Des patients enseignants au sein de l’Université Paris 13 - PEP13

Objectifs résumés
Le programme PEP13, initié en 2016, a pour objectif d’intégrer la « perspective patient » dans les programmes d’enseignement des futurs médecins généralistes dans le cadre de leur 3ème cycle de spécialisation. Pour ce faire, des patients enseignants apportent cette perspective, et interviennent en binôme avec des médecins enseignants lors de travaux en groupe réflexif d’analyse de pratiques. Le but est que les étudiants intègrent la perspective patient dans leur future pratique.

Le porteur de projet

Coordonnées de la structure :

Le Pôle de ressources ETP Ile de France et le Département Universitaire de Médecine Générale (DUMG) de l’Université Paris 13
74 rue Marcel Cachin
Bobigny 93017 Cedex
Type de structure :
Autre

Coordonnées du contact :

Sannié Thomas
Qualité : Coordinateur Actions patients
Téléphone professionnel : 06 07 38 02 44
Courriel professionnel : thomas.sannie@poletp.fr

Contexte

L’origine
La loi de 2002 dite « loi Kouchner » a sanctuarisé et organisé la représentation des usagers au niveau des politiques de santé et des hôpitaux. L’engagement des patients, fait social en extension et protéiforme, et la reconnaissance de leur valeur en tant qu’acteurs du système de santé, s’étendent notamment au domaine de la formation des professionnels de santé. La légitimité de ces interventions est fondée sur l’éclairage unique que peuvent apporter les patients afin de contribuer à améliorer les pratiques de soins et à bâtir un système de santé qui réponde aux attentes de ses usagers. L’engagement des patients au-delà de la démocratie sanitaire initiale a été formalisé dans les soins, l’enseignement et la recherche dans le cadre du Modèle de Montréal (2015). C’est cette vision que le programme PEP13 porte, ainsi que la volonté d’intégrer des patients dits experts, ressources ou partenaires, dans l’enseignement des futurs médecins généralistes.

La finalité
Le programme PEP13 s’appuie sur les travaux de recherche menés, notamment, par le Laboratoire d’Éducations et Pratiques de santé (EA3412) - LEPS portant sur les patients éducateurs de leurs pairs, les patients co-chercheurs, les patients-expert, et les médiateurs de santé pairs. Ces travaux ont permis de caractériser l’apport des patients dans ces différents contextes, et d’en dresser les profils.
À la fois champ de pratiques et de recherches le programme vise à identifier les conditions facilitant l’intégration des patients dans l’enseignement, d’en caractériser les apports et d’en évaluer l’acceptabilité et les effets. La finalité du programme est d’intégrer des patients à l’enseignement de ces futurs médecins généralistes afin d’améliorer leur capacité à se construire une posture professionnelle réellement centrée sur les préférences des patients et à apprendre des patients dans une posture de non-jugement. À terme, il s’agit de l’étendre aux autres cycles d’études médicales.

La description du projet
Le programme d’enseignements du DES de médecine générale à Paris 13 comporte des enseignements dirigés (ED) et des Groupes d’enseignement à la pratique réflexive entre internes (GEPRI). Le premier enseignement du cursus est un ED sur la démocratie sanitaire. Ce dernier vise également à expliciter la présence des patients enseignants et plus largement le programme PEP 13. Les GEPRI sont des enseignements qui empruntent à plusieurs méthodes pédagogiques : l’échange de pratiques autour de situations cliniques vécues par les internes, la pédagogie inversée par des exposés présentés par les internes et la médecine narrative par l’écriture de traces d’apprentissage après l’enseignement. À la fin de son cursus, chaque interne aura participé à 21 GEPRI (63 heures) et à 12 ED (48 heures). Au sein de ce programme, les patients-enseignants assurent seuls le premier ED sur la démocratie sanitaire et interviennent dans la quasi totalité des GEPRI en présence d’un médecin enseignant.

Les acteurs
Le programme PEP 13, soutenu par l’UFR SMBH et l’Université Paris 13, est un travail collaboratif entre :
  Le LEPS qui a un rôle pédagogique au sein de la Faculté de médecine (UFR SMBH) de l’Université Paris 13 et mène des recherches dans les champs des éducations en santé et de l’engagement des usagers.
  Le Département universitaire de médecine générale (DUMG) de l’Université Paris 13 qui a réformé en 2014, son programme d’enseignements facultaires pour adopter un enseignement par compétences.
  Deux R.U., à l’initiative du projet, Olivia Gross, chercheuse en sciences humaines et sociales et auteure d’une thèse de sciences sur l’expertise patient, et Thomas Sannié, militant associatif (AFH) travaille sur l’enjeu de la collaboration soignant-soigné.
  Le pôle de ressources Ile de France en Education thérapeutique (le Pôle) qui soutient le comité de pilotage des patients enseignants (Copipa).
20 patients enseignants, 25 médecins-enseignants et 300 internes se sont joints au projet.

Les axes prioritaires :

  • Sensibiliser les professionnels de santé au moyen d’actions de formation aux droits des usagers.
  • Faire converger les droits des usagers des structures de soins, sociales et médico-sociales, notamment au travers de la participation des représentants des usagers et des usagers (CDU, CVS) et de la mise en place de dispositifs expérimentaux adaptés aux parcours (organisation territoriale pour l’exercice des droits, impliquant les établissements, les conseils généraux, les ordres et organisations professionnels, les agences régionales de santé, les conseils territoriaux de santé… ).
  • Accompagner les évolutions du système de santé, qu’elles soient organisationnelles ou liées aux innovations (bio) technologiques dans le respect des droits des usagers (e-santé, télémédecine, maisons et centres de santé, soins de santé transfrontaliers…) et par la mobilisation des outils de démocratie sanitaire notamment favorisant l’information et le débat citoyen.
  • Axe 7 : Autre

La réalisation

La mise en œuvre
Au cours de GEPRI pilotes (janvier 2016), intégrant des patients, la seule consigne donnée aux patients-enseignants était de réagir aux discussions et aux analyses des situations par les internes, l’animation restant sous la responsabilité d’un médecin-enseignant. Cette phase a permis d’ébaucher la grille de recrutement des patients-enseignants et les outils pédagogiques dédiés. En février 2016, les premiers patients-enseignants ont animé un séminaire sur la démocratie sanitaire. Depuis mars 2016 des patients-enseignants participent systématiquement aux GEPRI, à l’exception de ceux faisant intervenir des médecins-enseignants juniors en formation. Environ 90 % des GEPRI bénéficient ainsi de l’apport des patients-enseignants.
Un comité de pilotage patient (Copipa) réunit régulièrement l’ensemble des patients enseignants pour des temps d’analyse réflexive sur leur pratique.

Projet initié en :
2015

Projet mis en œuvre en :
2016

Comment et combien ?
Le projet n’a pas reçu de dotations dédiées. Cependant, le Pôle a soutenu financièrement les réunions de travail du Copipa. Olivia Gross a été recrutée en tant que chercheur au sein du LEPS en 2017 et cette activité fait partie de ses travaux de recherches. Thomas Sannié intervient à titre bénévole, mais sur son temps de travail.
Les patients-enseignants sont rémunérés en tant que qu’enseignants-vacataires. Certains en exercice professionnel peuvent cumuler cet emploi avec leur propre activité, d’autres sont indemnisés au titre du statut d’auto-entrepreneur. Cependant, une partie d’entre eux ont pu se trouver en difficulté pour recevoir un salaire du fait de leur statut d’allocataire handicap ou de pensionnaire d’une invalidité. Avant que cette difficulté soit en passe d’être résolue par le Collège local des généralistes enseignants au moyen d’un statut de conférencier invité, une plateforme de crownfunding a été créée pour récolter les 3.000 € nécessaire aux premières indemnisations.

La communication
Les publications scientifiques et communications suivantes ont été effectuées :
21 interventions orales dans des colloques et congrès en France et à l’étranger.
2 communications dans des revues grand public.
4 articles dans des revues professionnelles.
5 articles publiés dans des revues scientifiques.
Pour le détail, voir annexe.

Et après

Les résultats
Les premiers travaux de recherche ont montré que les patients enseignants pouvaient apporter leur savoir expérientiel dont ils sont les experts pour permettre aux étudiants de développer la compétence centrale d’approche centrée patient dans 5 champs de compétences travaillés dans le cadre des GEPRI. 1) L’approche centrée patient, la relation, et la communication. 2) L’éducation, la prévention, le dépistage, la santé individuelle et communautaire. 3) La continuité, le suivi, la coordination des soins autour du patient. 4) L’approche globale, prise en compte de la complexité de la situation du patient et 5) Le professionnalisme de l’intervention soignante.
Cela fait des internes suivant ce DUMG les premiers professionnels de santé à intégrer la perspective de ceux qui bénéficient de leurs services pour accroître leurs compétences. Ce travail publié et modélisé pourrait être généralisée.

Evaluation et suivi
Les expériences d’intégration de patients à l’enseignement des futurs médecins étaient rares et les travaux de recherche dans ce domaine l’étaient davantage. C’est donc le LEPS et le DUMG de la Faculté de Médecine de Paris 13 qui ont été en charge de l’évaluation. L’évaluation a été construite autour de deux axes. Une recherche conceptuelle : caractérisation de la perspective patient, modalités de l’enseignement de cette perspective aux internes et une recherche évaluative : acceptabilité, fonctions-clés et impacts du programme. Cette évaluation s’est déroulée tout au long du programme depuis sa mise en place et a fait l’objet de publications tant des revues scientifiques que grand public (voir annexe).

Quelques conseils et témoignages
Pour mettre en œuvre un tel projet, il faut être en mesure de faciliter la diffusion des résultats de PEP13 qui est la première action en France faisant l’objet d’un réel travail de recherche et d’évaluation. Ce dispositif « Label concours droits des usagers de la santé » figure parmi les moyens de les valoriser. Un tel projet qui constitue une révolution de l’approche de l’enseignement de la médecine en France doit se fonder sur un soutien des Facultés de Médecine et de leurs Doyens, sur l’engagement de médecins-enseignants pour en faciliter l’implémentation, sur la contribution scientifique d’un laboratoire de recherche pour en évaluer l’impact et sur le soutien des mouvements associatifs qui sont porteurs de l’expertise patient. Un soutien des pouvoirs publics, en particulier financier, apparaît indispensable pour asseoir la mise en œuvre de l’intégration des patients dans l’enseignement au sein des Facultés de Médecine en France.