Propositions de la CNAMed concernant la notion d’ayant droit

Ce texte propose l’analyse juridique par la Commission Nationale des Accidents Médicaux (CNAMed) de la notion d’ayant droit. Il figure dans les pages 76 à 85 de son rapport 2006-2007.

Les Présidents de CRCI ont exposé à la CNAMed un certain nombre de difficultés auxquelles ils sont confrontés : le demandeur a-t-il ou non le loisir de choisir les professionnels et/ou établissements de santé qu’il entend voir mis en cause ; est-il possible ou non d’utiliser dans le cadre de la procédure de règlement amiable une expertise diligentée dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, quelles peuvent être les modalités concrètes de respect du principe du contradictoire. Enfin, les Présidents ont fait part de leurs hésitations sur l’interprétation à donner à la notion d’ayant droit, pour laquelle ils ont expressément sollicité la CNAMed de les éclairer afin qu’une position uniformisée puisse être adoptée par les CRCI.

Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé a prévu de ne donner accès au nouveau système de « réparation des risques sanitaires » qu’aux seules « victimes de dommages corporels graves » pour permettre à ces dernières qui « sont souvent dans une situation de grande détresse du fait de l’atteinte à leur intégrité physique et des répercussions économiques de leur accident, d’accéder à une indemnisation rapide » [1].

Selon ce projet, seul le patient ayant subi des dommages du fait de l’accident médical a le pouvoir de saisir la CRCI, dans l’objectif de lui permettre de faire face aux conséquences de l’accident qui l’a mis dans le besoin, grâce à l’obtention rapide d’une indemnisation. L’énoncé du projet de loi traduisant ce choix était rédigé ainsi : « la commission régionale peut être saisie directement par toute personne s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ». Il spécifiait également que « lorsqu’une personne saisit la commission régionale parce qu’elle estime que le dommage subi par elle… », que « lorsque la commission régionale de conciliation et d’indemnisation … estime qu’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 engage la responsabilité d’un professionnel de santé, … l’assureur qui garantit la responsabilité civile de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime … une offre… », que « lorsque la commission régionale de conciliation et d’indemnisation … estime qu’un dommage est indemnisable au titre du II de l’article L. 1142-1, l’office adresse à la victime… une offre… ». Il ressort de l’ensemble de ces énoncés que c’est le patient qui subit le dommage corporel du fait de l’activité médicale qui est titulaire du droit d’exercer un recours devant les CRCI, autrement dit la victime directe ; aussi, en cas de décès de cette dernière, les deux dernières dispositions citées, relatives à l’offre d’indemnisation faite aussi bien par l’assureur que par l’ONIAM, précisaient pour la première, qu’« en cas de décès de la victime, l’offre est faite, le cas échéant, à ses ayants-droits » et pour la seconde, que « si la victime décède sans avoir pu entamer une procédure d’indemnisation ou si elle décède au cours de celle-ci, ses ayants droit peuvent demander une indemnisation dans les mêmes conditions que leur auteur ».

Puis, dans le Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Titres III et IV, Claude Evin, rapporteur de l’ensemble du projet, note – mais sans plus d’explication – qu’un amendement relatif à la saisine de la CRCI a été proposé prévoyant « qu’en cas de décès, les ayants droit de la victime peuvent saisir la commission » [2]. Claude Evin présentant cet amendement devant l’Assemblée nationale, dans la séance du 4 octobre 2001 [3], ajoute simplement que « c’est un amendement de précision. Il est nécessaire que les ayants droit, en cas de décès de la victime, puissent saisir la commission régionale ». Lorsque la victime directe qui est titulaire du droit de saisir la CRCI décède, sa mort a pour effet d’opérer un transfert de son droit, que la demande ait été introduite de son vivant ou qu’elle le soit après son décès. Ce dernier entraîne la transmission à ses ayants-cause du droit d’action et du droit à réparation dont elle était titulaire ; ils recueillent ces droits en l’état au titre des successions, conçues par le Code civil comme une des « différentes manières dont on acquiert la propriété ».

Parce qu’ils acquièrent – « ayant » venant de « avoir » - ces droits de leur auteur, en l’occurrence la personne décédée – qui est la cause, au sens où elle est à l’origine de la situation - ils sont dénommés « ayants cause » ; aussi, les droits qui leur sont transmis sont ceux dont était titulaire la personne décédée : dans le cas d’un accident médical, d’une part, droit d’en demander réparation et d’autre part, si la responsabilité d’un professionnel et/ou d’un établissement de santé est reconnue ou l’accident indemnisé au titre de la solidarité nationale, de la créance d’indemnisation qui, fait partie intégrante du patrimoine du défunt. La transmission à cause de mort étant acquise, il reste à déterminer ceux qui en sont bénéficiaires. Ce sont, aux termes des règles du Code civil régissant les successions, ses « ayants cause » ; toutefois, si dans sa rédaction initiale, le Code civil n’utilisait que cette seule expression, celle d’« ayant droit » a progressivement été préférée à celle d’« ayant cause » pour désigner la même situation juridique, c’est-à-dire celle d’une personne tenant ses droits d’une autre. Elle a récemment été introduite dans le Code civil au titre des dispositions relatives aux successions ; aussi les deux expressions cohabitent-elles désormais et ont la même portée juridique désignant une personne qui tient d’une autre des droits qui lui sont transmis. Mais par ailleurs, certaines dispositions du Code de la sécurité sociale ouvrent des droits personnels à des catégories de personnes qualifiées d’« ayants droit » de l’assuré social ; en raison d’un lien familial avec ce dernier, ils sont titulaires d’un droit propre au remboursement des prestations en nature. Dans leurs rapports, les Présidents évoquent deux questions : celle de savoir quelles catégories de personnes peuvent saisir la CRCI en tant que continuateurs du défunt et celle de savoir si, en outre, les membres de la famille, les proches, sont ou non titulaires d’un droit propre d’exercer un recours devant la CRCI pour demander réparation des préjudices personnels dont ils souffrent indirectement du fait du dommage corporel initial dont est atteinte la victime de l’accident médical. Or parce que le Code de la sécurité sociale reconnaît un droit propre à prestations aux « ayants droit » de l’assuré social, certains Présidents en déduisent que la qualité d’ayant droit de la sécurité sociale permettrait à ceux qui en sont titulaires d’exercer le droit à réparation de la personne décédée au titre des successions.

Cette assimilation entraîne une confusion : l’acceptation de la demande de personnes qui, n’ayant pas la qualité de successibles, n’ont pas vocation à recueillir les droits du défunt revient à leur accorder un droit d’action, non plus comme continuateur de la personne décédée, mais en réparation de leurs préjudices personnels en tant que victime indirecte. Pourtant, la loi du 4 mars 2002 n’ayant retenu un droit à réparation dans le cadre du règlement amiable qu’au seul bénéfice de la victime directe, elle est la seule à pouvoir et exercer le droit d’action et obtenir réparation ; en cas de décès, seuls ses droits sont transmis et ils ne le sont qu’à ceux qui sont ses continuateurs au regard des règles du Code civil en la matière. Aussi pour répondre à la question posée par les Présidents de CRCI de savoir à quelle notion d’ayant droit se réfère la loi du 4 mars 2002, est-il nécessaire d’examiner successivement les règles de transmission à cause de mort du Code civil, puis celles du droit de la sécurité sociale qui confèrent un droit personnel au remboursement des prestations en nature aux membres de la famille en raison du lien qu’ils ont avec l’assuré social ; cette analyse permettra de mettre en évidence que, si une même personne est susceptible de cumuler ces deux qualités, chaque qualité ne confère de droits que dans la catégorie concernée, l’une ne pouvant se substituer à l’autre. Et dans la mesure où le droit de saisine de la CRCI comme le droit à réparation visés par le code de la santé publique sont transmis à la mort de son titulaire, la détermination des personnes qui sont ses ayants droit se fait par référence aux règles du code civil.

La qualité d’ayant droit au titre des règles du Code civil : la transmission à cause de mort des droits du défunt

Le contenu des droits transmis aux « ayants cause », « ayants droit » étant déterminé par l’étendue des droits de leur auteur, il y a lieu, avant de déterminer qui a cette qualité, d’en rappeler la consistance. Neuf articles du Code de la santé publique fixent les droits de la victime directe de l’accident médical et visent, lorsqu’elle est décédée, les « ayants droit » ; il s’agit des articles L. 1142-1 II, L. 1142-4 al. 1, L. 1142-7 al. 1, art. L. 1142-14 al. 1 et 2, L. 1142-15 in fine, L. 1142-17 al. 1 et 2, L. 1142-17-1, L. 1142-19, L. 1142-21 al. 2 CSP. Ces articles concernent le droit à réparation au titre de la solidarité nationale, le droit d’être informé sur les circonstances et les causes du dommage dû à l’accident, la saisine de la CRCI, l’offre d’indemnisation tant de l’assureur que de l’ONIAM et le droit d’action en justice sur le fondement soit d’une contestation de l’avis qui peut l’être « à l’occasion de l’action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime… », soit d’une demande d’indemnisation au titre de la solidarité nationale. Ces énoncés concernent le droit à réparation de la victime directe de l’accident médical au titre de la solidarité nationale ainsi que le droit de saisine de la CRCI. S’agissant du droit à réparation de la victime directe de l’accident médical au titre de la solidarité nationale, l’article L. 1142-1 II CSP prévoit que lorsque la responsabilité d’un professionnel et/ou d’un établissement de santé n’est pas engagée, un accident médical « ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ». Cet énoncé limite clairement l’indemnisation au patient qui subit le dommage dû à l’accident médical : seule la victime directe est titulaire de ce droit, son décès entraînant, conformément aux règles du droit commun, la transmission à cause de mort de ce droit. S’agissant du droit de saisine de la CRCI, la formulation « personne s’estimant victime » peut sembler large, sous-entendant que plusieurs catégories de personnes pourraient recourir aux CRCI pour demander réparation de leurs préjudices ; toutefois, il ne semble pas que tel soit le cas, pour au moins deux raisons :

  1. le projet de loi a retenu cette expression pour marquer le doute existant sur la reconnaissance du droit à indemnisation de la victime tant que l’affaire n’a pas été examinée ; le doute ainsi exprimé ne porte pas sur la détermination de qui peut ou non être considéré comme une victime, mais bien sur la qualité de victime indemnisable de la personne ayant fait l’objet d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, qui dépend de la réunion des conditions d’indemnisation des conséquences dommageables de l’accident.
  2. le législateur ayant délibérément entendu limiter l’accès de la CRCI à la seule victime d’accident médical grave, la saisine de la CRCI n’est recevable que lorsque les dommages qu’elle a subis présentent le caractère de gravité prévu au II de l’article L. 1142-1 CSP ; elle seule est titulaire de ce droit, ce dernier, si elle décède, étant transmis à cause de mort.

Cette analyse est confortée par les dispositions relatives à l’offre d’indemnisation ; elle est faite à la victime, c’est-à-dire la personne souffrant du dommage corporel dû à l’activité médicale ; aussi est-elle calculée en évaluant chaque chef de préjudice engendré par le dommage corporel subi par cette dernière diminuée de l’ensemble des prestations indemnitaires déjà perçues, notamment les prestations en espèce et en nature versées par la sécurité sociale (arts. L. 1142-14 al. 2 et L. 1142-17 al. 1 et 2 CSP). Cette offre d’indemnisation est également transmise à cause de mort si la victime de l’accident médical est décédée. Tels sont aux termes de l’ensemble de ces énoncés, les droits dont la victime directe est titulaire et qui, si elle est décédée, sont transmis à cause de mort, d’où la référence dans plusieurs énoncés aux « ayants droit » en cas de décès de la victime. On l’a déjà dit, si le Code civil n’a longtemps utilisé que la seule expression d’« ayant cause », les textes récents, notamment la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, se réfèrent dorénavant à l’« ayant droit ». Ces deux expressions ont, dans le Code civil, le même sens et désignent la situation juridique de la personne qui tient son droit d’une autre appelée « auteur », ce dernier transmettant un droit (voire une obligation) à quelqu’un d’autre.

Tel est bien le cas de ceux à qui est transmis le droit du patient décédé de demander, devant une CRCI, réparation d’un accident médical dont il est victime. Ce sont les règles en matière de successions qui permettent d’établir cette qualité ; elle est reconnue aux continuateurs de la personne du défunt qui sont ses « ayants cause, ayants droit », c’est-à-dire ses successeurs légaux, aussi bien les héritiers (qualité déterminée par la loi dont les différentes catégories sont fixées par les articles 731 à 768 du Code civil) que les légataires universels et à titre universel (qualité qui dépend d’une disposition testamentaire de la part du testateur selon l’article 1003 du Code civil). Celle-ci dépend de la situation du patient décédé, selon qu’il a ou non des héritiers réservataires, qu’il a ou non désigné des légataires, etc.. Deux cas de figure doivent être distingués : 1°- le patient a saisi la CRCI avant son décès : les successeurs continuant la personne du défunt recueillent les différentes créances de réparation nées en la personne du décédé ; il s’agit de la créance pour les préjudices soufferts entre le moment de l’accident et le moment de sa mort, de la créance réparant les préjudices économiques (tous les frais médicaux et paramédicaux engagés par la victime, toutes les dépenses rattachées à l’accident, toutes les pertes de revenus subies) ainsi que de la créance réparant les préjudices non économiques, tels que pretium doloris, préjudice esthétique, préjudice d’agrément. La répartition du patrimoine est ensuite fonction des catégories de successeurs, héritiers et légataires ; leurs droits sont établis en tenant compte de l’existence ou non d’héritiers réservataires, les règles du Code civil prenant en outre en considération les ordres d’héritiers (arts. 734 à 740 du Code civil) et les degrés (arts. 741 à 750 du Code civil) ; 2°- le patient n’a pas saisi la CRCI avant son décès : les catégories de personnes susceptibles de saisir la CRCI, venant en représentation du défunt, sont les mêmes que celles indiquées précédemment ; ce sont donc les successeurs qui ont cette qualité, sachant que si la demande aboutit à une indemnisation, son montant sera inscrit à l’actif de la succession et partagé entre les différentes catégories de successeurs en présence.

Depuis la réforme de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, sont des successeurs ayant la qualité d’héritiers les parents (ascendants, descendants collatéraux) et le conjoint survivant du défunt. Ni le concubin (art. 515-8 du Code civil), ni la personne pacsée (art. 515-1 du Code civil) n’ont la qualité d’héritier ; cependant, l’un comme l’autre peuvent être désignés comme légataire universel (art. 1006 du Code civil) ce qui leur confère la qualité d’« ayant cause-ayant droit ». C’est donc pour le concubin ou la personne pacsée que se pose la question de savoir s’ils peuvent ou non saisir la CRCI ; la réponse dépend de leur qualité de successeur, elle-même dépendant de leur désignation comme légataire. Le concubin ou la personne pacsée qui a la qualité de légataire, qu’il soit ou non en concours avec des héritiers réservataires –c’est-à-dire des ascendants et descendants en ligne directe- peut exercer le droit d’action du patient décédé ; si les conditions du droit à réparation sont réunies, la créance d’indemnisation sera versée au patrimoine de la succession dont le partage se fera selon les règles indiquées supra.

On peut donc conclure que, s’il est légataire universel, le concubin survivant ou la personne pacsée survivante a la qualité d’ « ayant cause – ayant droit » à l’instar du conjoint survivant héritier réservataire, des ascendants et des descendants. Ce n’est donc pas le fait d’être concubin ou personne pacsée qui permet d’exercer les droits du défunt, mais celle d’héritier ou de légataire, car elle seule confère aux personnes concernées la qualité juridique de continuateur du défunt. Faute d’être légataire universel, le concubin survivant ou la personne pacsée survivante ne peuvent pas saisir la CRCI. Toutefois, certains présidents semblent admettre l’action du concubin, non pas en cette qualité, mais en tant qu’ayant droit bénéficiant des prestations de sécurité sociale, à la fois au titre de la transmission à cause de mort, mais aussi comme victime indirecte demandant réparation des préjudices personnels engendrés par l’accident subi par le patient.

La qualité d’ayant droit au titre du Code de la sécurité sociale : la reconnaissance d’un droit personnel au remboursement des prestations en nature en raison d’un lien familial

Le code de la sécurité sociale reconnaît à l’assuré social, quel que soit son régime d’affiliation, un droit à des prestations en nature qui assurent le remboursement, total ou partiel, de certains frais médicaux engagés par l’assuré à l’occasion d’une maladie ou d’un accident non professionnel ; il reconnaît ce même droit aux membres de la famille de l’assuré social désignés dans de nombreux textes (par exemple arts. L. 161-14, L. 161-25-2 du Code de la sécurité sociale) sous le terme d’« ayant droit ». La couverture de ces prestations a un caractère familial, le fait d’être à la charge de l’assuré social ouvrant le bénéfice de ces droits.

L’ayant droit se voit reconnaître un droit personnel du fait d’un lien familial avec une autre personne. Ont notamment la qualité d’ayants droit, au titre de « membre de la famille » selon l’article L. 313-3 du Code de la sécurité sociale : le conjoint de l’assuré (même séparé de fait ou de corps), le concubin à la charge effective et permanente, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), à condition de ne pas bénéficier d’un régime obligatoire de Sécurité sociale, de ne pas exercer une profession libérale… Dans le cas des concubins, une déclaration sur l’honneur disant que l’on est à la charge effective et permanente de l’assuré doit être faite tous les ans. Parce qu’il s’agit d’un droit personnel, le conjoint, le concubin qui est à la charge effective, totale et permanente de l’assuré social avec lequel il vit, le partenaire lié par un PACS sont ayants droit autonomes, ce qui leur permet de bénéficier personnellement du remboursement des frais. Ont également cette qualité, les enfants (« légitimes », « naturels », adoptés ou recueillis) et qui sont à la charge de l’assuré social jusqu’à 16 ans ou jusqu’à 20 ans s’ils sont à la recherche d’un emploi, s’ils sont dans l’impossibilité de travailler par suite d’infirmité ou de maladie chronique ou s’ils poursuivent leurs études (sauf régime étudiant ou apprentis), les ascendants, descendants, alliés ou collatéraux jusqu’au 3° degré, à condition qu’ils vivent sous le toit de l’assuré social et qu’ils se consacrent aux travaux du ménage et à l’éducation d’au moins deux enfants de moins de 14 ans à la charge de l’assuré social, enfin toute personne vivant sous son toit depuis au moins 12 mois et se trouvant depuis plus d’un an à sa charge exclusive et permanente (une seule personne par assuré social peut être ayant droit d’un assuré social). Les enfants étudiants, âgés de 16 à 20 ans sont automatiquement des ayants droit autonomes et bénéficient, comme le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé du remboursement personnel des prestations.

Ces différentes catégories de personnes qui sont titulaires d’un droit propre sont des ayants droit au regard du Code de la sécurité sociale. Le conjoint, le concubin, le partenaire pacsé, les enfants, les ascendants, à qui la qualité d’ayant droit est reconnue par ce code, sont titulaires d’un droit au remboursement des prestations en nature. Cette qualité ne leur ouvre de droits que dans ce cadre, mais ne leur confère pas celle de successeur nécessaire pour pouvoir agir en tant que continuateur de la victime directe de l’accident médical en cas de décès de cette dernière. En effet, chaque qualité doit être examinée au regard de la cause juridique de la situation qui n’est pas identique : dans un cas, droit personnel ouvert par un texte spécial aux termes duquel l’assureur social reconnaît aux ayants droit les mêmes droits qu’à l’assuré social, dans l’autre droits du défunt transmis selon les principes civilistes des successions. Et s’agissant tant du droit d’action que du droit à réparation en cas de mort de la victime de l’accident médical, ce sont ces dernières règles qui s’appliquent.

La détermination de la qualité d’ayant droit de la victime directe de l’accident médical se fait par référence aux règles du Code civil

Les énoncés de la loi du 4 mars 2002 qui utilisent le terme d’ayant droit sont tous référés au décès de la personne malade dont l’effet est dévolutif ; ainsi qu’il a été précisé supra, les droits dont elle était titulaire sont transférés à cause de mort à un certain nombre de personnes qui sont ses ayants droit successeurs. Et dans ce cas, ont cette qualité les successeurs de la personne décédée. Cette même question s’est posée également « en cas de décès du malade » pour « l’accès de ses ayants droit à son dossier médical » prévu à l’article L. 1111-7 al. 6 CSP, lorsque les informations le concernant leur sont nécessaires notamment pour faire valoir leurs droits. Confrontée aux premières difficultés rencontrées par les hôpitaux dans l’application de la loi du 4 mars 2002 en matière d’accès au dossier médical du patient, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) dans son Rapport pour l’année 2003 « a eu l’occasion de rappeler dans de nombreux avis et conseils ce qu’il fallait entendre par la notion d’ayant droit : il s’agit, conformément au Code civil, de tous les successeurs légaux du défunt » [4]. La CADA a pris le soin de préciser que l’existence de liens de parenté ne conférait pas ipso facto la qualité d’ayant droit. Ainsi, donne-t-elle l’exemple du rejet de la demande d’une personne d’accéder au dossier médical de sa sœur, car celle-ci ayant un fils, seul ce dernier peut se prévaloir de cette qualité [5], conformément à la règle de l’article 743 du Code civil selon laquelle « dans chaque ordre, l’héritier le plus proche exclut l’héritier plus éloigné en degré » ; elle cite également la situation du concubin ou du compagnon pacsé [6] de celui-ci qui n’ont la qualité d’ayant droit que s’ils sont légataires, la relation de concubinage comme le pacte civil de solidarité ne conférant pas à elle seule cette qualité.

Les difficultés d’appréciation demeurant, notamment pour le compagnon survivant non marié, la notion d’ayant droit a été récemment définie par l’arrêté du 3 janvier 2007 « portant modification de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès » ; il précise, dans son article 1, que « le vingt-deuxième alinéa de l’annexe de l’arrêté du 5 mars 2004 susvisé est ainsi rédigé : « en ce qui concerne la portée de la qualité d’ayant droit, il s’agit dans tous les cas des successeurs légaux, conformément au code civil, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé ». Ainsi, en cas de décès de la personne malade, qu’il s’agisse du droit d’accès au dossier médical ou du droit d’action devant la CRCI, la qualité d’ayant droit est dépendante de celle de successeur ; il s’agit, conformément au Code civil, des héritiers et des légataires universels et à titre universel. On rappellera que cette qualité est fonction de la configuration de la succession, notamment parce que les héritiers les plus proches du défunt excluent les héritiers plus éloignés et que les liens affectifs sont insuffisants à déterminer la qualité de successeur, ce qui est notamment le cas du concubin ou du compagnon pacsé non légataire.

Aussi, dans l’hypothèse où la circonstance que l’un comme l’autre puissent par ailleurs avoir la qualité d’ayant droit au titre du code de la sécurité sociale ne lui confère pas pour autant, faute d’être légataire, celle d’ayant droit au titre des successions. Que le code de la sécurité sociale ouvre un droit personnel à ses titulaires en matière de prestations en nature, ne peut avoir pour effet de leur reconnaître la qualité d’ayant droit au sens du Code civil. D’une part, le décès entraînant transfert des droits du patient victime de l’accident médical, ne peuvent les recueillir que ceux à qui la loi civile les transmet ; d’autre part, le fait d’avoir la qualité d’ayant droit social ne saurait avoir pour effet la reconnaissance d’un droit personnel dans un champ étranger à ce dernier : ainsi les membres de la famille cités supra n’acquièrent pas pour autant un droit personnel à la réparation de leurs préjudices propres du fait de l’accident médical. Alors que la loi du 4 mars 2002 n’a pas prévu la réparation des préjudices des victimes par ricochet d’un accident médical, cette possibilité ne saurait être reconnue de manière obviée grâce à une interprétation détournée, consistant à admettre l’action personnelle de la victime par ricochet au prétexte de sa situation d’ayant droit au regard de la sécurité sociale. La double qualité éventuelle permet de revendiquer des droits dans chaque catégorie de situations, mais elle exclut qu’une qualité à un titre la confère ipso facto à l’autre titre, alors que la cause juridique de cette situation n’est pas la même.

En conclusion, la CNAMed constatant que le terme « ayant droit » utilisé dans les dispositions relatives au règlement amiable des accidents médicaux est systématiquement lié aux effets du décès de la victime de l’accident médical, en déduit qu’il convient de l’entendre dans le sens de successeurs légaux tels qu’ils sont déterminés par le Code civil. Elle suggère que les CRCI vérifient la qualité d’héritier ou de légataire, la preuve se faisant au moyen de la copie de l’acte de notoriété s’il est établi par le greffier en chef du tribunal d’instance dans le ressort duquel la succession est ouverte ou par l’expédition de l’acte de notoriété s’il a été établi par un notaire [7] pour attester de cette qualité. Pour les légataires, il est recommandé qu’elles vérifient que l’acte de notoriété vise les documents faisant des libéralités à cause de mort. Elle relève qu’en l’état actuel des dispositions légales, les victimes indirectes ne peuvent pas saisir la CRCI de la réparation de leurs préjudices personnels, alors qu’un tel droit d’action leur est reconnu devant les tribunaux. Elle relève que cette disparité constitue une limitation pour ces dernières de recourir à la voie amiable ; elle suggère qu’il serait utile de réfléchir aux moyens susceptibles de mettre fin à de telles disparités.

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[1Projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Ass. Nat., n°3258, 5 sept. 2001, p. 65.

[2C. Evin, B. Charles et J-J Denis, Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Titres III et IV, p. 49.

[3Ass. Nat.,JO Débats, 4 oct. 2001, p. 5589.

[4CADA, Rapport d’activité de l’année 2003, p. 6.

[5CADA, Rapport d’activité de l’année 2003, p. 64.

[6CADA, Rapport d’activité de l’année 2003, p. 6.

[7Conformément aux préconisations de la Circulaire du Ministère de la Justice n°73-07/C1/5-2/GS du 29 mai 2007 relative à la réforme des successions et des libéralités