Eau et chlorure de vinyle monomère (CVM)

Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est un gaz organique, incolore à température ambiante. C’est un composé très volatil et faiblement soluble dans l’eau.

En France, l’analyse du chlorure de vinyle monomère (CVM) dans l’eau du robinet, sur le réseau de distribution, est systématique depuis 2007. La limite de qualité pour l’eau du robinet est fixée à 0,5 µg/L, en application de la règlementation européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (directive 98/83/CE et directive 2020/2184).
Cependant, cette règlementation européenne n’oblige pas à mesurer la concentration en CVM dans l’eau du robinet (l’estimation de la présence de CVM dans l’eau pouvant se faire par calcul).

En 2007, les progrès techniques permettant alors d’analyser plus facilement le CVM dans l’eau, la France a mis en place une règlementation [1] plus exigeante que la réglementation européenne et rendu obligatoire l’analyse du CVM dans le contrôle sanitaire de l’eau.

Le chlorure de vinyle monomère dans l’eau du robinet

Le CVM est un produit chimique purement synthétique. Il n’existe aucune source naturelle de ce composé. Le chlorure de vinyle monomère est principalement utilisé pour l’élaboration (par polymérisation) du polychlorure de vinyle (PVC). Le PVC a de multiples usages, dont la fabrication de canalisations.

La présence de CVM dans l’eau du robinet peut résulter d’une pollution de la ressource en eau, principalement du fait de rejets d’industries du PVC.
Cette pollution peut être directe ou provenir de la dégradation en CVM de certains hydrocarbures chlorés. Le CVM peut s’accumuler dans les eaux souterraines, alors qu’il est généralement trop volatil pour être retrouvé dans les eaux superficielles.

Le CVM présent dans l’eau du robinet provient essentiellement de certaines canalisations en PVC.

Les effets sanitaires du chlorure de vinyle monomère

Le chlorure de vinyle monomère est classé depuis 1987 comme étant un agent cancérogène certain pour l’Homme selon le centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Toutefois, ce classement a été établi sur la base d’études menées en milieu professionnel, avec des expositions par voie respiratoire à de fortes doses de CVM (industries du PVC et du CVM essentiellement.)

Le CVM peut être à l’origine de cancers du foie pouvant se manifester selon deux formes :
 l’angiosarcome hépatique, un cancer du foie très rare (10 cas/an estimés en France)
 le carcinome hépatocellulaire (ou hépatocarcinome), forme la plus fréquente de cancer du foie (7 600 cas/an estimés en France) mais le plus souvent lié à d’autres facteurs de risques comme l’alcoolisme ou les infections par les virus des hépatites.

Dans le cas d’une consommation quotidienne d’eau du robinet renfermant des teneurs de CVM, le risque de cancer est théorique et fondé sur des études toxicologiques réalisées sur des animaux.

L’exposition aux CVM par la consommation d’eau du robinet est faible et aucun lien certain n’a été établi à ce jour entre les cas d’angiosarcome et d’hépatocarcinome et la consommation de l’eau du robinet.

La littérature scientifique considère l’angiosarcome hépatique comme un « cancer sentinelle » de l’exposition au CVM. Ainsi, l’Agence nationale de santé publique (ANSP) a conduit une étude, entre 2013 et 2016, afin de tester la faisabilité du repérage des cas d’angiosarcomes du foie à l’échelle nationale afin de mettre en place une surveillance prospective, en décrivant les éventuels facteurs de risques professionnels et environnementaux. Du fait du nombre faible de cas recensés, la portée des informations issues de la recherche des expositions environnementales provenant de l’ingestion d’eau du robinet s’avère limitée et ne permet pas de mettre en place une étude épidémiologique à un niveau national.

L’hépatocarcinome est un cancer beaucoup plus fréquent (7 600 cas/an estimés en France), mais le rôle du CVM est plus difficile à mettre en évidence par une étude épidémiologique, compte tenu des autres facteurs de risque associés à ce type de cancer (consommation d’alcool, infections par les virus des hépatites).

La mesure du CVM dans l’eau du robinet

Les personnes responsables de la production ou de la distribution de l’eau sont les responsables directs de la qualité de l’eau distribuée à la population. A ce titre, elles sont notamment tenues de vérifier la qualité de l’eau et en cas d’anomalies, de prendre des mesures correctives, d’informer les usagers, le maire et le préfet et l’ARS.

Les progrès des techniques analytiques ont permis d’inclure l’analyse de CVM dans le contrôle sanitaire de l’eau potable à partir de 2007. Dans ce cadre, les prélèvements et analyses du CVM dans l’eau sont réalisés, à la demande des Agences régionales de santé (ARS), par des laboratoires agréés au titre de l’article L. 1321-5 du code de la santé publique et sont financièrement à la charge de la personne responsable de la production ou de la distribution d’eau.
Ainsi, les analyses de CVM dans l’eau potable peuvent être réalisées dans différents cas de figure : dans le cadre du contrôle sanitaire classique, dans le cadre de la mise en œuvre de l’instruction d’octobre 2012 mise à jour par l’instruction d’avril 2020 (études) (cf. ci-dessous), en cas de risque sanitaire suspecté.

En cas de dépassement confirmé de la limite de qualité de l’eau pour le CVM

En cas de dépassement confirmé de la limite de qualité du CVM, la personne responsable de la production ou de la distribution de l’eau doit mettre en place des purges dans les meilleurs délais dans les secteurs du réseau de distribution concernés et avertir l’Agence régionale de Santé (ARS).

Ces purges consistent à renouveler régulièrement une partie de l’eau en plusieurs points du réseau, afin de diminuer le temps de séjour de l’eau dans les canalisations en PVC et réduire significativement la teneur en CVM dans l’eau du robinet.

Si ces purges ne peuvent pas être mises en œuvre, ou ne sont pas suffisamment efficaces, la personne responsable de la distribution (collectivité en lien avec l’exploitant du réseau d’eau) met en œuvre des mesures correctives dans les délais fixés par l’instruction d’avril 2020 (cf. ci-dessous) et informe les consommateurs des restrictions de consommation de l’eau à respecter le cas échéant.

Seuls des travaux sur les canalisations concernées permettent de garantir une conformité durable vis-à-vis du CVM. Dans l’attente de ce remplacement, des solutions telles que des purges sont mises en place pour répondre aux problèmes éventuels de dépassement de limite CVM.

Des procédés tels que le tubage, qui consiste à introduire une canalisation de diamètre inférieur dans la canalisation, permettent de supprimer les contacts entre les parois en PVC contenant du CVM et l’eau. Cependant, cette technique n’est utilisable que dans des conditions spécifiques (faible longueur de canalisation, peu de branchements, absence de poteau incendie en aval…).

Les mesures prises par les autorités sanitaires

 Une obligation réglementaire d’analyse du CVM
L’analyse du chlorure de vinyle monomère (CVM) dans l’eau à la sortie des installations de traitement a été rendue systématique dans le cadre du contrôle sanitaire à partir de 2007.

 Une campagne nationale de mesure du CVM
Sur la période 2008-2010, quelques dépassements de la limite de qualité (0,5 μg/L) ont été observés dans l’eau sur le réseau de distribution et ont alerté les autorités sanitaires.
Ainsi, en 2010, la Direction générale de la Santé (Ministère chargé de la Santé) a confié au Laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) l’organisation et la réalisation d’une campagne nationale de mesure du CVM dans l’eau du robinet afin de mieux appréhender les risques de dépassement de la limite de qualité.
Cette campagne a ciblé un échantillon de 300 communes de faible densité de population et alimentées par un réseau constitué majoritairement de canalisations anciennes en PVC. Ces communes avaient été sélectionnées au regard de la potentielle présence de CVM dans l’eau distribuée.

 Les instructions ministérielles d’octobre 2012 et d’avril 2020
Au vu des résultats de l’étude du Laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses, la Direction générale de la Santé a élaboré l’instruction n° DGS/EA4 n°2012-366 du 18 octobre 2012 demandant aux Agences régionales de Santé (ARS) d’identifier les secteurs à risque du réseau de distribution d’eau potable et d’engager un plan d’échantillonnage pluri annuel, avec l’appui des personnes responsables de la production ou de la distribution de l’eau. Cette instruction encadre également les modalités de gestion des non conformités.
Par la suite, l’instruction n° DGS/EA4/2020/67 du 29 avril 2020 a modifié l’instruction DGS/EA4/2012/366 du 18 octobre 2012. Les évolutions introduites dans cette instruction en termes de gestion se basent notamment sur les retours d’expérience des ARS, des professionnels de l’eau et des études scientifiques et concernent principalement :
> la réaffirmation du rôle de la personne responsable de la production ou de la distribution de l’eau qui, au regard de ses compétences, est l’acteur principal de la gestion de la problématique du CVM dans les EDCH, et, de ce fait, l’assouplissement des modalités d’intervention des ARS ;
> les modalités et les délais de mise en œuvre des mesures de gestion, en basant les mesures de gestion sur la concentration moyenne en CVM et en adaptant les délais de mise en œuvre des mesures correctives, gradués en fonction des concentrations mesurées.

 Les actions des Agences régionales de santé
Les ARS ont engagé, en lien avec les responsables de la distribution d’eau, un repérage des canalisations susceptibles de relarguer du CVM, grâce notamment aux données patrimoniales fournies par les collectivités.
Des campagnes de mesures, réalisées en complément du contrôle sanitaire réglementaire, ont pu être programmées par les ARS, dans les zones identifiées comme étant potentiellement concernées par la présence de CVM dans l’eau. Dorénavant, les personnes responsables de la production ou de la distribution d’eau poursuivent les investigations sur les réseaux à risque.
Par ailleurs, les ARS poursuivent la sensibilisation des collectivités à la problématique des CVM dans l’eau. Elles sensibilisent également les comités de bassin des Agences de l’eau afin que les Agences de l’eau puissent apporter un soutien financier aux collectivités concernées par la présence de CVM dans l’eau (réalisations d’études dites patrimoniales et/ou réalisation de travaux de remplacement des canalisations incriminées).

Recommandations aux consommateurs

En cas de dépassement confirmé de la limite de qualité (0,5 μg/L) et si les mesures mises en œuvre par le responsable de la distribution d’eau (collectivité en lien avec exploitant du réseau d’eau) ne permettent pas de corriger la situation, les consommateurs concernés sont alertés par le responsable de la distribution d’eau et informés des consignes de restriction d’usages à respecter.

 La consommation d’eau en bouteille
En cas de dépassement, l’utilisation d’eau en bouteille est préconisée pour la boisson et pour la préparation des aliments.
En revanche, l’utilisation de l’eau du robinet pour tout autre usage sanitaire (toilette, brossage des dents, lavage des légumes par exemple) est sans risque.

 Les solutions alternatives à la consommation d’eau en bouteille
Des tests réalisés en laboratoire ont montré que si la concentration en CVM ne dépasse pas 1 µg/L, le stockage pendant 8h à température ambiante dans une carafe propre, permet de diminuer de moitié la concentration en CVM et ainsi respecter la limite de qualité.
L’eau du robinet peut être utilisée pour la cuisson des aliments et les boissons chaudes si elle est portée à ébullition.
L’utilisation de cartouches filtrantes afin d’éliminer le CVM de l’eau n’est pas conseillée. En effet, des essais en laboratoire ont montré qu’au-delà d’une semaine d’utilisation avec une eau contenant 2 µg/L de CVM, la cartouche ne permet plus d’atteindre la limite de qualité de 0,5 μg/L. Il est à noter qu’une eau ne contenant pas de CVM se charge en CVM en passant au travers d’une cartouche usagée.

Les réseaux d’eau concernés

 Seules les canalisations en PVC, en partie publique du réseau, posées avant 1980 sont concernées
Les réseaux d’eau sont constitués d’une partie publique et d’une partie privée en aval des compteurs. Différents matériaux sont utilisés pour la réalisation des réseaux. L’eau qui parvient à chaque foyer a transité par un linéaire de canalisation qui peut être très long (parfois plusieurs dizaines de kilomètres entre l’usine de production d’eau potable et le consommateur).
Seules les canalisations en PVC, en partie publique du réseau, posées avant 1980 peuvent entrainer la présence de CVM dans l’eau, sous certaines conditions. En effet, le procédé de fabrication de ces canalisations entraînait la présence de cette molécule à des concentrations importantes dans le matériau plastique de la canalisation. Ce résiduel piégé dans la canalisation peut alors migrer lentement vers la paroi intérieure de la canalisation où il va se mélanger à l’eau.
A partir de 1980, la technique de fabrication a changé de sorte que la concentration en PVC dans les canalisations mises sur le marché après 1980 a diminué considérablement. C’est ainsi qu’une canalisation fabriquée après 1980 renferme moins de 1 mg de CVM par kg de PVC (à cette concentration, il n’est plus possible de détecter du CVM dans l’eau distribuée) alors qu’une canalisation fabriquée entre 1970 et 1980 peut en renfermer jusqu’à 2 000 fois plus.

 Les canalisations intérieures des bâtiments (après le branchement public) ne sont pas concernées
Le PVC a été utilisé pour la fabrication de canalisations d’eau potable à partir du début des années 1970, presqu’exclusivement pour les canalisations publiques.
Les canalisations intérieures d’eau froide ne sont généralement pas en PVC.

 Des facteurs favorisent le risque de dépassement
Toutefois, parmi ces canalisations en PVC ancien, les risques de dépassement de la limite de qualité en CVM augmentent lorsque les facteurs suivants augmentent :
> le linéaire de canalisations en PVC ancien emprunté par l’eau,
> la teneur en CVM initiale dans ces canalisations,
> le temps de contact de l’eau avec ces canalisations,
> la température de l’eau.

La présence de canalisations en PVC posées avant 1980 n’entraîne pas à elle seule un dépassement de la limite de qualité. C’est la combinaison de ces facteurs qui peut conduire à un dépassement de la limite de qualité.
Ces situations, où un dépassement de la limite de qualité peut être possible, se rencontrent essentiellement dans les canalisations desservant les habitats dispersés des réseaux ruraux (antennes de réseaux) et non pas les parties agglomérées des communes.

 Un réseau d’eau en PVC posé avant 1980 n’entraîne pas forcément la présence de CVM dans l’eau
Le risque de présence de CVM va dépendre, en partie, du temps de stagnation de l’eau dans ces canalisations, c’est-à-dire, le temps pendant lequel l’eau est en contact avec le PVC.
Seuls les abonnés desservis par une eau ayant stagné longtemps dans les parties de canalisation en PVC sont susceptibles d’être concernés.
Ainsi, les agglomérations, les communes ou les lotissements, où l’eau circule constamment, ne sont pas touchées par le problème. En revanche, les zones rurales en bout de réseau sont susceptibles d’être concernées, compte tenu du temps de séjour de l’eau dans les canalisations plus élevé.
Pour identifier les canalisations susceptibles de relarguer du CVM, la première étape est d’identifier les canalisations en PVC posées avant 1980 et d’évaluer le temps de contact de l’eau dans ces canalisations.
En priorité, les tronçons identifiés comme susceptibles de relarguer du CVM sont ceux présentant un temps de contact de l’eau supérieur à 48 heures.
Des prélèvements d’échantillon d’eau et des analyses de CVM sont réalisés au niveau de ces canalisations.

 Entre 50 000 km et 340 000 km de conduites concernées, selon les sources de données
Il est difficile, en l’absence de données patrimoniales sur la nature et le linéaire de la totalité des canalisations posées, notamment celles posées avant 1980, de donner une indication précise du linéaire concerné.
Les collectivités sont tenues de réaliser un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable (loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2). Ces descriptifs incluent les plans des réseaux et un inventaire portant notamment sur les linéaires de canalisations, l’année ou la période de pose, les matériaux utilisés (si cette information est disponible). Ces descriptifs détaillés doivent être mis à jour annuellement (travaux réalisés sur les réseaux et données acquises durant l’année).
D’après l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA dont les compétences sont désormais exercées par l’Agence Française pour la Biodiversité), l’alimentation en eau potable en France est assurée par plus de 900 000 kilomètres de canalisations.
Les informations recueillies par les ARS dans le cadre de la mise en œuvre de l’instruction du 18 octobre 2012, dans près de la moitié des départements, permettent d’estimer à environ 140 000 kilomètres le linéaire de canalisations en PVC posé avant 1980 ou dont la date de pose est inconnue dans ces départements (données 2017). La situation est par ailleurs très hétérogène selon les régions et au sein d’un même département.

 La solution la plus pérenne est le remplacement des canalisations
Ce chantier est à la charge de la collectivité propriétaire du réseau (commune / groupement de communes / syndicat d’alimentation en eau potable) et nécessite un important investissement financier et une programmation pluriannuelle au niveau de son budget.
Le changement d’un kilomètre de canalisation coûte entre 50 000 et 200 000 euros selon la configuration des lieux.

Où puis-je avoir des informations sur la qualité de l’eau ?


Les données sur la qualité de l’eau du robinet sont publiques. Elles sont disponibles :
  sur le site internet du ministère chargé de la Santé www.eaupotable.sante.gouv.fr, résultats commune par commune ou données disponibles en open data pour l’ensemble des installations depuis 2016 ;
  en mairie, où sont affichés les derniers résultats d’analyse de l’eau du robinet, transmis par l’ARS ;
  auprès du responsable de la distribution d’eau ;
  avec la facture d’eau, à laquelle est jointe annuellement une note de synthèse élaborée par l’ARS sur la qualité de l’eau, pour les abonnés au service des eaux ;

En l’absence de consignes particulières du responsable de la distribution, du maire ou de l’ARS (ou éventuellement du médecin pour les nourrissons), l’eau du robinet peut être consommée.

Des informations générales sur la qualité de l’eau du robinet sont également disponibles sur les sites internet du ministère chargé de la Santé et des ARS.