enseignants pouvant les rendre inaptes aux trajets à répétition).
 Le troisième est de contribuer à faire émerger dans le groupe des patients enseignants les compétences spécifiques utiles à l’analyse de situations complexes en médecine générale et à l’animation de groupe.
 Le quatrième est d’adapter au mieux la formation des futurs médecins aux besoins spécifiques d’un territoire.
 Le dernier est de contribuer au développement de la démocratie sanitaire en France.

La description du projet
La première action a été de constituer un groupe de patients partenaires de la CPTS. Pour cela, un courrier a été adressé à l’ensemble des représentants des usagers, présidents d’associations agréées et patients impliqués dans l’ETP identifiés dans le territoire. Le faible nombre de réponses a conduit à renforcer le groupe grâce à un recrutement individuel s’appuyant sur les compétences des patients enseignants décrites dans la littérature.
En partenariat avec le DUMG, un COPIL a ensuite été formé, comprenant des membres du DUMG, des étudiants, des futurs patients enseignants et des médecins chargés d’enseignement dans le département de l’Indre.
L’un des trois groupes de travail du COPIL a été chargé de la préparation et formation du groupe et a élaboré un programme original comprenant dix séances de 2 heures sur les thèmes et compétences identifiées comme prioritaires. Ont été retenus pour le groupe définitif les 6 patients enseignants les plus assidus et motivés pour ce projet.

Les acteurs
Deux séances ont été consacrées aux outils pédagogiques utilisés en France pour les futurs généralistes et les objectifs de leur formation, assurées par l’un des médecins chargés d’enseignement.
Deux séances ont été dédiées aux compétences communicationnelles et à l’animation de groupe, proposées par l’une des chargées de projet du Comité Départemental pour la Santé 36 (CODES).
Deux séances ont eu pour thème les grandes notions du droit des usagers et de la déontologie médicale, proposées par la coordinatrice de la CPTS, juriste de formation, et l’une des représentantes des usagers du CTS de l’Indre.
Une séance a consisté en un témoignage d’une patiente enseignante de l’université de Paris 13, qui s’est déplacée à Châteauroux.
Deux séances ont été consacrées à l’exploration des modes de partenariat possibles des usagers sur le territoire, animées par la CPTS.
La dernière séance a consisté en une révision générale à partir de traces écrites authentiques anonymisées d’étudiants.

Les axes prioritaires :

  • Sensibiliser les professionnels de santé au moyen d’actions de formation aux droits des usagers, intégrant ces derniers à la formation et à l’évaluation
  • Accompagner les évolutions du système de santé, qu’elles soient organisationnelles ou liées aux innovations (bio) technologiques dans le respect des droits des usagers et de l’éthique (numérique en santé, télémédecine, centres, maisons, réseaux, communautés professionnelles territoriales de santé, soins de santé transfrontaliers, chirurgie ambulatoire, prises en charge à domicile etc.) et par la mobilisation des outils de démocratie participative favorisant l’information et le débat citoyen.

La réalisation

La mise en œuvre
Un livret spécifique destiné aux acteurs des Groupes d’Echanges et d’Analyses de Pratiques associant des patients (GEAP-PE) a été élaboré par le DUMG de Tours et mis en ligne, pour être à disposition des étudiants, des patients enseignants et des médecins enseignants.
Les étudiants ont été invités à s’inscrire sur la plateforme du DUMG de la même façon que pour les GEAP sans patient. Ils sont donc volontaires pour cette expérimentation.
Deux groupes fermés de 6 étudiants sont inscrits chacun à 4 séances de 3 heures par semestre, à Châteauroux ou Argenton sur Creuse.
Les séances s’appuient sur les Récits de Situations Complexes et Authentiques (RSCA) des étudiants.
L’équipe pédagogique constituée d’un médecin enseignant, d’un patient acteur et d’un patient observateur, n’a pas vocation à adopter une posture d’expertise, mais de facilitation d’échange et d’incitation à l’approfondissement de l’analyse et de la réflexion en tenant compte des observations du patient.

Projet initié en :
2018

Projet mis en œuvre en :
2019

Comment et combien ?
L’Université de Tours n’ayant pas encore institué de rémunération des patients enseignants au moment de l’initiation du projet, le conseil d’administration de la CPTS a accepté que les frais matériels d’accompagnement du projet (réunions, formation des patients enseignants) soient pris en charge par la CPTS.
La CPTS a également répondu à un appel à projet lancé par l’ARS en démocratie sanitaire en juillet 2019 pour financer la formation des patients enseignants, mais son dossier n’a pas été retenu.
Concernant les séances d’enseignement des patients enseignants, il a été décidé que la CPTS financerait leur participation au moyen de chèques cadeaux pour la première année d’expérimentation, permettant à l’Université de Tours d’organiser son mode de rémunération des patients enseignants pour la phase de déploiement.
Concernant les lieux d’enseignements, ceux-ci sont proposés à titre gracieux par certaines structures partenaires de la CPTS (MSP, IFSI, hôpital).

La communication
En 2018, le DUMG de Tours était présent au premier colloque interuniversitaire sur l’engagement des patients dans la formation médicale en tant que simple participant.
En 2019, lors du second colloque à Lyon, il a communiqué sur son projet.
Le projet a été présenté en Conseil de Faculté et a été particulièrement apprécié du Doyen qui a encouragé à poursuivre la communication (notamment aux futurs Etats Généraux).
La CPTS de Châteauroux a communiqué aux URPS auprès des autres CPTS de la région Centre pour favoriser l’émergence de groupes de patients partenaires et de patients enseignants dans les autres territoires.
Les outils méthodologiques et pédagogiques utilisés dans l’Indre vont également être mis à la disposition de l’ensemble des généralistes enseignants de la région.
Plusieurs thèses de médecine générale sont envisagées avec enregistrement des séances.
Un article est paru dans la presse locale à propos de l’action du groupe et du début de l’expérimentation.

Et après

Les résultats
Le premier objectif, qui était l’initiation des premiers GEAP-PE en région Centre Val de Loire, est atteint, la première séance se déroulant le 12 décembre 2019 à Châteauroux.
Au cours de cette première année universitaire d’expérimentation, les outils méthodologiques qui ont été utilisés pour former les groupes de patients enseignants vont être :
 d’une part modifiés et optimisés en fonction des premières observations des acteurs,
 et d’autre part diffusés à l’ensemble des médecins enseignants et CPTS désireux de développer ces programmes dans leurs territoires.
Quelques éléments méthodologiques ont été également transmis aux autres régions grâce à la diffusion de l’ensemble des communications du colloque inter-universitaire 2019 organisé par le DUMG de Lyon 1.
A cette occasion, l’idée d’un travail national avec les équipes pédagogiques les plus impliquées sur ce thème a été suggérée et le DUMG de Tours pourrait y représenter l’aspect territorial de la démarche et du processus.

Evaluation et suivi
Le programme de recherche issu de l’expérimentation du département de l’Indre fait l’objet de l’un des trois groupes de travail du COPIL. Afin de pouvoir exploiter un maximum de données et d’initier plusieurs thèses de médecine générale, l’ensemble des séances de l’année d’expérimentation va faire l’objet d’enregistrements audio, après consentement des acteurs (étudiants, patients et médecins).
Sans attendre les résultats de ces études, il est prévu de faire évoluer les documents supports au fur et à mesure des observations des acteurs, et d’organiser des séances de débriefings entre patients, entre médecins, en COPIL et avec les étudiants.
Concernant les travaux de recherche, le projet s’appuiera sur l’expertise en recherche qualitative des acteurs du DUMG de Tours.
Pour prolonger cette dynamique, une professeure de médecine générale a été désignée en Conseil de Faculté pour coordonner le développement de l’ensemble des programmes associant des patients dans les trois cycles.

Quelques conseils et témoignages
Que ce soient les médecins enseignants, les étudiants ou les patients désireux de promouvoir ce type de programme dans leurs territoires, ils doivent croire en leur chance de réussite, car notre société est en quête d’outils permettant aux professionnels de santé et aux usagers de collaborer et de redevenir solidaires, dans un contexte général de dégradation du système de soins dans lequel au contraire les affrontements entre soignants et soignés se multiplient.
Ce type d’initiative locale est donc particulièrement bien accueilli par l’ensemble des partenaires de terrain, et toute proposition d’aide méthodologique, humaine ou financière ne peut que faciliter leur mise en œuvre.
La qualité des relations qui se sont tissées au cours de l’année de préparation du programme entre médecins enseignants, étudiants du COPIL et futurs patients enseignants semble présager une belle, agréable et productive "alliance pédagogique" pour les années suivantes.